Kehl et Strasbourg sont deux villes jumelles, séparées par le Rhin mais reliées par un pont et un tramway. Dans le port, du côté allemand, la Badische Stahlwerke produit 2,2 millions de tonnes d’acier par an à partir de ferrailles. Une activité fortement consommatrice d’énergie. Jusqu’à présent, l’important gisement de chaleur résiduelle, dite « fatale », engendrée par le processus n’était que très peu exploitée, dans l’usine même et les alentours immédiats. Depuis 2014, l’idée de l’utiliser pour alimenter le réseau de chauffage urbain de Strasbourg fait son chemin. Il y a quelques jours, ce partenariat franco-allemand a franchi un jalon important par la constitution de la société « Calorie Kehl-Strasbourg » (CKS) chargée de concrétiser le projet.

Les réseaux de chaleur publics de Strasbourg alimentent l’équivalent de 50 000 logements à travers 130 km de canalisations. L’énergie distribuée est déjà d’origine renouvelable à plus de 50 %, produite essentiellement avec du bois et des ordures ménagères. Mais l’Eurométropole s’est fixée comme objectif d’atteindre 100% d’énergies vertes à l’horizon 2050. Pour y parvenir, la collectivité compte mobiliser tout l’éventail des sources d’énergies renouvelables locales disponibles. C’est la raison pour laquelle elle lorgne déjà depuis 2014 sur un important gisement de chaleur fatale inutilisée par la Badische Stahlwerke, l’une des plus grandes aciéries d’Europe qui, de l’autre côté du Rhin, produit 2,2 millions de tonnes d’acier par an.

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Un projet économiquement et techniquement réalisable

Début 2019, une première étude de faisabilité commandée et financée par le ministère de l’Environnement de l’Etat du Bade-Wurtemberg a démontré que le projet est économiquement et techniquement réalisable en construisant une canalisation de 4,5 km qui reliera l’aciérie au réseau de chaleur de Strasbourg, via un forage sous le Rhin, et dans laquelle circulera de l’eau à 150°C. Une seconde étude commandée dans la foulée par l’Eurométropole a précisé les modalités de mise en œuvre technique, financière et organisationnelle du projet.

Dans un premier temps, 80 gigawattheures de chaleur alimenteront les réseaux de Strasbourg et Kehl, équivalant aux besoins en chauffage et eau chaude sanitaire de 8.000 logements. L’émission de 29.000 tonnes de gaz à effet de serre sera ainsi évitée. L’investissement de 36 millions d’euros sera assuré par un partenariat réunissant les deux cités, la région Grand Est, le land de Bade-Wurtemberg ainsi que la Banque des Territoires. À terme, ce sont 135 GWh d’énergie par an qui devraient être récupérés.

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Coopération renforcée entre Strasbourg et Kehl

Il y a quelques jours, le projet a franchi une étape importante par la constitution de la Société d’Économie Mixte Locale (SEML) transfrontalière « Calorie Kehl-Strasbourg » (CKS), dont l’objet social sera de réaliser et d’exploiter la canalisation transfrontalière d’eau chaude. C’est Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg qui a été élue à sa présidence. « Au fil des ans, la coopération entre Strasbourg et Kehl s’est renforcée. Elle se matérialise déjà par un pont, un tram et bientôt une conduite permettant d’acheminer la chaleur d’une rive à l’autre du Rhin » a-t-elle déclaré à cette occasion. « Je me réjouis de présider cette nouvelle structure engageant de nombreux partenaires : la SEML Calorie Kehl-Strasbourg. Celle-ci permet à nos deux villes amies de se donner un même destin énergétique : la décarbonation du territoire que nous avons en commun. Alors que la précarité énergétique touche de plus en plus d’Européens et que l’urgence climatique impose d’agir, ce partenariat nouveau permettra d’étendre considérablement l’offre d’énergie renouvelable à coût maîtrisé », a-t-elle ajouté.

Les études de maîtrise d’œuvre du projet seront réalisées d’ici fin 2022. Quant à la construction de la canalisation, les travaux devraient débuter en 2023 et s’étendre sur 3 ans, l’objectif étant de pouvoir la mettre en service au début de 2026.

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