Trois ans après avoir provoqué l’arrêt de la moitié du parc nucléaire français, la corrosion sous contrainte revient à la centrale de Civaux. Le phénomène, mal compris et difficile à prévenir, inquiète sur la robustesse du parc existant alors que la France signe la relance du nucléaire.
Nouvelle alerte pour EDF : deux indications suspectes de corrosion sous contrainte ont été repérées sur le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Civaux, dans la Vienne, pendant une opération de maintenance programmée. Il s’agit précisément de zones déjà réparées en 2022 après le déclenchement de la crise qui avait conduit à la mise à l’arrêt de 16 réacteurs, provoquant une chute historique de la production nucléaire française.
Ces indications – des signaux détectés lors de contrôles ultrasons – laissent craindre une reprise du phénomène. EDF a retiré un coude en acier suspect et l’a ensuite envoyé en laboratoire. Les investigations doivent établir s’il s’agit d’une usure prématurée, d’un défaut de fabrication ou d’une conséquence d’une procédure inadaptée comme un temps de purge trop long. La corrosion sous contrainte (CSC), invisible à l’œil nu, se manifeste par de microscopiques fissures sur des tuyauteries soumises à des efforts mécaniques et thermiques importants.
À lire aussiQuel était le mix électrique de la France en 1948 ? EDF dévoile ses données historiquesCe retour du problème sur des tuyaux pourtant changés pose question. D’autant plus que la centrale de Civaux, mise en service en 2002, est la plus récente du parc français après l’EPR de Flamanville. Le phénomène ne semble pas lié au vieillissement des équipements, mais plutôt à des caractéristiques de conception. Les réacteurs les plus puissants (1 300 et 1 450 mégawatts) sont les plus touchés, en raison de la complexité de leurs circuits – notamment les coudes et soudures – héritée du design des réacteurs américains de 900 MW.
Depuis la première détection du phénomène à Civaux en 2021, EDF a engagé un vaste programme de contrôle et de réparation validé par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Plus de 1 200 soudures et plusieurs dizaines de fissures supérieures à 2 millimètres identifiées ont été vérifiées. Si la campagne de remplacement préventif des pièces les plus sensibles s’est achevée début 2024, les inspections se poursuivent ailleurs dans le parc.
À lire aussiBombe atomique : comment la centrale nucléaire de Civaux va aider à en fabriquer ?Mais le fond du problème reste partiellement inexpliqué. La CSC est considérée comme un phénomène multifactoriel. Outre la géométrie des lignes, un autre suspect est désormais dans le viseur : la chimie de l’eau. Contrairement aux pratiques de nombreux pays, EDF n’utilise pas d’eau désaérée dans ses circuits primaires. Or la présence d’oxygène dissous pourrait favoriser l’apparition des fissures, surtout lors des phases de modulation de puissance – de plus en plus fréquentes pour accompagner l’intermittence des énergies renouvelables.
L’ASNR, qui a confirmé ce problème à La Tribune, demande à EDF d’examiner, réacteur par réacteur, comment réduire cette oxygénation. Mais pour l’heure, aucune solution technique simple ne s’impose. Le régulateur insiste néanmoins : « Nous avons aujourd’hui une compréhension suffisante pour gérer et prévenir correctement le risque associé ». Le réacteur a été sélectionné pour expérimenter la production de tritium, un gaz indispensable à la fabrication des armes atomiques. Dans ce cadre, des éléments en lithium ont été introduits dans certains assemblages de combustible.
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