Dans la classe européenne, il y a les bons élèves, et ceux qui n’ont pas fait leur devoir. Mais globalement, l’Europe aura-t-elle développé les énergies renouvelables comme planifié en 2008 ? Tentons d’y voir clair.

L’échéance approche à grands pas pour les objectifs « 3 x 20 » ou « 20-20-20 », ou encore le « Paquet Climat-Energie ». A dix-huit mois de l’échéance, on peut avoir deux lectures différentes : l’une, positive, qui souligne les avancées parfois spectaculaires dans certaines filières renouvelables, l’autre, plus réaliste, qui déplore que l’on arrivera quelque peu en-deçà des objectifs de Bruxelles. 

Pour rappel, la Directive 2009/28/CE fixe les objectifs de l’Europe dans son ensemble, et de chaque pays individuellement concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale. La consommation finale brute d’énergie représente le total de l’énergie brute consommée par les utilisateurs finaux tels que les ménages, l’industrie et l’agriculture. Cette notion ne se limite pas à la production d’ électricité verte, mais concerne l’énergie qui est livrée au consommateur final pour les 3 usages énergétiques : l’électricité, la chaleur et le transport.

La Directive prévoit distinctement pour chaque pays membre des objectifs contraignants à atteindre en 2020, en fonction de divers paramètres tels que les efforts déjà consentis, le potentiel renouvelable en énergie solaire, éolienne, hydroélectrique, en biomasse, etc. 

La Directive prévoit également que le secteur des transports, dans chaque État, utilise au moins 10 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2020.

Pourquoi 20-20-20 ?

Parce que la Directive 2009/28/CE établit que l’Europe doit atteindre en 2020 :

  • 20% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie
  • 20% d’émissions de CO2 en moins
  • 20% d’efficacité énergétique en plus. Cette notion signifie que, pour un service rendu (ex. : chauffage des bâtiments), l’énergie consommée doit être réduite de 20% en 2020. A service égal, c’est la recherche d’une moindre intensité énergétique.

La mesure de l’efficacité énergétique suppose des indicateurs valables et pertinents de consommation directe et indirecte d’énergie. En pratique, il est parfois difficile de mesurer si le service rendu est identique ou non.

Quel est le bulletin pour l’Europe ?

Premier constat : la France affiche l’un des plus gros retards des 28 Etats de l’Union Européenne en matière de réalisation de ses objectifs 2020 pour la production d’énergie renouvelable.

Deuxième constat : l’Europe n’atteindra pas son objectif de 20% en efficacité énergétique .

Pour ce qui est de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie, l’Europe des 28 avait atteint 17,5% en 2017. L’objectif de 20% en 2020 est donc réalisable. 42% de ce total reviennent au bois et à la biomasse, ensuite 13,8% à l’éolien, et 11,4% à l’hydroélectricité. Suivent le biogaz (7,4%), les biocarburants (6,7%) et le solaire (6,4%). Les pompes à chaleur (5%) et la géothermie (3%) complètent le tableau.

Sur 28 pays, 11 ont déjà atteint leurs objectifs : la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, la Croatie, l’Italie, la Lituanie, la Hongrie, la Roumanie, la Finlande et la Suède.

La Lettonie et l’Autriche sont en bonne voie pour atteindre leurs objectifs dans les temps.

Champion toutes catégories : la Suède, qui a atteint une part d’énergies renouvelables dans sa consommation finale de 54,5%, devant la Norvège (41%), la Lettonie (39%), le Danemark (35,8%).

Les deux pays les plus en retard sont les Pays-Bas et… la France, selon Eurostat.

Ces deux pays affichaient une part de renouvelable dans leur consommation finale respectivement de 6,4% et 16,3% (pour des objectifs de 13,8% et 23% pour la France).

La France présente cependant un potentiel important : 2ème gisement de vent d’Europe, 2e zone maritime exclusive, 5e gisement en matière d’ensoleillement, ressource hydroélectrique abondante, importantes ressources forestières, et nombreux gisements géothermiques.

Derrière ces deux pays, un groupe de pays devra également encore consentir des efforts considérables : l’Irlande, le Royaume-Uni, le Luxembourg, la Pologne et la Belgique, aussi classés parmi les mauvais élèves européens, avec un écart de plus de 4 points de pourcentage ou plus.

Les voisins belges, avec un bulletin à peine meilleur, se sont également fait remonter les bretelles : selon la Commission Européenne, « sans mesures additionnelles, la Belgique ratera ses objectifs climatiques de 2020 et 2030 » pour les secteurs non industriels (transport, logement, agriculture, tertiaire). Pourtant, avec plus de 1500 MW installés en Mer du Nord, la Belgique est dans le top 5 des pays les plus avancés en éolien offshore.

Quelles sanctions en cas de non-respect des engagements ?

Les Etats membres qui n’atteignent pas leurs objectifs en matière d’énergie renouvelable ou de politique climatique encourent une sanction financière sous forme d’une somme forfaitaire à payer, ou d’un étalement de plusieurs montants périodiques.

L’importance de la sanction sera fonction de la gravité du non-respect de ses engagements, de la période pendant laquelle le manquement a été observé, ainsi que de l’effet recherché en imposant la sanction.

A l’heure actuelle, il est impossible d’affirmer que la Commission va recourir à son droit d’imposer des sanctions, et comment elle le fera. Néanmoins, si elle a l’intention, à un certain moment, d’imposer des pénalités, elle a l’obligation de déclarer de manière transparente et suffisamment à temps à l’Etat en infraction que les efforts qu’il a consentis pour se conformer à la Directive Climat ont été insuffisants.

Il n’est pas aisé d’établir si l’aspect dissuasif de sanctions financières va contrebalancer les avantages qu’un Etat peut tirer du fait de ne pas se conformer aux objectifs de la Directive, à la fois en termes de coûts évités, mais également de profits réalisés en ayant opté pour des moyens de produire de l’électricité à partir de carburants fossiles meilleur marché.

En cas de transgression dans la réalisation de ses objectifs 2020, la Commission pourra engager une procédure de sanction contre tout État fautif. Et elle l’a déjà fait : en 2014, l’Europe a entamé des poursuites contre l’Irlande pour avoir manqué à ses obligations dans le cadre de la Directive 2009 pour les Energies Renouvelables. La Cour de Justice Européenne a imposé une amende de 25 445,50 € pour chaque jour que l’Irlande ne s’était pas complètement conformée à la Directive. L’Irlande a alors adopté une série de mesures législatives pour mettre la Directive en application, et la Commission a mis un terme à ses poursuites.

Et après 2020 ?

On se souvient que le 14 juin 2018, le Parlement et le Conseil de l’Union Européenne ont trouvé un accord sur un objectif non-contraignant d’au moins 32%  d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’ici à 2030, alors que la Commission avait initialement proposé une part de seulement 27%.

L’accord a été jugé peu ambitieux par les fédérations européennes des énergies renouvelables, mais une clause de l’accord permet de revoir cet objectif d’ici 2023. A cette date, les objectifs ne pourront être revus qu’à la hausse, pas à la baisse.

Peu ambitieux aussi parce que l’objectif de renouvelables n’est pas contraignant. Ce qui signifie que c’est la Commission qui vérifiera si les Etats respectent leurs promesses, afin que l’objectif commun puisse être atteint au niveau de l’Union par le cumul des engagements nationaux. L’institution pourra donc émettre des « recommandations » aux Etats-membres.

On le voit, il restera du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs 2030, mais l’Europe n’aura aucun moyen de sanctionner les pays qui ne fournissent pas tous les efforts nécessaires.