AccueilNucléaireFusion nucléaire : ces aimants supraconducteurs nous rapprochent d'un réacteur commercial

Fusion nucléaire : ces aimants supraconducteurs nous rapprochent d'un réacteur commercial

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Par Laurent GAUTHIERPublié le 3 décembre 2025
Un aimant supraconducteur / Image : Tokamak Energy.

Tokamak Energy, que nous avons récemment évoqué dans nos colonnes pour ses belles images de plasma, enchaîne par ailleurs des records technologiques. Cette fois-ci, c’est un record de champ magnétique au sein d’une configuration très proche de celle d’un réacteur opérationnel.

C’est en 2020 que Tokamak Energy annonce avoir battu un record. La société est en effet parvenue à générer un champ magnétique de 24 Tesla (soit près d’un demi-million de fois l’intensité du champ magnétique terrestre). Mais ce qui fait la spécificité de ce record, c’est qu’il a été obtenu à la température de 20 kelvins (K), c’est-à-dire -253 °C. Et c’est une température considérée comme « élevée » dans ce domaine. Ce champ a en effet été obtenu grâce à un électroaimant constitué d’un oxyde de terres rares, de baryum et de cuivre (abrégé en REBCO, pour rare earth-barium-copper oxide), un matériau dit supraconducteur à haute température (HTS, pour high-temperature superconductor).

Très récemment, le 19 novembre, la société annonce un nouveau record. Le champ magnétique atteint est moindre, à hauteur de 11,8 T, mais ce n’est pas l’intensité du champ magnétique qui est le fait le plus notable de cet essai. Il s’agit en effet de la température, plus élevée : 30 K, soit -243 °C. De plus, l’essai a été réalisé dans le Demo4, un dispositif expérimental très ressemblant, en termes géométriques, d’un réacteur opérationnel. Les caractéristiques exceptionnelles du matériau ont permis d’y faire circuler un courant énorme, de l’ordre de 7 millions d’ampères-tours (l’unité de mesure de la force magnétomotrice) ; c’est deux cents fois ce que pourrait supporter le cuivre.

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Viser moins froid pour construire moins cher

Pourquoi ces résultats sont importants pour le développement de la fusion nucléaire ? À deux titres. En premier lieu, l’obtention de champs magnétiques très puissants est nécessaire au fonctionnement d’un tokamak. En effet, de façon à maintenir les réactions de fusion nucléaire, le plasma doit être porté à des températures pouvant dépasser cent millions de degrés. Confiner le plasma au centre de l’enceinte est nécessaire pour ne pas endommager les parois du réacteur, mais aussi pour éviter que le plasma ne se refroidisse à son contact. Ainsi, pour ITER, le champ magnétique atteint lui aussi des valeurs très élevées, à savoir la même valeur de 11,8 T.

Toutefois, le matériau utilisé par Tokamak Energy est supraconducteur à des températures de l’ordre de 20-30 K, plutôt que 4 K (soit -269 °C) pour ITER. Et cela présente un avantage de taille : lorsque la température est plus élevée, les besoins de refroidissement sont moindres. Et cela permet de concevoir des systèmes cryogéniques moins extrêmes, complexes, et énergivores. D’où un réacteur plus compact et moins coûteux – c’est en tout cas le pari de Tokamak Energy.

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