Depuis l’installation en 2012 d’un parc éolien dans la commune de Nozay en Loire-Atlantique, trois éleveurs se plaignent d’une surmortalité et de troubles divers dans leur cheptel. Ils incriminent les éoliennes qui, selon eux, seraient responsables du décès prématuré de centaines de vaches. Plusieurs expertises ont déjà été menées au cours des dernières années, et elles n’ont pas pu mettre en évidence un rapport de causalité entre les éoliennes et les problèmes constatés dans les élevages. Il y a quelques jours, l’Anses[1] a rendu à son tour un rapport d’expertise dont la conclusion est sans appel : le lien entre les troubles sanitaires et les éoliennes est « hautement improbable ».

L’affaire défraye la chronique depuis plusieurs années. Après l’installation en 2012 d’un parc de 8 éoliennes à respectivement 700 et 1500 mètres de leurs fermes, trois éleveurs de la commune de Nozay en Loire-Atlantique ont constaté une mortalité accrue de leurs bêtes ainsi que des troubles du comportement, des difficultés à vêler, des retards de croissance et une baisse de leur production laitière.

En 2014 déjà, des experts du GPSE (Groupement permanent pour la sécurité électrique) ont été mandatés par la préfecture pour étudier le phénomène. Conclusion : la « concomitance de l’installation et de la mise en service des éoliennes avec l’altération des performances et les troubles du comportement des animaux semble établie ». Mais aucune anomalie électrique ni aucun courant parasite n’ont été détectés.
En 2019, et à la demande des exploitants agricoles cette fois, d’autres experts dans les domaines vétérinaire, électrique, électromagnétique et géobiologique ont réalisé de nouvelles investigations. Elles ont abouti à la même conclusion.

Les éleveurs ont alors réalisé la mise en conformité électrique de leurs installations. « Mais les problèmes ont continué, ce qui prouve qu’ils viennent de l’extérieur, soit des infrasons, soit des ondes électro-magnétiques véhiculées par l’eau dans le sol » déplorait à l’époque Didier Potiron, l’un des plaignants.

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L’Anses intervient et mène de nouvelles études

Saisie en 2019 par les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture, l’Anses, l’Agence française de sécurité sanitaire, a mené à son tour de nouvelles investigations. Ses conclusions se sont fait attendre pendant deux ans mais elles viennent d’être rendues publiques il y a quelques jours.

Pour procéder à l’évaluation scientifique, le groupe d’experts mis en place par l’agence a d’abord identifié les différents agents physiques générés par les éoliennes : ondes sonores audibles ou non, champs électromagnétiques situés à la fois au niveau des éoliennes et autour des câbles transportant l’électricité, courants parasites, vibrations au niveau du sol. Les experts n’ont pas retenu la gêne visuelle occasionnée par les éoliennes, car la vision des bovins et leur perception des mouvements sont beaucoup moins bonnes que celles des humains.

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Les troubles sont réels

Le groupe de travail a contacté les différentes agences sanitaires européennes et ont épluché la littérature scientifique à la recherche de cas similaires ou d’études sur l’exposition des élevages aux éoliennes. Mais rien de semblable n’a été signalé, y compris dans les pays plus avancés que la France dans leur développement éolien. Les experts ont ensuite auditionné les éleveurs et ont passé au crible les dizaines de rapports scientifiques déjà consacrés aux deux élevages concernés.

« Les troubles dont les éleveurs se plaignent sont réels », reconnaît Matthieu Schuler l’un des directeurs de l’Anses. Pour chaque trouble constaté, la possibilité qu’il soit causé par un des agents physiques générés par les éoliennes a été analysée. L’évaluation a été faite indépendamment pour chacun des deux élevages, avec pour critères le niveau de l’exposition, le lien chronologique avec la mise en service des éoliennes et l’existence d’autres sources d’exposition.

En conclusion, l’Anses considère comme hautement improbable voire exclue ​l’existence d’un lien de causalité entre les troubles de santé des animaux et le fonctionnement des éoliennes voisines. Selon les experts, la plupart des troubles ne présentent pas d’apparition ou d’évolution significative qui puisse être associée à la période de mise en service des éoliennes. Le niveau d’exposition aux agents physiques étudiés apparaît, dans de nombreux cas similaires à ce qui est observé dans d’autres exploitations, les éoliennes n’y contribuant que faiblement​.

L’agence pointe comme cause possible des pathologies un niveau d’exposition aux courants parasites tout à fait remarquable dans les bâtiments des deux élevages, mais avec une part attribuable aux éoliennes jugée faible. L’état des installations électriques des deux exploitations continue de poser question​.

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Déception chez les éleveurs

Les éleveurs concernés affichent quant à eux leur déception. « On nous reproche le mauvais fonctionnement de nos installations électriques. C’est faux ! On a un certificat de conformité !​ », s’insurge l’un d’entre eux. Après le classement sans suite d’une première plainte, ils entreprennent à présent une nouvelle démarche judiciaire et demandent en référé l’expertise des câbles qui relient les éoliennes au réseau. Cette requête ayant été accordée par le tribunal administratif, l’affaire des éoliennes de Nozay aura donc sans doute encore des suites.

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[1] ANSES : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail