GRTGaz prépare le terrain pour pouvoir exporter de CO2 émis en France vers des sites de stockage géologiques. Ces sites, qui sont souvent d’anciens gisements de gaz naturels ou de pétrole, représentent une solution pour la décarbonation d’industries lourdes. Mais l’idée n’est pas exempte de défauts.

Et si on renvoyait le CO2 issu des énergies fossiles, là d’où il vient ? C’est, en substance, l’une des solutions qui est envisagée pour décarboner les industries lourdes comme la fabrication de ciment, de chaux, ou encore la métallurgie. Pour rendre cette opération possible, GRTGaz vient de lancer un appel à manifestation d’intérêt portant sur le transport de CO2 grâce à un long pipeline reliant de grandes industries de l’ouest de la France jusqu’au terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) de Montoir-de-Bretagne. Ainsi, le CO2 émis par les cimentiers Lafarge et Lhoist, le producteur de chaux Heideberg Materials, ainsi que la raffinerie de Donges sera envoyé jusqu’au terminal pour y être liquéfié par Elengy, une filiale d’Engie. Ensuite, ce CO2 pourra être transporté par bateau via des zones de stockage géologique, dans le cadre des objectifs français de captation et de stockage du carbone pour réduire les émissions du pays.

Le pipeline devrait permettre le transport de 2,6 MTPA (millions de tonnes par an) de CO2 d’ici 2030, et même 5 MTPA d’ici 2050. Ce type d’infrastructure n’est, d’ailleurs, pas nouveau en France puisqu’on en retrouve une similaire près de Dunkerque. Ces deux installations vont permettre d’envoyer le CO2 émis par ces industries lourdes vers la Norvège, pour qu’il soit stocké de manière pérenne, grâce au projet Northern Lights.

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Northern Lights : un projet destiné à séquestrer le CO2 au large de la Norvège

Autorisé par la Norvège en 2020, le projet Northern Lights consiste à proposer aux industries lourdes d’Europe de transporter, puis de stocker de manière définitive leur CO2 dans de vastes réservoirs géologiques situés au large de Øygarden, à 2600 mètres de profondeur. Pour atteindre ses objectifs, l’entreprise du même nom a déjà commandé 4 navires spécifiques capables de transporter le CO2 sous forme liquide grâce à des réservoirs maintenus à -26 °C. Grâce à ces navires, le CO2 devrait être acheminé jusqu’au terminal terrestre de Northern Lights pour y être stocké provisoirement, avant d’être envoyé vers son site de stockage définitif via un pipeline d’une centaine de kilomètres de long.

Le site devrait entrer en service cette année et permettre de stocker 1,5 MTPA de CO2. À partir de 2026, ce sont 5 millions de tonnes qui pourront être stockées chaque année. Des études sont déjà en cours pour étendre cette capacité à 12 MTPA de CO2.

Le CCS pour décarboner les industries lourdes

Notamment adoubé par le GIEC, le CCS, pour Captage et Stockage du Carbone, est une solution à part entière pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050. La France compte, elle aussi, sur cet outil et a pour objectif de stocker 8 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2030 et même 20 millions de tonnes de CO2 d’ici 2050. Elle devrait cependant être réservée aux industries lourdes extrêmement difficiles à décarboner comme les cimentiers ou encore les industries de métallurgie.

Si elle apparaît comme indispensable pour atteindre les objectifs mondiaux, elle possède de nombreuses limites. Comme le rappelle l’ADEME, cette solution est très énergivore, en particulier pour la phase de liquéfaction du CO2, et très onéreuse. L’ADEME estime son prix entre 100€ et 150 € par tonne de CO2 séquestré contre 20 à 25 € par tonne de CO2 traité pour d’autres solutions. Enfin, outre le fait que les réservoirs géologiques ne sont pas illimités, ce type de solution nécessite une cavité parfaitement étanche et stable pour éviter tout risque de fuite. Le CO2 étant plus lourd que l’air, une fuite de CO2 pourrait avoir des conséquences désastreuses en asphyxiant les personnes alentour. C’est ce qui s’était produit au niveau du lac Camerounais de Nyos, en 1986. Lors d’une éruption limnique, une énorme bulle de CO2 était remontée à la surface, entraînant la mort de 1 700 personnes.