Une équipe de chercheurs américains a découvert qu’une technique destinée à augmenter la performance des éoliennes onshore permettait en même temps de réduire le bruit qu’elles génèrent.

Les contraintes liées à l’urbanisme et la raréfaction des sites propres au développement éolien imposent aux développeurs de projets de maximiser l’espace disponible. Il est dès lors tentant de réduire au maximum l’inter-distance entre les éoliennes d’un parc, quitte à subir certaines pertes de production, plutôt que d’éloigner les éoliennes les unes des autres, dans le but de ne souffrir aucune perte par effet de sillage.

Lorsqu’une éolienne est en rotation, le vent crée en aval du rotor une zone de turbulences, dans laquelle le vent faiblit et voit son potentiel énergétique décroître, entraînant ainsi une perte de production pour les éoliennes alignées dans son sillage. Lorsque la direction du vent coïncide avec l’alignement des éoliennes, les pertes de production peuvent atteindre 40%. C’est ce qu’on appelle donc « l’effet de sillage« .

C’est la raison pour laquelle, en mai 2019, une équipe de chercheurs de l’université Stanford en Californie a mis au point la technique du « wake steering » (que l’on pourrait traduire par « orientation du sillage »), désormais connue des opérateurs de parcs éoliens et des fabricants de turbines.

Cette technique consiste à faire légèrement pivoter les rotors des éoliennes se trouvant en amont du vent, de sorte que l’axe de leurs pales ne s’aligne pas parfaitement avec l’axe du vent, réduisant ainsi l’effet de sillage sur les éoliennes situées en aval.
En décalant l’axe des rotors – c’est-à-dire en les faisant légèrement dévier par rapport à l’axe du vent – les opérateurs de parcs éoliens déplacent l’effet de sillage. Les chercheurs américains ont constaté que s’ils réduisaient de ce fait les performances des turbines en amont, ils augmentaient par ailleurs de manière significative la production globale du parc entier.

Selon les tests effectués sur un parc opérationnel en Alberta (Canada), les gains de production, pour l’ensemble du parc, s’échelonnaient entre 7 et 13%, pour des vitesses de vent proches de la moyenne des vents observés sur le site. Et entre 28 et 47% pour des vitesses de vent plus faibles, soufflant dans les mêmes directions.

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Quel impact sur le bruit ?

Aux Etats-Unis, le gouvernement Biden-Harris s’est fixé un objectif : atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour y arriver, le parc éolien actuel doit être multiplié par un facteur compris entre cinq et dix. Malgré l’étendue du territoire américain, de tels objectifs nécessitent inévitablement de rapprocher les parcs éoliens des zones urbanisées.

Face à une telle prolifération annoncée des éoliennes sur le territoire des Etats-Unis, le centre de recherche NREL (National Renewable Energy Laboratory) a voulu savoir si le désaxage des rotors pour réduire l’effet de sillage avait un impact positif ou négatif sur le niveau acoustique des éoliennes. Une série de tests a dès lors été entreprise en conditions réelles, en plaçant 11 microphones à proximité d’une éolienne General Electric de 1,5 MW appartenant au Département Américain de l’Energie.
Les micros ont enregistré les bruits émis dans la gamme de fréquences audibles pour l’être humain. Les chercheurs ont également récolté des données « full-field » (sur la totalité de la zone où un impact acoustique peut être perçu) afin de mesurer les niveaux de bruit sur une large zone.

Se basant sur les prédictions des modèles d’émissions acoustiques, les chercheurs s’attendaient à ce que le pivotement des rotors augmente le niveau sonore des éoliennes, mais leur surprise fut grande quand ils s’aperçurent que le bruit émis était réduit.
Les modèles de simulation acoustique sont-ils dès lors peu fiables ? Non, car il s’agit ici d’observation de niveaux sonores dans des conditions non prévues initialement : l’émission sonore d’un rotor qui n’est pas exactement dans l’axe du vent.

Pour résumer, si un léger décalage est appliqué aux rotors, un parc éolien terrestre produira non seulement un surcroît significatif d’énergie, mais verra en outre son impact acoustique diminuer.

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