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Imaginez un bâtiment capable d’héberger 35 personnes toute l’année sans être raccordé à aucun réseau public. Pas de compteur Linky, pas de facture d’eau, pas de tout-à-l’égout. Situé au cœur de la forêt provençale, le gîte autonome du Loubatas relève ce défi technique depuis des décennies. Entre production solaire, stockage sur batteries au plomb et gestion stricte de l’eau par forage, découvrez les coulisses d’un modèle d’autonomie et de sobriété radicale qui fonctionne.
Est-il possible d’offrir un confort standard sans être raccordé au réseau électrique national, ni à l’eau de ville, ni aux égouts ? C’est le défi relevé quotidiennement par le gîte du Loubatas. Situé à Peyrolles-en-Provence, ce site isolé accueille des groupes scolaires et des séjours éducatifs, avec une capacité de 35 lits, en totale autonomie.
L’histoire de ce lieu atypique débute dans les années 80, sous l’impulsion d’un groupe de citoyens militants. Construit sur un terrain légué de 7 hectares, le bâtiment a nécessité onze années de chantier participatif et l’aide de plus de 1000 bénévoles. Aujourd’hui, il fait figure de laboratoire grandeur nature de la transition énergétique. Mais ici, pas de débauche technologique : la règle d’or est la sobriété. Avant de produire de l’énergie, il faut d’abord apprendre à ne pas la gaspiller.
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Le mix énergétique du Loubatas ne repose pas sur une seule source d’énergie. Le gîte capte le soleil sous plusieurs formes différentes pour répondre à des besoins précis. D’abord, le solaire photovoltaïque produit l’électricité. Un champ de 16 panneaux de 250 Wc charge les batteries. Cela représente une puissance totale de 4 000 Wc. C’est peu pour un bâtiment de cette taille. Lorsque la production ne suffit pas, un groupe électrogène au diesel de 5 kW est activé ponctuellement.
Ensuite, le solaire thermique gère la chaleur. Une installation récente de 9 panneaux couvre environ 20 m². Elle chauffe un ballon tampon de 1000 litres. Ces capteurs, de marque Viessmann, intègrent une innovation majeure. Le verre s’opacifie automatiquement en cas de forte chaleur. Ainsi, le système protège le fluide caloporteur l’été, lorsque le gîte n’a pas besoin de chauffage. Pour le chauffage aussi, une énergie fossile est utilisée en appoint lorsque le soleil est insuffisant : du gaz propane stocké dans un réservoir, alimentant une chaudière.
Enfin, un système low-tech gère l’eau. Un petit champ solaire dédié de 800 W alimente directement la pompe de forage. Il n’y a pas de batterie sur ce circuit spécifique. C’est du pompage « au fil du soleil ». Lorsque le soleil brille, la pompe s’active et remonte l’eau de la nappe phréatique vers la réserve. Clin d’œil historique sur le toit, on aperçoit encore les premiers panneaux monocristallins installés en 1988. Fabriqués en France, ils ont fonctionné jusqu’en 2014. L’association les conserve aujourd’hui pour montrer l’évolution technologique au public.
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C’est une particularité technique du Loubatas. Le marché du stockage d’électricité privilégie souvent le lithium-ion pour sa performance. Pourtant, ce gîte utilise exclusivement des batteries au plomb.
Pourquoi ce choix technologique à contre-courant ? La raison est sécuritaire. Le gîte se situe en pleine forêt. Cette zone est classée rouge pour les risques d’incendie. En cas de feu, les batteries lithium-ion risquent de s’emballer thermiquement. Cela créerait un danger d’explosion pour les pompiers et les avions bombardiers d’eau. À l’inverse, le plomb reste stable. C’est donc une obligation réglementaire pour la sécurité du site.
Ce parc de batteries offre une capacité de stockage d’environ 80 kWh (dont une faible partie est utilisable, les batteries au plomb ne pouvant être déchargées en profondeur). Fait rare pour un site isolé : ces batteries appartiennent à Enedis. Le gîte est un établissement recevant du public (ERP). Le gestionnaire de réseau a l’obligation de lui fournir l’électricité. Cependant, tirer une ligne de 3 km dans la forêt coûtait trop cher. Enedis a donc installé ces batteries sur place. L’association paie un « loyer » d’environ 700 € par an pour ce service de maintenance et de remplacement en cas de panne.
