Zéro pourcent. Voilà ce qu’il reste dans le réservoir supérieur de la station de transfert d’énergie par pompage (STEP) de Montézic, dans l’Aveyron. Le second plus grand système de stockage d’électricité de France effectue son contrôle décennal ainsi que plusieurs opérations de maintenance d’envergure. L’occasion de jeter un œil à cet espace naturel sacrifié pour obtenir un mix électrique bas-carbone.

Avant l’arrivée des bulldozers et tractopelles il y a 47 ans, de paisibles ruisseaux coulaient à Montézic, en surplomb de la vallée de la Truyère. À l’époque, le réseau électrique national entamait une profonde mutation, passant d’un mix mêlant essentiellement fioul, charbon et hydroélectricité à un mix quasi exclusivement nucléaire. Pour rendre les nouvelles centrales nucléaires plus flexibles, plusieurs stations de transfert d’énergie par pompage turbinage (STEP) ont alors été aménagées en parallèle.

Il s’agit de centrales hydroélectriques permettant le stockage de vastes quantités d’électricité, sous forme d’énergie potentielle de pesanteur. (Voir notre reportage vidéo au cœur de la STEP de Montézic). Elles présentent notamment l’avantage d’être extrêmement réactives, en absorbant, via le pompage de l’eau, ou délivrant, via le turbinage, de fortes puissances en l’espace de quelques minutes seulement.

Vue sur les bouches, où 62 000 litres d’eau s’engouffrent chaque seconde en direction des turbines, 420 m en contrebas / Images : Twitter Emmanuelle Wargon (à gauche), Facebook Christophe Carbonnel (à droite).

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8 jours pour vider entièrement le lac

Montézic est ainsi la seconde la plus grande en France, en terme de puissance (910 MW) et de capacité de stockage (environ 30 millions de m3 soit 38,8 GWh théoriques). Pour mieux saisir, l’installation est capable d’accumuler l’équivalent de 1 447 761 batteries de Dacia Spring, une petite voiture électrique à bas coût.

Conformément à la réglementation applicable aux barrages de plus de 20 m de haut, la STEP de Montézic doit vidanger son réservoir supérieur chaque décennie, afin de contrôler l’étanchéité des digues retenant le lac artificiel. L’opération a débuté le 3 avril 2023, par le turbinage progressif de la retenue, en produisant de l’électricité. Puis, par l’ouverture d’une « vanne de fond » afin de vider les bras morts, qui ne s’écoulent pas jusqu’aux énormes bouches où l’eau chute de 400 m jusqu’aux turbines. 8 jours ont été nécessaires pour assécher entièrement la retenue. Préalablement, les poissons (une dizaine de tonnes prélevées lors de la dernière vidange en 2010) ont été éliminés ou commercialisés par un pêcheur professionnel.

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La cuvette naturelle révèle alors sa forme d’origine, habituellement masquée par l’eau. Sur les clichés postés par des locaux sur les réseaux sociaux, on distingue le cheminement des ruisseaux qui s’y écoulaient librement, dans un paysage aujourd’hui lunaire. On y voit également quelques vestiges : un petit barrage en pierre et une pioche rouillée, plantée dans une des nombreuses souches d’arbres, témoignant de la forêt qui s’élevait ici avant la construction de la STEP. Quelques arbres sacrifiés pour en sauver de nombreux autres ? Probablement. Car, en permettant une grande souplesse au réseau électrique, les STEP évitent de solliciter des centrales fossiles, voire à biomasse.

Le réservoir supérieur de la STEP de Montézic après vidange / Images : Facebook – Nico Cantagrel, Ludo Nayrolles, Julien Arit, Denis Husson.

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Un transformateur vieux de 40 ans remplacé

En parallèle de la vidange, EDF Hydro profite de ces quelques mois d’arrêt pour renouveler les installations dans sa vaste usine souterraine, 400 m plus bas. Cette cathédrale au cœur de la montagne abrite les 4 groupes turbines-pompes, les robinets géants et transformateurs. Un des transformateurs 18/400 kV d’une puissance de 250 MVA, présent depuis l’inauguration de la STEP en 1982, a ainsi été remplacé. Lourde de 185 tonnes, la machine a été acheminée au cours d’un périple maritime puis routier depuis les Pays-Bas.

Dans cette caverne, de nombreux éléments cruciaux ont également été contrôlés, comme les 2 conduites haute pression dans lesquelles 62 000 litres d’eau à 42 bars déboulent chaque seconde en mode turbinage, mais aussi les canalisations basse pression entre les turbines et le réservoir inférieur.

Les six câbles souterrains 400 kV de 15 cm de diamètre pour 1 km de long, exportant ou important l’électricité de ou vers la STEP ont également été remplacés par le gestionnaire du réseau de transport RTE.

Si la STEP de Montézic sera remise en service en juillet, d’autres opérations d’envergure sont prévues jusqu’à la fin 2023 : deux autres transformateurs 18/400 kV seront remplacés en septembre et octobre. Le second plus grand site de stockage d’électricité de France sera alors prêt à affronter l’hiver, saison ou il est le plus sollicité.

Montant total de cette remise en forme décennale : 13 millions d’euros.