AccueilStocker l'énergie500 GW de batteries en attente de raccordement : pourquoi l'Allemagne est en plein délire

500 GW de batteries en attente de raccordement : pourquoi l'Allemagne est en plein délire

Photo de l'auteur
Par Miotisoa RANDRIANARISOAPublié le 18 octobre 2025
Une batterie géante à Bollingstedt en Allemagne / Image : Eco Stor.

Souhaitant atteindre la neutralité carbone en 2045, soit bien avant le reste de l’Union européene, l’Allemagne accélère le déploiement de ses énergies renouvelables et renforce ses capacités de stockage énergétique à grande échelle. La file d’attente des demandes de raccordement de nouvelles centrales par batteries ne cesse d’ailleurs de s’allonger, et ce, à un rythme incroyablement effréné. Aujourd’hui, des centaines de gigawatts seraient déjà en attente de raccordement.

À en croire les chiffres, c’est une véritable avalanche de projets de stockage qui déferle sur le marché allemand. Selon Regelleistung, plateforme allemande spécialisée dans l’analyse du marché de la régulation de fréquence, plus de 500 GW de puissance de stockage par batteries seraient actuellement dans la file d’attente. Cela correspond à plusieurs centaines de projets répartis sur l’ensemble du territoire. Pour se faire une idée du volume colossal que cela représente, cela équivaut à 3,2 fois la puissance cumulée de toutes les centrales électriques de France (155 GW).

Ces estimations proviennent des données de sept gestionnaires de réseau allemands, qui recensent 470,5 GW de demandes. En ajoutant celles d’autres opérateurs, le total dépasserait largement les 500 GW. Un chiffre impressionnant, certes, mais qui ne reflète en rien la réalité du marché.

À lire aussiFinalement, l’Allemagne n’abandonnerait pas le charbon en 2030

500 GW, un chiffre irréaliste ?

Un tel volume de projets est difficilement crédible au regard de la puissance du parc électrique allemand. Pour donner un ordre de grandeur, la charge de pointe actuelle du pays (c’est-à-dire le besoin électrique maximal atteint à un instant donné) s’élève à environ 75 GW. Par ailleurs, la file d’attente de batteries actuelle dépasse déjà la totalité du parc renouvelable prévu en 2030, qui est de 400 GW selon les projections du gouvernement. Même la Chine, dont la puissance des énergies renouvelables dépasse le térawatt (soit 1000 GW), ne dispose pas d’un parc de batteries aussi conséquent.

En réalité, ces 500 GW contiennent une multitude de projets « spéculatifs », déposés par des opérateurs dans le seul but de se réserver une place sur le réseau. La faute à la règle du « premier arrivé, premier servi » mise en place par les gestionnaires de réseau. Ce système incite certaines entreprises à bloquer d’importantes capacités, simplement pour garder la possibilité d’installer plus tard une centrale de stockage. Une grande partie de ces projets ne verront donc jamais le jour.

Le rapport de Regelleistung pointe également l’absence de tri rigoureux parmi les dossiers déposés. Le système actuel ne vérifie pas suffisamment la maturité des projets avant de valider leur demande de raccordement. Résultat : les installations techniquement prêtes sont retardées et risquent d’être impossibles à connecter, simplement parce que le réseau est déjà « réservé » par des projets fantômes. De plus, le coût élevé et la durée de traitement des dossiers pourraient ralentir davantage le raccordement des projets réellement viables.

À lire aussiHydrogène, gaz, nucléaire : comment l’Allemagne est en train de rater sa transition énergétique

Des mesures contre les projets fantômes

La situation risque de freiner l’expansion réelle du stockage d’électricité, voire de retarder les objectifs de la transition énergétique allemande. Pour remédier à la situation, des pistes de réforme sont proposées par le Regelleistung. La première mesure consisterait à généraliser une vérification rapide de la possibilité de raccordement, via par exemple, un outil numérique accessible aux développeurs. Eux-mêmes pourraient alors évaluer leurs installations et déterminer si un raccordement est possible pour éviter des dépôts de demandes inutiles.

La mise en place de frais de réservation est également évoquée afin de limiter les projets purement spéculatifs. L’idée serait de facturer des frais proportionnels à la puissance demandée tout en encadrant les délais de mise en œuvre. Seules les entreprises réellement prêtes à investir déposeraient alors une demande.

Concernant les 500 GW de demandes existantes, le rapport recommande de trier les projets : éliminer ceux qui sont irréalisables via des études de faisabilité, placer les projets sérieux dans une liste d’attente transparente et priorisée, et éventuellement appliquer des frais de réservation pour que les projets « théoriques » soient retirés.

La suite de votre contenu après cette annonce

La suite de votre contenu après cette annonce


Voir plus d'articles