À lire aussiQuels sont les différents systèmes de stockage d’énergie ?L’autonomie impose une limite physique stricte. La puissance électrique instantanée ne doit jamais dépasser 2 200 W Si l’utilisateur tire plus, le système disjoncte immédiatement. C’est l’équivalent d’une simple bouilloire et d’un grille-pain fonctionnant ensemble. Cette contrainte de puissance transforme radicalement la vie quotidienne. Elle oblige les 35 occupants potentiels à repenser leurs usages :
Cuisine au gaz : le gîte bannit les plaques à induction et les fours électriques, faute de puissance disponible. La cuisson se fait au gaz (citerne enterrée) ou au bois pour le four à pizza.
Froid raisonné : il n’y a pas de congélateur, car cet appareil augmenterait la consommation du gîte. De plus, les gérants coupent le réfrigérateur principal en hiver pour économiser les batteries.
Lavage manuel : le bâtiment ne possède pas de lave-vaisselle. La vaisselle se fait à la main. Cette tâche devient souvent un moment de convivialité pédagogique pour les groupes.
Étonnamment, le plus gros consommateur n’est pas le frigo. C’est la centrale incendie. Elle tourne 24h/24 pour la sécurité et représente donc une part significative de la consommation du gîte.
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Le Loubatas puise son eau directement dans la nappe souterraine de la Durance. Un forage descend à 112 mètres de profondeur pour capter cette ressource. Une citerne souple de 12 m³ stocke l’eau brute en hauteur. Ensuite, le liquide subit un traitement rigoureux dans un local technique dédié. Le gîte reçoit du public (ERP), il ne peut donc pas négliger la sécurité sanitaire. Le processus de potabilisation suit quatre étapes clés :
Mise sous pression : un compresseur et des vases d’expansion maintiennent la pression. Cela évite les démarrages incessants de la pompe.
Filtration : des filtres mécaniques retiennent les particules fines.
Désinfection : une lampe UV élimine les bactéries et les virus.
Traitement CO2 : une injection de gaz carbonique neutralise le calcaire. Ce minéral abonde dans la région et pourrait boucher les canalisations.
Les autorités sanitaires contrôlent la qualité de l’eau tous les quatre mois. Ainsi, le gîte garantit une eau potable identique à celle du réseau public.

Le gîte optimise aussi son assainissement. En complément des toilettes à eau classiques à l’intérieur, il a installé en extérieur deux toilettes sèches à séparation. Ce système innovant diffère des toilettes sèches à sciure classiques. Il sépare l’urine des matières solides dès la source.
L’urine s’écoule vers des cuves de 1000 litres. Elle y reste stockée avant une éventuelle valorisation comme en engrais par exemple.
Les matières fécales tombent directement dans un composteur situé en sous-sol. Une ventilation efficace permet leur dégradation naturelle sans odeur.
Ce dispositif offre un double avantage. D’une part, il améliore le confort des usagers. D’autre part, il économise des milliers de litres d’eau potable chaque année. Cela réduit d’autant la sollicitation du forage solaire.

Le bridage de puissance de la batterie et le caractère aléatoire de la production solaire imposent un moyen de production électrique de dernier recours. En hiver, les journées raccourcissent et les nuages persistent. Parfois, le site subit des pics de froid intenses. Les températures descendent jusqu’à -9°C dans cette « Sibérie provençale ». Les panneaux solaires ne suffisent plus.
Un groupe électrogène diesel de 5 kW prend alors le relais. Il se situe à 150 mètres du bâtiment pour limiter les nuisances sonores. Des travaux seront réalisés pour le remplacer par un modèle plus silencieux, dans un local dédié plus proche du gîte et à déclenchement automatique. Le système l’active lorsque les batteries passent sous un seuil critique (40 à 50 %).
Cependant, son usage reste marginal. Le gîte consomme seulement une centaine de litres de gasoil par an. Cela représente moins de 2 % de l’énergie totale du site. L’objectif est clair. La source fossile doit rester une exception pour les cas d’urgence.
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