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Un îlot de chaleur urbain (ICU), qu'est-ce que c'est ?

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Par Kevin CHAMPEAUPublié le 1 juin 2025
Urbanisation dense à Marseille / Image : Révolution Énergétique - HL.

Chaque été, la notion d’îlots de chaleur urbains revient au cœur de l’actualité, la faute à des températures de plus en plus élevées qui rendent le cœur des villes inconfortable. Mais qu’est-ce qui se cache réellement derrière ce terme ? Quelles sont les solutions qui permettent d’y remédier ?

Le terme « îlot de chaleur urbain » décrit une élévation localisée des températures (en particulier des températures maximales) en milieu urbain par rapport aux zones rurales voisines, ou par rapport aux températures moyennes de la région. Formant comme un dôme thermique au-dessus des agglomérations, cet îlot de chaleur urbain augmente la sensation d’inconfort liée à des températures élevées et peut avoir des répercussions sur la santé des habitants des zones concernées.

La notion d’îlot de chaleur urbain est loin d’être nouvelle. Ce phénomène a été décrit pour la première fois à Londres, au début du XIXe siècle. À cette époque, Luke Howard, un pharmacien passionné par la météorologie, avait, en effet, observé une différence de température entre le centre de Londres et la campagne environnante. Cette différence était de 0,19 °C le jour, et surtout 3,7 °C la nuit.

Depuis, ce phénomène a pris une toute autre ampleur, entraîné par les effets combinés d’une urbanisation croissante et du réchauffement climatique. Pour ces raisons, les autorités des grands centres urbains du monde entier cherchent des solutions permettant de le limiter, mais la partie est encore loin d’être gagnée.

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Les causes de ces îlots de chaleur urbains sont nombreuses

Minéralisation des sols, absence de végétation ou de circulation d’air. Les causes de ces îlots de chaleur urbains sont multiples et issues de siècles d’urbanisme en déconnexion complète avec la nature et son fonctionnement.

Dans les zones faiblement ou moyennement urbanisées, de nombreux phénomènes participent au rafraîchissement de l’air, de jour comme de nuit. D’abord, la présence de végétation combinée à la nature perméable des sols permet une évaporation naturelle de l’eau qui conduit à un rafraîchissement de l’air ambiant. Le vent joue également un rôle prépondérant en rafraîchissant les zones où la chaleur se serait accumulée.

L’urbanisation progressive, mais massive, des grandes villes a entraîné la disparition de ces phénomènes naturels. La minéralisation des sols et le retrait progressif de la végétation a conduit à une imperméabilisation totale de ces sols. L’air ne peut donc pas se charger en humidité, et reste chaud et sec, entraînant par la même occasion la disparition de la rosée et du brouillard, qui ont pourtant comme effet de faire retomber les poussières et pollen en suspension.

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D’autre part, les centres urbains sont composés en grande partie de matériaux dont l’albédo est élevé. En d’autres termes, ils sont constitués d’un ensemble de surfaces qui emmagasinent le rayonnement solaire sous forme de chaleur pour le restituer plusieurs heures plus tard par rayonnement infrarouge. Parmi ces surfaces qui absorbent les rayons du soleil, on peut citer l’enrobé, qui constitue les routes et les trottoirs, le béton, la brique ou même le verre qui entraîne un effet de serre.

L'Albédo, c’est quoi ?

Ce terme désigne le pouvoir réfléchissant d’une surface, c’est-à-dire le rapport du flux d’énergie lumineuse réfléchie sur le flux d’énergie lumineuse incidente. Cette valeur sans unité est comprise entre 0 et 1, 0 correspondant à un corps noir parfait et 1 correspondant à un miroir parfait. Si certaines matières ont un albédo très variable comme les nuages, la plupart des matières solides ont un albédo fixe. Par exemple, la lave a un albédo de 0,04 et absorbe presque toute la lumière. À l’inverse, l’albédo de la neige peut atteindre 0,90. L’albédo moyen de la Terre est estimé à 0,30, toute surface confondue. L’appareil qui permet de prendre la valeur de cette mesure est un albédomètre.

En termes d’architecture, la grande concentration de bâtiments de grande hauteur génère un effet canyon qui coupe la circulation naturelle de l’air. Par ce phénomène, l’air chaud stagne au niveau des rues sans moyen d’être évacué par les vents.

