Le secteur français du biométhane est présenté comme « le plus dynamique d’Europe ». Avec des hausses annuelles du nombre d’unités d’injection de 73% en 2018 et 62% en 2019, la France pourrait compter plus de 200 unités avant la fin 2020. Mais la crise du Covid-19 risque de porter un coup dur à l’essor de la filière.

Le biométhane est un gaz 100% renouvelable produit à partir de la fermentation anaérobie (sans air) de déchets organiques, tels que : les substrats de végétaux issus des ordures ménagères, les déchets verts, déchets agricoles, déchets agroalimentaires, les boues d’épuration ou encore les déchets industriels. La décomposition de ces déchets produit du biogaz. Ce biogaz, pour devenir du biométhane, doit subir un processus d’épuration en trois étapes : la décarbonatation (pour enlever le CO2), la désulfuration (pour écarter le sulfure d’hydrogène) et la déshydratation (pour retirer l’eau). Le biométhane ainsi obtenu, et une fois odorisé, peut servir de carburant pour les véhicules, de gaz de ville ou de source d’électricité verte.

Une filière en plein essor

Depuis la mise en place des tarifs d’achat en 2011 et l’adoption de la loi sur la Transition Energétique de 2015 qui fixe à 10% la part de gaz renouvelable consommé en France à l’horizon 2030, la production de biométhane est en pleine croissance. En 2019, 47 nouveaux sites d’injection ont été construits, portant le nombre total d’unités en service à 123. Au cours du premier trimestre de cette année, 16 nouvelles unités ont été ajoutées, selon le cabinet d’études Sia Partners.

Ces 139 unités opérationnelles injectent aujourd’hui 2,5 térawattheures (TWh) par an, ce qui peut sembler peu par rapport à la consommation annuelle de gaz des Français, estimée en 2017 à 505 TWh (source : Chiffres clés de l’énergie – Édition 2019).
Mais 1134 projets sont aujourd’hui déclarés à l’étude, qui pourraient totaliser une capacité d’injection de 25 TWh par an, soit dix fois plus.
Toutefois, la crise du Covid-19 est venue jouer les trouble-fête, entraînant retards de chantiers, allongement des démarches, difficultés de financement, etc.

Des objectifs en fonction du coût de production

La nouvelle PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) d’avril 2020 a fixé de nouveaux objectifs de production de biométhane, modulables en fonction du coût de production. A l’horizon 2030, la part renouvelable dans la consommation totale de gaz devra ainsi atteindre 7% si le coût de production du biométhane injecté atteint « 75 €/MWh en 2023 et 60 €/MWh en 2028 », et jusqu’à 10% « en cas de baisses de coûts supérieures », selon le bureau Sia Partners.
Selon la taille des installations, le coût de production du biométhane injecté s’élève aujourd’hui entre 80 et 100 €/MWh.
La nouvelle PPE fixe un objectif de 6 TWh injectés en 2023 (contre 8 TWh dans l’ancienne PPE de 2015) et entre 14 et 22 TWh injectés en 2028.

Des opposants en nombre croissant

Le biométhane est issu d’un processus de dégradation de déchets organiques 100% naturel.
Il contribue ainsi à réduire nos importations de gaz fossile, permet d’optimiser la gestion de nos déchets, crée de l’emploi au sein d’une économie circulaire, et n’émet pas de particules fines à la combustion. Malgré tous ses avantages qui en font une énergie véritablement renouvelable, les opposants au biométhane sont de plus en plus nombreux.
Ils lui reprochent d’engendrer de grosses installations de biogaz qui écraseraient les petits exploitants agricoles, et d’encourager l’accaparement de terres dédiées à la méthanisation. Selon eux, ces véritables usines, surtout présentes en Allemagne, ne serviraient à rien d’autre qu’à vendre du gaz.
De plus, les cuves géantes alimentent des craintes de mauvaises odeurs, de prolifération de mouches, et surtout de fuites importantes.

Il est vrai que le méthane est un gaz à effet de serre 25 fois plus néfaste que le CO2. Les fuites libéreraient également de l’ammoniac (NH3), bien qu’en plus petite quantité, mais qui se transformerait, au contact de l’air, en protoxyde d’azote (N2O), un gaz beaucoup plus nocif que le CO2.

Quel est le véritable bilan CO2 ?

Face aux doutes émis sur le vrai bilan carbone du biogaz, EBA (European Biogas Association) a procédé à une étude et réalisé une infographie sur la contribution du biogaz aux changements climatiques. Le résultat est sans équivoque puisqu’il apparaît qu’en comparaison de la combustion de quantités équivalentes de combustibles fossiles, la production de biogaz permet d’éviter jusqu’à 240% de gaz à effet de serre et 202 % pour le biométhane.

Au total, le secteur pourrait réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 10 à 13 %