Pour assurer l’équilibre en temps réel entre la production et la consommation d’électricité, une alternative est en plein développement, plus verte et tout aussi efficiente que le stockage : l’effacement diffus. Et la France est pionnière en la matière.

Pour éviter le « black-out » un réseau électrique doit toujours être en équilibre entre l’offre et la demande, c’est-à-dire entre la production et la consommation d’électricité. Pour garantir cet équilibre, y compris lors des pointes de consommation journalières et saisonnières, plusieurs solutions sont possibles. Celle qui consiste à accroître les moyens de production en construisant par exemple de nouvelles centrales est la plus coûteuse puisque celles-ci ne fonctionneront qu’un nombre limité d’heures par jour ou même par an lors des pics de consommation. Une autre possibilité est de multiplier les systèmes de stockage qui « emmagasinent » l’électricité lorsque la production excède la consommation et la restituent dans le cas contraire. La troisième alternative consiste, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité, à réduire temporairement la consommation d’un site industriel par exemple ou d’un groupe de consommateurs. C’est ce qu’on appelle l’effacement.

Egalement appelé « gestion active de la consommation », l’effacement permet donc de piloter à distance la consommation pour maintenir l’équilibre du réseau et garantir ainsi une tension constante, sans devoir recourir à des centrales modulables. Celles-ci, alimentées principalement par des combustibles fossiles, sont non seulement fortement émettrices de CO2, mais coûteuses de surcroît car sollicitées au moment où les prix du mégawattheure sont les plus élevés.

L’effacement permet d’éviter la mise en route de centrales polluantes lors des pics de consommation

La technique n’est pas nouvelle. En France, dès les années 1950, alors que les barrages électriques ne produisent parfois pas assez d’électricité par rapport aux besoins, EDF a signé des contrats tarifaires d’effacement avec certains industriels tels que des fonderies. Ces accords vont ensuite se généraliser avec des entreprises, grosses consommatrices, qui bénéficieront de tarifs avantageux si elles s’engagent à réduire leur consommation lors des pointes de consommation déterminées par EDF.

C’est ainsi qu’est apparu un nouveau métier : celui d’agrégateur d’effacement. Ces acteurs spécialisés regroupent des capacités d’effacement auprès de consommateurs individuels, en général des entreprises, afin de les valoriser sur le marché ou directement auprès de RTE.
Plus tard est apparue la technique de l’effacement diffus lorsque dans les années 2000, RTE a envisagé et testé la possibilité d’effacer simultanément la consommation de milliers de ménages volontaires. Un agrégateur ou opérateur d’effacement diffus disposant de moyens de télégestion (via un boitier, gratuitement ajouté au tableau électrique) éteint durant un certain temps (quelques minutes en général) le chauffage ou la climatisation du client. Celui-ci est ensuite rémunéré par un prix d’électricité un peu plus avantageux le reste du temps et par ses économies d’énergie. Quant à l’opérateur, il est rétribué par le gestionnaire du réseau, comme s’il était un producteur d’électricité.

Une facture réduite jusqu’à 15%

Aujourd’hui, Voltalis est, en France, le seul agrégateur d’effacement diffus certifié par RTE. A la demande, l’entreprise installe des boîtiers intelligents qui autorisent un pilotage à distance d’un certain nombre d’appareils électriques.

Les 100.000 consommateurs actuellement équipés du boîtier Voltalis sont globalement satisfaits : l’installation est gratuite, l’impact sur leur niveau de confort est négligeable vu les coupures temporaires, la facture peut être réduite jusqu’à 15% en moyenne, et la satisfaction d’avoir accompli un geste pour l’environnement est réelle.

Au final tout le monde est gagnant : les PME comme les industriels, ainsi que le gestionnaire de réseau, qui peut mobiliser les capacités d’effacement en moins de 4 secondes, contre 30 secondes pour les moyens de production classiques (centrales thermiques).

