Un projet de décret soumis actuellement à une consultation publique provoque le mécontentement de France Hydro Électricité, le syndicat national de la petite hydroélectricité. En cause, les exigences de puissance des nouveaux projets constitueraient un frein au déploiement de la filière.

L’hydroélectricité est la première source d’électricité renouvelable en France. Avec 25,7 gigawatts (GW) installés sur le territoire métropolitain, il s’agit d’un des plus grands parcs hydroélectriques en Europe. Autant dire que la filière a un rôle essentiel à jouer dans l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050.

Introduit par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, l’article L211-2-1 du Code de l’énergie annonce la parution d’un décret qui fixera les conditions dans lesquelles les projets d’installations de production d’énergies renouvelables (ENR) seront réputés répondre à « une raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM).

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Pourquoi ce terme ? La caractérisation d’une raison impérative d’intérêt public majeur constitue une des conditions qui permet d’obtenir une dérogation autorisant à contourner l’interdiction d’atteinte à des espèces protégées et à leur habitat. Le fait qu’un projet obtienne automatiquement le critère d’intérêt public majeur permet donc de faciliter les formalités administratives et d’accélérer la mise en route du chantier.

Notons que deux autres conditions doivent être réunies pour obtenir la dérogation « Espèces Protégées ». Il faut prouver « l’absence de solution alternative de moindre impact » et « l’absence de nuisance au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Un seuil minimal de 3 MW pour obtenir le sésame

Deux décrets sont en cours d’élaboration pour préciser les critères qui permettent de caractériser l’intérêt public majeur d’un projet d’ENR. Ils font actuellement l’objet d’une consultation publique depuis le 30 octobre jusqu’au 24 novembre 2023. Le premier décret vise uniquement les installations hydroélectriques. Il prévoit des seuils de puissance au-delà desquels, « tant que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne seront pas atteints », les projets obtiendront automatiquement la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur. Le seuil est de 3 mégawatts (MW) pour le continent métropolitain et 1 MW dans les zones non interconnectées (ZNI) comme la Corse ou les départements et régions d’outre-mer.

En pratique, cela signifie que les projets dont la puissance est inférieure n’obtiendront pas de façon automatique la caractérisation d’intérêt public majeur. Les porteurs de projet devront donc prouver la présence de cet intérêt public majeur, ce qui ouvre la porte à des risques de contentieux sur le sujet.

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Développer la petite hydroélectricité ou se concentrer sur les projets de grandes centrales ?

Les pouvoirs publics font valoir que les installations hydroélectriques d’une puissance supérieure à 3 MW représentent environ 60 % de la puissance totale des installations en petite hydroélectricité.  Pour autant, le syndicat de la petite hydroélectricité s’insurge contre ces seuils imposés à la filière. Dans un communiqué de presse publié le 9 novembre 2023, l’organisme demande aux pouvoirs publics de ramener le seuil à 150 kW, pour faciliter le développement du secteur. Si le premier décret vise uniquement l’hydroélectricité, le second concerne les autres projets d’ENR. Pour le photovoltaïque, la puissance est fixée à 2,5 mégawatts-crête (MWc). Pour l’éolien terrestre, elle est de 9 MW.

Le syndicat estime que la filière de la petite hydroélectricité se voit appliquer des conditions plus strictes que le solaire et l’éolien qui « bénéficieront — à juste titre — de seuils de puissance plus adaptés pour bénéficier de la RIIPM ». France Hydro Électricité conclut que « la filière ne comprend pas cette approche et espère que le ministère de la Transition écologique […] saura écouter les associations d’élus qui se sont fortement mobilisées pour dénoncer le traitement injustifié qu’elle subit ».

À l’inverse, un ingénieur spécialisé dans l’énergie estime, sur le réseau social Linkedin, que « la petite hydroélectricité n’offre aucune capacité de modulation et de stockage [d’énergie, NDLR] ». « Ses deniers seraient bien mieux investis dans quelques grands projets de STEP qui fragmenteront beaucoup moins les cours d’eau et auront une utilité infiniment supérieure pour le système électrique » explique ce passionné d’hydroélectricité, que nous avions interrogé il y a quelques mois.

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