Le syndicat des énergies renouvelables (SER) a présenté 4 scénarios envisageables pour le futur de l’éolien en mer. Et selon le modèle « équilibré », 7 nouveaux sites seraient propices au développement de nouveaux projets au large de la Normandie.

Pour atteindre ses objectifs climatiques, la France mise notamment sur l’éolien en mer. Le but est de mettre en service 50 gigawatts (GW) d’ici 2050 pour la filière, selon le gouvernement. Sous l’égide par la Commission nationale du débat public (CNDP), une consultation publique se déroule actuellement depuis le 20 novembre 2023, jusqu’au 26 avril 2024, au sujet de la planification maritime, qui comprend l’éolien en mer.

Afin d’alimenter le débat sur le sujet, France Renouvelables et le SER publient ensemble 4 scénarios proposant les zones possibles pour de futurs parcs éoliens en mer.  Les trois premiers scénarios considèrent un seul enjeu pour établir les zones potentielles des futurs parcs : soit la « minimisation des coûts pour la collectivité », soit l’hypothèse de parcs situés « hors zones de protection réglementaire de l’environnement », soit un scénario « très loin des côtes ». Ces scénarios visent à de montrer qu’en étudiant un seul enjeu, les conséquences deviennent importantes sur d’autres enjeux. La publication termine donc sur un scénario équilibré qui fait un mix entre les différents intérêts.

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Le difficile choix des critères pour implanter un parc éolien en mer

Dans le détail, le premier scénario minimise les coûts pour la collectivité. Les zones privilégiées sont alors celles proches des côtes, ce qui nuit à l’enjeu du troisième scénario. Pour le secteur Manche est/mer du Nord, situé au large de la Normandie, ce scénario entraîne également des soucis d’interaction avec les co-usagers de la mer (pêcheurs, touristes). La forte concentration de parcs sur cette zone (11) représenterait aussi une nuisance pour la biodiversité.

En prenant le scénario « hors zones de protection réglementaire de l’environnement », les sites Natura 2000 et les parcs naturels marins sont exclus des sites envisageables pour de futurs projets. Selon la publication, cela conduirait à concentrer les parcs loin des côtes pour éviter les zones d’exclusion réglementaire et les servitudes militaires. Les parcs seraient alors concentrés sur la façade Nord-Atlantique/Manche ouest et sud-atlantique, c’est-à-dire tout au long des côtes situées en bordure de l’Océan Atlantique. Dans cette hypothèse, aucun parc ne serait implanté en mer Méditerranée, qui est classée en zone Natura 2000. Ce déséquilibre entre les façades méditerranéennes et atlantiques induit des effets négatifs sur l’environnement marin côté atlantique ainsi que des retombées économiques inégales entre les territoires.

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Enfin, si l’on prend le scénario « très loin des côtes », il envisage l’implantation de parcs à 37 km environ du littoral, permettant de ne pas gêner les autres utilisateurs de l’espace marin ni de porter atteinte au paysage. Cela impliquerait de miser à 80 % sur l’éolien flottant, qualifié de « pari technologique » par les auteurs du texte. Cette hypothèse conduirait à une hausse des coûts liée notamment aux difficultés de raccordement de l’éolien flottant. Il serait également plus difficile d’atteindre les objectifs en matière de capacité installée en raison de la moindre maturité de la filière de l’éolien flottant. Enfin, ce scénario induirait encore un déséquilibre entre les façades maritimes puisque le côté méditerranéen exclut tout parc éolien lointain, en raison de la présence de canyons sous-marins loin du littoral.

Un scénario « Équilibre » pour rallier les différents intérêts

On le voit, le fait de tout miser sur un seul des trois enjeux conduit à des solutions déséquilibrées qui n’apparaissent pas favorables au bon développement de la filière. C’est pourquoi les auteurs proposent un dernier scénario, dit « équilibre », qui reprend des éléments de chacune des trois hypothèses précédentes.

Dans ce scénario équilibre, sont privilégiées les zones qui présentent le meilleur potentiel éolien, en essayant d’éloigner les parcs au-delà de 37 km des côtes, pour éviter les désagréments visuels. L’éolien posé est priorisé à court terme et l’éolien flottant sera privilégié dans un second temps, lorsque la technologie sera plus avancée. En outre, un équilibre est trouvé entre les différentes façades maritimes, en évitant autant que possible les zones protégées et les zones de pêche.

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Une densification déjà critiquée des projets éoliens dans la Manche

Avec ce scénario, sur la zone Manche est/mer du Nord qui est celle située au large de la Normandie, 7 nouveaux parcs pourraient être installés, en plus des 4 déjà attribués (Centre Manche, Courseulles-sur-Mer, Fécamp, et Le Tréport) et d’un cinquième en cours d’attribution (Centre Manche 2). Les nouveaux projets seraient situés à une trentaine de km du littoral, le plus proche étant à 27 km.

Voici la carte des nouveaux parcs éoliens proposés pour la zone :

La carte des zones de développement de l’éolien en mer en Normandie / SER.

Détail des zones et des distances entre le littoral et les parcs envisagés / SER.

La façade Manche est/mer du Nord réunirait une capacité installée supérieure à 16 gigawatts (GW) avec cette configuration, soit un niveau supérieur aux objectifs 2050 fixés entre 12 et 15,5 GW à cet endroit. Ces propositions suscitent la colère des pêcheurs du secteur, déjà opposés aux premiers parcs attribués. En effet, la Manche présente la particularité d’être une mer de taille réduite, et les pêcheurs estiment que l’éolien met une pression trop importante sur la zone en faisant fuir les poissons. Ils considèrent que l’éolien met en péril leur activité. Si ces projets devaient se concrétiser, il faudrait donc convaincre et rassurer les professionnels de la pêche du secteur.

Quels nouveaux parcs éoliens en mer prévus en Atlantique et en Méditerranée ?

Par ailleurs, la façade nord Atlantique/Manche ouest compte déjà trois parcs attribués (Saint-Brieuc, Saint-Nazaire et Yeu-Noirmoutier) et un en cours d’attribution (Bretagne sud). Elle pourrait compter 8 nouveaux parcs éoliens, dont un seul qui serait posé au large de la Bretagne et des Pays de la Loire, afin de minimiser la gêne visuelle. Sur la zone sud-atlantique, en plus des 2 parcs déjà attribués (Oléron 1 et 2), 4 nouveaux parcs pourraient également être installés, là encore à plus de 37 km du littoral. Enfin, 5 parcs éoliens en mer sont proposés sur la façade méditerranéenne à une vingtaine de km des côtes, en complément des 4 parcs déjà attribués.

Ce scénario équilibre a toutefois vocation à être amélioré dans les semaines à venir, grâce aux propositions des participants au débat public. Il permettra d’élaborer une nouvelle version qui s’appellera « Équilibre 2 ».