Les déchets de combustible nucléaire usés resteront radioactifs pour des centaines de milliers d’années. La gestion de ces déchets est un enjeu primordial pour rendre le nucléaire durable. En l’absence de réacteurs de 4ᵉ génération, capables de consommer ces déchets, en quoi le stockage en couche géologique profonde est la moins mauvaise solution ?

Les centrales nucléaires produisent de l’électricité à partir de la chaleur générée par les réactions de fission au sein de l’uranium. Ces réactions de fission cassent en deux le noyau de l’atome d’uranium et le transmutent en une multitude d’autres éléments chimiques, dont la plupart sont extrêmement radioactifs. Autrement dit, l’uranium est détruit, « consommé » par le réacteur nucléaire, et c’est pour cela qu’on parle de « combustible nucléaire ». Le mélange de ces nouveaux éléments radioactifs avec l’uranium qui n’a pas été consommé (notamment l’uranium-238, non fissile) et les éléments de structure métalliques, forment les déchets de combustible usé, que certains appellent les « cendres nucléaires ».

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Ces déchets de combustible usé sont beaucoup plus radioactifs que l’uranium dont ils sont issus. Pour donner quelques ordres de grandeur : la pechblende, principal minerai de l’uranium, a une radioactivité naturelle pouvant aller jusqu’à 150 kilobecquerels (kBq) soit 0,00015 gigabecquerels (GBq) par gramme, tandis que les déchets de combustible nucléaire, dix ans après leur sortie de réacteur, ont une radioactivité de l’ordre de 10 GBq par gramme, soit près de cent mille fois plus.

La radioactivité transforme des éléments chimiques instables en éléments stables. En conséquence, la radioactivité des déchets de combustible usé va diminuer avec le temps. La figure ci-dessous illustre cette décroissance de la radioactivité des déchets au cours du temps :

La diminution de la radioactivité des différents composants des déchets de combustible nucléaire avec le temps / Infographie : IN2P3

On constate qu’après un siècle, la radioactivité des déchets de combustible usé a été divisée par 10, et qu’après un millénaire, elle a été divisée encore par 10. Toutefois, même après 100 000 ans, et du fait notamment de la présence de plutonium, leur radioactivité reste élevée, à une valeur de l’ordre de 1 mégabecquerel par gramme (MBq/g), soit encore près de 10 fois la radioactivité naturelle du minerai de pechblende dont est issu l’uranium.

On peut noter grâce à ce graphique l’intérêt, en termes de gestion des déchets, de l’utilisation du plutonium dans le combustible nucléaire MOX, tel qu’il est utilisé dans les réacteurs en France : après quelques centaines d’années, la radioactivité est issue très majoritairement du plutonium, et le consommer réduit donc significativement la radioactivité à long terme des déchets de combustible usé.

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L’intérêt des réacteurs de 4ᵉ génération

On peut illustrer également l’intérêt théorique des réacteurs de 4ᵉ génération : ils pourraient consommer non seulement le plutonium mais également les éléments dits « actinides mineurs » (américium, curium, neptunium…). Ce faisant, ces réacteurs les transforment en produits de fission à vie nettement plus courte. Une lecture du graphique permet de se donner un ordre d’idée de l’avantage putatif : il ne faudrait alors que quelques centaines d’années, au lieu de plusieurs centaines de milliers d’années, pour que la radioactivité des déchets diminue jusqu’à la valeur de 1 MBq/g.

Toutefois, nous ne disposons pas encore aujourd’hui de tels réacteurs. L’enjeu actuel est la gestion à long terme des déchets de combustible déjà produits, et ce pendant plusieurs centaines de milliers d’années.

Cette gestion impose de protéger l’homme et l’environnement de manière pérenne, sans qu’il n’y ait besoin de nécessiter d’action et de contrôle de la part de nos descendants. En effet, de telles actions ne pourraient pas être garanties sur de telles échelles de temps ; par ailleurs, il ne serait pas envisageable d’imposer une telle charge financière sur ces mêmes durées. La gestion à long terme des déchets doit donc être garantie sur la longue durée, et ce de manière passive.

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Le stockage en couche géologique profonde, la plus sûre des solutions ?

Aujourd’hui, le stockage en couche géologique profonde est le seul moyen identifié permettant en principe de résoudre ces contraintes de gestion des déchets de combustible usé. En France, le projet en cours de développement est le projet CIGEO. Mené par l’ANDRA, le stockage envisagé se trouvera sous la forme de galeries creusées à 500 m de profondeur, dans une couche argileuse de l’est du bassin parisien, notamment dans les départements de la Meuse ou de la Haute-Marne.

Schéma de principe du projet CIGEO / Infographie : Andra.

Ce site présente d’après ses concepteurs les avantages suivants : il s’agit d’une zone géologique très stable, caractérisée par une très faible sismicité. En particulier, il n’a pas été mis en évidence de faille qui puisse affecter son étanchéité. La couche argileuse s’est déposée il y a environ 160 millions d’années et est restée stable depuis, elle est homogène et son épaisseur est importante (environ 140 à 160 mètres). Ces caractéristiques en font une zone imperméable, dans un environnement géologique stable, et à l’abri des phénomènes naturels de surface comme l’érosion.

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La grande profondeur du site met en principe les déchets à l’abri des influences humaines, mais il faut anticiper ce qui pourrait se passer sur des échelles plus longues encore que l’histoire humaine. Par exemple, l’ANDRA a déterminé qu’il n’existe pas de ressource naturelle exceptionnelle à l’aplomb de la zone étudiée ; ainsi le risque est limité que cette zone fasse l’objet d’une exploitation minière dans un futur lointain, laquelle pourrait ouvrir le stockage par accident.

L’ensemble de ces caractéristiques fait que le stockage des déchets de combustible usé en couche géologique profonde est aujourd’hui considéré dans plusieurs pays comme la solution la plus sûre. Au niveau international, les pays les plus avancés en la matière sont la France, la Finlande et la Suède. D’autres pays ont engagé des recherches en ce sens : le Canada, la Suisse, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Belgique.