Un pilotage encore limité

L’effacement diffus peut concerner tant les ménages que les entreprises mais ne s’applique actuellement qu’au chauffage électrique, à la climatisation, et au chauffe-eau électrique. Seule condition à remplir pour les particuliers : occuper un foyer équipé au tout électrique et d’une surface d’au moins 80 m².
L’agrégateur Voltalis ne peut interrompre la consommation que pendant 15 à 20 minutes maximum, et l’effacement ne sera déclenché que si la puissance économisée globalement est de 10 mégawatt minimum.
Toutefois, avec les 100.000 clients « agrégés » par Voltalis, ce sont entre 100 et 200 mégawatt qui ne sont pas sollicités sur le réseau pendant les pics de consommation grâce à l’effacement diffus.

Une goutte d’eau au vu des 100.000 mégawatts parfois nécessaires pendant les pointes hivernales, direz-vous, mais cette solution pourrait se généraliser progressivement. Car une baisse du chauffage à hauteur d’un demi degré est pratiquement insensible chez un particulier. Par contre, multipliée par un grand nombre de logements, elle peut offrir une réserve d’électricité cruciale en cas de pic de demande.

Pour encourager davantage ce « geste citoyen », Elisabeth Borne, la ministre de la transition écologique et solidaire, a récemment annoncé une mesure visant à inciter l’installation de dispositifs de pilotage et de régulation du chauffage chez les particuliers, avec un coup de pouce de 150 € via les certificats d’économies d’énergie (CEE). L’objectif affiché est d’installer 20.000 à 40.000 dispositifs chaque mois.

Plus généralement, et afin d’anticiper la moindre disponibilité du parc nucléaire dans les mois à venir, les capacités d’effacement de consommation des acteurs industriels vont également être sollicitées pour gagner 1 à 2 GW supplémentaires. Pour y parvenir, le ministère propose un doublement du plafond de rémunération de ces capacités en 2021. Jusqu’ici il était fixé dans les appels d’offres à 30.000 € par mégawatts. L’objectif est de gagner 500 MW d’effacement, le plus tôt possible, explique madame Borne. Un bonus sera accordé aux opérateurs dont les capacités seront disponibles dès novembre.

Un marché enfin redynamisé

L’option EJP (Effacement des Jours de Pointe) était déjà proposée par EDF dans les années 80. Depuis lors sont arrivées l’offre Tempo, ou l’option tarif heures pleines/heures creuses. D’une manière ou d’une autre ces possibilités consistaient à réduire sa consommation dans les périodes où la demande d’électricité est la plus élevée.

Mais ce n’est qu’en 2015 que la LTECV (Loi de Transition Energétique pour la croissance verte) a défini un cadre clair pour l’effacement de consommation en tant que technique reconnue de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Selon RTE, « la France est le premier pays européen à avoir mis en place un cadre législatif et réglementaire reconnaissant le rôle des opérateurs d’effacement et favorisant leur participation directe aux marchés. »

Du coup, le marché qui s’offre à Voltalis paraît plantureux . Elisabeth Borne a désigné, le 25 février dernier, les lauréats des premiers appels d’offres de long terme (AOLT) pour le marché de capacité. 119 mégawatt sur un total de 124 ont été attribués à Voltalis. Ceci implique que les investissements nécessaires seront sécurisés par l’Etat sur une période de sept ans.

D’ici deux ans, Voltalis projette l’équipement de 100.000 foyers supplémentaires. « Nous prévoyons une campagne de déploiement dans le Grand Annecy où 20.000 habitants sont équipés de chauffage électrique. Nous avons désormais de la visibilité », affirme Mathieu Bineau, directeur général de Voltalis.

Mais surtout, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit 6,5 GW de capacité d’effacement à l’horizon 2028.

Et ce n’est pas tout : le « paquet énergie » de l’Europe sécurise l’effacement. D’ici fin 2020, une nouvelle réglementation européenne est attendue. Bien que déjà active au Royaume-Uni, en Finlande, Suisse, Slovénie et Suède, Voltalis va pouvoir développer son savoir-faire aux quatre coins du vieux continent.