C’était le feuilleton de l’été pour les professionnels du secteur. L’interdiction totale des chaudières à gaz, envisagée par le gouvernement à l’échéance 2026, est finalement écartée. Le président Macron l’a confirmé lors de son interview télévisée le 24 septembre. Pourquoi ce recul ? N’est-ce que partie remise ?

Dans le cadre de la décarbonation du bâtiment et des moyens de chauffage, parmi les mesures envisagées par le gouvernement, figure l’interdiction progressive des chaudières à gaz. Le fioul a déjà fait l’objet d’une telle interdiction, dans les constructions neuves depuis janvier 2020 et en rénovation depuis janvier 2022. Pour le gaz, c’est une vraie révolution, puisque cette énergie représente le principal mode de chauffage des Français. Onze millions de logements individuels et collectifs l’utilisent, soit 40 % de la population, en comparaison des trois millions de chaudières au fioul.

Qu'à dit le président ?

« Sur les chaudières au gaz, je me suis beaucoup posé la question. On n’interdira pas, parce qu’on ne peut pas justement laisser nos compatriotes, en particulier dans les zones les plus rurales, sans solution. Par contre, […] on va développer les pompes à chaleur et accompagner les ménages pour s’équiper de pompes à chaleur, parce que les pompes à chaleur c’est intelligent, ça fait des économies d’énergie, ça réduit très fortement les émissions et on va produire en France ces pompes à chaleur, on va tripler la production ».

Emmanuel Macron, lors de l’interview télévisée du 24/09/23.

Les chaudières au gaz déjà interdites dans certains cas

Rien de nouveau à ce que le gouvernement s’attaque au chauffage au gaz, car l’interdiction d’installer de nouvelles chaudières existe déjà. Dans les maisons neuves individuelles, elles sont prohibées depuis janvier 2022, dans le cadre de la RE 2020 (réglementation environnementale). À partir de janvier 2025, cette interdiction concernera également les logements collectifs neufs. Pour la rénovation individuelle et collective, la décision est donc en suspens. Il restera possible d’installer une chaudière à gaz neuve dans les logements existants.

Depuis janvier 2020, il est obligatoire d’installer un modèle à condensation lors du remplacement d’une chaudière au gaz ancienne. Cette technologie permet de réaliser 30 % d’économies d’énergie, ce qui reste insuffisant pour les objectifs de décarbonation.

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Quelle porte de sortie pour la chaudière au gaz ?

Les gaziers préfèrent des mesures incitatives plutôt qu’une interdiction, avec une sortie progressive d’ici 2035. Malgré la suppression des aides pour les appareils à énergie fossiles, les professionnels du gaz souhaitent davantage de soutien pour les chaudières hybrides, qui combinent gaz et pompe à chaleur, et sont subventionnables dans le cadre du programme Ma Prime Renov’.

Ces systèmes ont l’avantage d’utiliser l’électricité pour produire l’eau chaude sanitaire et le chauffage pendant les saisons intermédiaires et le gaz pour les pointes de froid hivernales. Cette solution, couplant une chaudière gaz avec une pompe à chaleur à régulation intelligente, est encouragée dans des pays voisins comme l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas. Elle permet de réduire de 40 à 50 % la consommation de gaz et de 70 % les émissions de CO2 du secteur du chauffage au gaz.

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Les chaudières hybrides ont également la faculté d’éviter la surcharge du réseau électrique français lors des pics de froid. En effet, elles peuvent être basculées sur le brûleur gaz en fonction des tensions sur le réseau, ou sur l’électricité en cas de hausse du prix du gaz. Les aides pour les chaudières hybrides existent déjà et elles sont conséquentes : de 6 500 € en combinant la Prime Rénov’ et les CEE pour les ménages à revenus intermédiaires, à 14 000 € pour les ménages très modestes.

Toutefois, les ventes de chaudière hybrides peinent à décoller, les professionnels, insuffisamment formés, manquent à l’appel. Fin juillet 2023, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a supposé l’idée de « s’appuyer sur des chaudières hybrides » pendant une certaine période. Cela suppose que les aides pour ce type de chaudière soient maintenues. En conséquence, les professionnels du gaz devraient se mettre rapidement en mouvement afin de proposer systématiquement ces modèles.

À l’inverse de sa ministre, le président de la République a occulté cette solution, en insistant sur la pompe à chaleur classique. Il est dommage de ne pas avoir suivi Agnès Pannier-Runnacher, pour rendre obligatoire l’installation d’une chaudière hybride, à défaut d’une pompe à chaleur 100 % électrique, en remplacement d’une vieille chaudière gaz.

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Fin des chaudières au gaz : comment ça se passe ailleurs ?

La France n’est pas le seul pays à planifier la fin du chauffage aux énergies fossiles. Les tensions sont notamment vives en Allemagne, où le sujet a fait l’objet d’une loi rendant obligatoire le remplacement d’une chaudière gaz ou fioul par un système utilisant au moins 65 % d’énergie renouvelable. Ce taux n’est pas un hasard, puisqu’il correspond à celui d’une chaudière hybride (gaz/électricité).

Emmanuel Macron n’a pas souhaité suivre ce modèle, pour marquer sûrement la spécificité française en matière de transition énergétique. Cette orientation est dans les mains des professionnels et des usagers. Les aides et les avantages existent et sont à mettre en lumière, pour ce choix pertinent, et qui peut satisfaire les parties prenantes.