AccueilNucléaireLes centrales nucléaires sont-elles protégées des tempêtes solaires ?

Les centrales nucléaires sont-elles protégées des tempêtes solaires ?

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Par Laurent GAUTHIERPublié le 5 octobre 2025
Illustration : Getty, modifiée par RE.

Les tempêtes solaires font peser un risque colossal sur les réseaux électriques. Ces événements spatiaux rares, mais de grande ampleur, sont susceptibles d’affecter également les centrales nucléaires. Ces dernières sont-elles protégées face à ce type d’aléas ?

Les tempêtes solaires surviennent périodiquement, surtout lorsque le soleil est à son pic d’activité au cours de son cycle de 11 ans. Au cours de ces événements, des jets de plasma sont susceptibles de frapper la Terre, conduisant notamment à des perturbations du champ magnétique de notre planète. Ces perturbations génèrent à leur tour des courants électriques dans le sol et dans les conducteurs, appelés « courant induits géomagnétiquement » (CIG).

Ces courants peuvent provoquer des perturbations dans le réseau électrique, des surtensions, voire endommager des transformateurs. Il en résulte alors un risque important de panne électrique de grande ampleur, et possiblement pour de longues durées, notamment pour des tempêtes très rares, mais très puissantes, comme celle de l’événement de Carrington en 1859.

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Une étude requise par les normes internationales

C’est la raison pour laquelle ce genre d’événement fait partie de la démonstration de Sûreté d’un réacteur nucléaire. Par exemple, le Guide SSG-77 de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), publié en 2022, inclut explicitement l’analyse des tempêtes solaires, au même titre que les agressions de type impulsion électromagnétique – ce qu’il faut comprendre comme celles provenant de sources naturelles comme la foudre, mais peut-être, aussi, d’attaques militaires. La réglementation française, quant à elle, est un peu moins explicite : l’arrêté du 7 février 2012 exige que soient prises en compte « la foudre et les interférences électromagnétiques ».

L’enjeu pour les réacteurs est en premier lieu la perte de l’alimentation électrique. Car un réacteur nucléaire, même arrêté, continue à produire de la chaleur – il s’agit de la puissance résiduelle, provenant de la désintégration des éléments les plus radioactifs du cœur. Cette chaleur doit être évacuée pour éviter une fusion du cœur (ou des éléments combustibles usés dans les piscines). Les échanges publics entre l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et EDF nous indiquent que ce type d’événement est aujourd’hui inclus dans un scénario appelé « Manque de tension externe » (MDTE) de longue durée, c’est-à-dire pendant 15 jours. Dans ce genre de situation, ce sont les générateurs de secours (les diesels) qui prennent le relais – avec une réserve suffisante de carburant. Autrement dit, l’effet d’une tempête solaire est géré par son risque principal, à savoir une panne électrique généralisée de longue durée.

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Il y a besoin d’aller plus loin pour la démonstration de Sûreté

Ces échanges nous indiquent que ce risque n’est pas considéré comme prioritaire – en particulier du fait de la latitude de la France, éloignée du pôle ; voir par exemple l’avis IRSN N°2020-00053. Cet avis indique toutefois qu’un programme exploratoire a été engagé par EDF pour mieux connaître les courants induits géomagnétiquement ; l’IRSN demande notamment que le point suivant soit analysé : « étudier les effets des courants géomagnétiques induits par une tempête solaire d’intensité significative, notamment sur les transformateurs (risque d’incendie) ». La complète évaluation de ce type d’événement semble donc toujours en cours.

Dans son guide, l’AIEA relève deux autres problématiques potentielles liées aux tempêtes solaires. Première d’entre elles : l’effet du phénomène électromagnétique sur les télécommunications, qui risque de conduire à une rupture de communication entre la centrale et les autorités, ce qui peut rendre difficile la gestion de crise. Autre élément : le risque sur le systèmes de contrôle-commande et de capteurs d’une centrale, qui pourraient être affectés par des perturbations électromagnétiques ; ce point est notamment étudié lors de l’étude de la protection de l’installation contre la foudre.

Pour terminer, il faut savoir qu’une centrale nucléaire a déjà été affectée par une tempête solaire importante. En mars 1989, en effet, une puissante tempête géomagnétique a conduit à une importante coupure du réseau électrique au Québec, coupant le courant à six millions de personnes pendant neuf heures. Au cours de cet événement, la centrale nucléaire Gentilly-2, de modèle Candu, dans la commune de Bécancour sur la rive du Saint-Laurent, a perdu son alimentation électrique. Les générateurs de secours ont alors pris le relais, sans dommage pour la centrale

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