Enfin, les villes concentrent un nombre considérable d’appareils et de machines produisant ou consommant de l’énergie. Ces machines génèrent presque systématiquement de la chaleur, ce qui a pour effet d’augmenter le phénomène d’îlot de chaleur. Parmi ces sources de chaleur, on peut citer les transports (individuels et en commun), les chaufferies ou encore les usines. La climatisation, bien qu’elle ne produise que très peu de chaleur à proprement parler (la seule chaleur produite provient du fonctionnement de la pompe), opère un déplacement des calories de l’intérieur des bâtiments vers l’extérieur des bâtiments, ce qui a pour effet de participer à l’augmentation globale de la température extérieure.

Les ICU ont des effets néfastes sur la santé

Outre l’inconfort qu’ils génèrent, ces îlots de chaleur ont un impact direct sur la santé, en particulier pour les personnes les plus vulnérables. Selon une étude publiée par Santé Publique France, le risque de mortalité liée à la chaleur à Paris et dans la petite couronne est 18 % plus élevé dans les communes les moins arborées. L’augmentation de chaleur provoquée par ce phénomène peut notamment participer à une déshydratation ou une hyperthermie, voire aggraver des pathologies sous-jacentes comme le diabète, l’insuffisance respiratoire, ou encore des maladies cardiovasculaires.

Les solutions pour y remédier sont nombreuses

Depuis plusieurs années, de nombreuses municipalités ont pris conscience de l’enjeu que représentent ces îlots de chaleur, en particulier dans un contexte de réchauffement climatique global. L’urbanisme des villes est donc adapté de manière à limiter ce phénomène autant que possible, notamment grâce à la végétalisation des espaces urbains et à l’augmentation de l’albédo des surfaces.

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La végétalisation, une priorité pour de nombreuses métropoles

La végétalisation des rues et des places comporte de nombreux avantages qui agissent positivement sur le phénomène d’ICU. En premier lieu, planter des arbres, des arbustes et des buissons permet de limiter la minéralisation du sol et favorise l’infiltration de l’eau. Les plantes peuvent ainsi prélever cette eau, puis transpirent afin de réguler leur température de jour comme de nuit, un peu comme les humains. Lorsque cette eau s’évapore, elle a pour effet de faire baisser la température de l’air ambiant. On appelle ce phénomène l’évapotranspiration.

Enfin, les arbres génèrent une ombre portée qui a pour effet de faire baisser la température en pleine journée, et donc de rendre les espaces publiques plus confortables.

L’albédo, une notion indissociable des ICU

Comme expliqué un peu plus haut, l’albédo correspond à la capacité d’une surface à renvoyer l’énergie solaire. Les nombreuses surfaces sombres qui constituent les villes, comme le béton et l’enrobé, entraînent un réchauffement rapide des surfaces au contact du soleil. La nuit, ces matériaux qui ont emmagasiné de la chaleur pendant la journée, la restituent sous forme de rayonnement infrarouge pendant la nuit, limitant le rafraîchissement de l’air.

En travaillant sur les matériaux utilisés et en particulier sur leur couleur, il est possible de faire diminuer ce phénomène. Certaines communes, comme la ville de Lyon, expérimentent la mise en œuvre de peintures thermiques sur les trottoirs par exemple. Si la pratique est parfois contestée, il est également possible de peindre en blanc les toitures, ce qui agît positivement sur la température extérieure et permet de limiter la surchauffe des bâtiments.

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La lutte contre les îlots de chaleur urbains demande une réflexion globale sur l’architecture des espaces urbains

Outre ces deux solutions pragmatiques, la lutte contre les îlots de chaleur urbains entre dans une réflexion globale sur des villes du futur moins énergivores et dont la conception serait plus en accord avec leur environnement direct. À titre d’exemple, le développement de bâtiments éco-conçus permettrait, grâce à une isolation thermique parfaitement optimisée, de limiter grandement les besoins en climatisation, réduisant ainsi l’effet des pompes à chaleur sur les ICU. De la même manière, le développement de moyens de transports décarbonés permettraient de limiter le réchauffement de l’air lié aux moteurs à combustions et à leurs gaz d’échappements.

D’un point de vue architectural, des architectes et urbanistes du monde entier travaillent sur la question, cherchant à optimiser les flux d’air à travers les espaces urbains en limitant, par exemple, l’effet canyon, et en intégrant de manière judicieuse de la végétation ou encore des plans d’eau alimentés par les eaux pluviales et évitant ainsi le phénomène de ruissellement.

De nombreuses villes mettent en place des trames vertes, c’est-à-dire des couloirs de végétation qui ont pour effet de favoriser le rafraîchissement de la ville. C’est notamment le cas d’Angers Loire Métropole qui a accompagné la création de nouveaux quartiers, de vastes espaces verts composés de boisements, de prairies et d’équipements sportifs. Outre l’effet positif sur les îlots de chaleur urbain, ce type de démarche permet le retour d’une biodiversité prolifique au sein des villes.

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