La fonctionnalité fait grincer des dents aux Etats-Unis, seul pays où elle pour l’instant proposée. Depuis octobre 2022, Apple intègre une option « Clean Energy Charging » sur ses iPhone sous iOS 16.1. Activée par défaut, elle décale automatiquement la recharge du smartphone vers les périodes où la production électrique est la moins carbonée. Scandale où idée de génie ?

Les 10 ou 20 watts (W) requis pour recharger son smartphone peuvent paraître dérisoires face aux 2 000 W d’un lave-vaisselle, sèche-linge, four ou ballon d’eau chaude. Mais s’ils consomment très peu d’électricité à l’échelle individuelle, les téléphones sont nombreux, extrêmement nombreux. Rien qu’en France, autour de 60 millions de smartphones sont utilisés à en croire le taux d’équipement communiqué par l’ARCEP, le gendarme des télécommunications.

En estimant arbitrairement qu’ils sont entièrement rechargés chaque jour et que leur batterie dispose d’une capacité de 20 Wh, l’ensemble des téléphones intelligents du pays consomment quotidiennement 1,2 GWh. C’est l’équivalent de la production à pleine puissance d’un réacteur nucléaire de palier CPY pendant une heure et demie. En France, ce n’est pas très problématique : notre électricité est majoritairement bas-carbone, même s’il reste d’importants efforts à fournir pour se débarrasser des centrales à gaz et des quelques unités au fioul et charbon.

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Une option activée à domicile ou au travail uniquement

Aux États-Unis toutefois, où le courant est issu à 60 % de centrales à gaz et charbon, tous les moyens sont bons pour reporter les consommations vers les périodes où l’éolien, le solaire et l’hydraulique fonctionnent à haut régime. Ainsi, le 24 octobre 2022, Apple a introduit discrètement une nouvelle fonctionnalité baptisée « Clean Energy Charging » sur ses iPhones américains sous iOS 16.1, avec pour objectif la réduction de l’empreinte carbone de leur recharge. L’idée est simple : lorsque le téléphone est branché chez son propriétaire, sa mise en charge peut être décalée selon les émissions de CO₂ du réseau électrique local « durant les périodes où la production d’énergie est plus propre » précise Apple sur une page dédiée.

La marque à la pomme l’assure, « le Clean Energy Charging s’active uniquement là où vous passez le plus de temps et chargez régulièrement votre iPhone pendant de longues périodes, comme votre domicile et lieu de travail ». « La fonction ne s’active pas si vous vous trouvez dans un nouvel emplacement, par exemple lorsque vous voyagez » rassure le fabricant, qui précise que l’option peut facilement être désactivée dans le menu de réglage de la batterie.

Une fonctionnalité qui n’est pour l’instant disponible qu’aux États-Unis, où les utilisateurs sont partagés. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes s’émeuvent de ne pas avoir été informées de l’activation de l’option après avoir constaté un ralentissement de la recharge. Mais au-delà de ces considérations, quel peut-être son impact réel sur les émissions de CO₂ ?

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Intéressant dans les pays où l’intensité carbone de l’électricité varie fortement

En observant la carte ElectricityMaps, qui affiche l’intensité carbone de la production électrique de nombreux pays du monde, l’on peut constater qu’elle varie significativement au fil de la journée dans certaines zones des États-Unis. Sur le réseau californien du CISO par exemple, elle peut passer en quelques heures d’environ 100 g eq.CO2/kWh à plus de 300 g eq.CO2/kWh, selon le vent et l’ensoleillement.

Il y a environ 22 millions d’iPhone en circulation en Californie, appelant potentiellement une puissance de 330 MW (en se basant sur une puissance moyenne de 15 W) le soir, lorsqu’ils sont mis en charge au domicile de leur propriétaire. Or, les pics de consommation sont généralement couverts par des centrales pilotables à gaz et charbon, et donc extrêmement polluantes. Dans cet État, décaler la recharge du soir d’une ou deux heures peut favoriser l’utilisation d’énergies bas-carbone d’origine nucléaire ou éolienne. En matinée, la reporter de quelques heures permet d’exploiter le pic de production solaire entre 12 h et 14 h.

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Sur une année, recharger l’ensemble des smartphones californiens lorsque le réseau affiche une intensité 100 g eq.CO2/kWh au lieu de 300 g eq.CO2/kWh éviterait le rejet de 24 000 tonnes d’équivalent CO₂ selon nos calculs. Certes, cela ne révolutionnera pas la courbe des émissions des États-Unis (4,7 milliards de tonnes de CO₂ en 2021), mais c’est un geste qui ne coûte pas grand-chose.

La fonctionnalité « Clean Energy Charging » ne devra toutefois pas servir à écoblanchir Apple, qui pourrait réellement réduire son impact carbone en produisant ses smartphones dans des pays où la production électrique est nettement plus bas-carbone qu’en Chine.

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