L’Allemagne remettra-t-elle encore une pièce dans sa machine à produire de l’électricité à partir de charbon ? C’est en tout cas ce à quoi appelle son ministre des Finances. Tant qu’une autre solution abordable ne sera pas disponible. Et que l’Allemagne ne sera pas assurée du réel bénéfice pour le climat.

Elle avait initialement été fixée à 2038. Il y a deux ans environ, le nouveau gouvernement allemand avait avancé « idéalement » à 2030 la sortie du charbon. Ce combustible fossile qui est, de tous, le plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Ce combustible fossile qui plombe littéralement l’empreinte carbone de la production électrique allemande. En 2022, l’électricité allemande émettait 473 gCO2e/kWh en moyenne. La France, elle, n’a pas dépassé le 90 gCO2e/kWh, selon les données d’ElectricityMaps.

Sortir du charbon en 2030, objectif inchangé

Pour compenser la baisse des livraisons de gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Allemagne avait fait le choix d’un recours accru au charbon. Des centrales « de réserve » avaient été activées pour garantir la sécurité énergétique du pays. Des centrales au lignite particulièrement émettrices, notamment, qui devaient s’arrêter en 2022, continueront de fonctionner jusqu’en 2024, a-t-on appris en ce début de mois d’octobre.

Toutefois, le gouvernement allemand refuse toujours de remettre en question la date annoncée de 2030 pour sortir du charbon. Fin 2022, d’ailleurs, le géant allemand de l’énergie RWE avait confirmé sa volonté d’arrêter sa production au charbon dans le bassin rhénan d’ici la fin de la décennie. Trois centrales à charbon de 1 000 MW chacune seraient ainsi appelées à fermer dans cette région qui a fait beaucoup parler d’elle récemment pour l’extension de… ses mines de charbon géantes.

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Un objectif irréaliste ?

Mais il y a quelques jours, Christian Lindner, le ministre allemand des Finances, s’est fermement opposé à ce plan de sortie du charbon, le qualifiant même d’irréaliste. « Tant qu’il n’est pas clair que l’énergie est disponible et abordable, nous devrions mettre fin aux rêves d’élimination progressive de l’électricité produite à partir du charbon en 2030 », a-t-il déclaré dans une interview à un quotidien, le Kölner Stadt-Anzeiger. Il ne faut toutefois pas en conclure hâtivement que le ministre allemand des Finances n’en aurait que faire de la lutte contre le réchauffement climatique. Il a également critiqué la fermeture des centrales nucléaires allemande qui, elles, contribuaient bel et bien à la décarbonation du mix électrique du pays. Et il appelle à développer rapidement les énergies renouvelables.

Christian Lindner estime surtout qu’il serait injuste de demander aux Allemands de consentir à cet effort alors que les règles européennes permettent aux émissions de CO2 qui seraient ainsi économisées dans leur pays d’être générées ailleurs. « En Pologne, par exemple. » Il est vrai que le pays est encore plus dépendant du charbon que l’Allemagne. En 2022, les émissions du pays liés à la production d’électricité s’élevaient à 819 gCO2e/kWh ! Et, si la Pologne travaille à sa décarbonation — avec des projets nucléaires, notamment —, le pays ne s’est pas engagé à sortir du charbon avant la fin des années 2040.

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La question des quotas d’émission de CO2

La question soulevée par le ministre allemand des Finances semble donc être avant tout celle du système d’échange de quotas d’émissions de CO2 en Europe. Il a été instauré dès 2005. Et il dit que sous un certain plafond — qui se réduit d’année en année —, des quotas — correspondant chacun au droit d’émettre 1 tCO2eq — peuvent être échangés sur le marché. Mais le système n’est pas parfait. Lorsqu’une centrale à charbon est fermée, par exemple, ses quotas peuvent rester en circulation. Jusqu’à ce que le gouvernement allemand demande à la Commission européenne de les annuler. Or le processus du côté allemand apparaît aujourd’hui infiniment long. D’où quelques dérives. Et la crainte d’autres à venir…

En attendant que les choses changent de ce point de vue, Christian Lindner semble vouloir militer pour une intensification de la production allemande d’électricité au gaz. Et, déjà, le pays vient d’annoncer que le niveau de remplissage de ses réserves de gaz fossile a atteint ce dimanche les 100 % !