L’année prochaine, le port d’Amsterdam mettra un service un bateau à hydrogène. Sa particularité : ce « gaz » sera stocké dans ses cales sous forme solide. Déjà baptisé Neo Orbis, le navire sera utilisé pour des courts trajets dans le port et sur les canaux de la ville. Mais faut-il vraiment applaudir cette innovation ?

L’hydrogène vert bénéficie sans conteste du bel engouement affiché par de nombreux acteurs industriels et politiques. Mais si ce vecteur d’énergie pourrait s’avérer utile dans certaines applications consommatrices d’énergie telles que l’industrie ou les transports maritime et aérien, nous avons déjà fait état sur ce site de plusieurs études scientifiques mettant en garde contre des utilisations irrationnelles de l’hydrogène.

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De l’hydrogène en poudre : comment est-ce possible ?

Dans le port d’Amsterdam, le projet consiste à remplacer un bateau utilisant du fioul comme carburant par un navire électrique. Excellente idée … à première vue. Mais dans ce cas, l’électricité sera produite par une pile à combustible alimentée en hydrogène. Et celui-ci sera emmagasiné dans les cales sous forme de poudre solide.

Un bon point également, car l’hydrogène n’a pas que des qualités. Pour stocker ce gaz extrêmement léger, il faut en général le comprimer à très haute pression (plus de 700 bars) ou le liquéfier à très basse température (-253 °C). Dans les deux cas, le procédé est très énergivore.

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En outre, le dihydrogène gazeux est la plus petite des molécules. Tellement minuscule qu’elle a tendance à s’échapper par des ouvertures microscopiques. Il est donc difficile de rendre complètement étanche les réservoirs et tuyauteries le contenant. En outre, l’hydrogène est très facilement inflammable : l’énergie requise pour l’allumer est dix fois plus faible que celle qui est nécessaire pour enflammer du méthane (le gaz « fossile »).

Stocker de l’hydrogène gazeux dans un port et l’embarquer dans les entrailles d’un bateau qui circulera dans les étroits canaux de la ville, représente donc un risque non négligeable.

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Première mondiale

Les autorités amstellodamoises ont dès lors opté pour une autre solution. Après avoir remporté l’appel d’offre lancé au début de cette année, l’entreprise néerlandaise de fabrication navale Next Generation Shipyards construira le premier navire au monde propulsé par de l’hydrogène stocké à température ambiante sous la forme d’une poudre de borohydrure de sodium (NaBH4).

Après dissolution dans de l’eau, ce sel réagit avec un catalyseur pour libérer de l’hydrogène, lequel alimente ensuite une pile à combustible. Le résidu de cette réaction est du métaborate de sodium qui peut être retransformé en borohydrure après avoir été débarqué dans le port. Le procédé est exothermique, c’est-à-dire qu’il génère aussi de la chaleur, mais celle-ci pourra être utilisée sur le bateau.

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Il s’agit d’une solution développée par la société néerlandaise H2 Circular Fuel, laquelle explique que 1 m³ de cette poudre peut libérer 126 kg d’hydrogène (contre seulement 43 kg sous sa forme gazeuse comprimée à 700 bars) et générer 9 MWh d’énergie.

Selon les prévisions des porteurs du projet, Neo Orbis devrait être lancé sur l’eau en juin 2023 et entamer alors une panoplie d’essais.

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Est-ce rentable ?

Qu’en est-il du point de vue économique ? Le port d’Amsterdam ne cache pas que cette technologie n’est pas rentable, actuellement du moins. En cause, notamment, le faible rendement des différents stades de la chaîne de fabrication d’hydrogène.

Pour des navires qui ne doivent pas parcourir de longues distances, comme ce sera le cas du Neo Orbis (lequel restera confiné dans les alentours du port), il serait en effet beaucoup plus judicieux et avantageux d’opter pour un bateau électrique à batterie, dont le rendement de la chaîne de production d’électricité est beaucoup meilleur.

Cette technologie a déjà été testée avec succès par des péniches, des ferries et même des cargos. Il ne serait d’ailleurs pas complètement idiot de penser à un bateau solaire.

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Ceci dit, nous pouvons admettre que la technologie qui sera testée à Amsterdam pourrait être une solution pour la navigation au long cours. La traversée des océans ne peut en effet pas s’envisager avec des cargos à batterie, dont le poids serait beaucoup trop important (il n’y a pas de borne de recharge au milieu de l’Atlantique ou du Pacifique). Mais dans ce domaine, certains parient de plus en plus sur un retour de la navigation à voile.

Un programme européen

Le projet est mené dans le cadre du programme européen H2Ships dont l’objectif est d’expérimenter diverses solutions basées sur l’utilisation d’hydrogène pour décarboner le secteur maritime. Parmi les partenaires impliqués, nous noterons, outre le port d’Amsterdam, la société française Hynamics, une filiale d’EDF dédiée à l’hydrogène.

Sous la bannière H2Ships, un autre projet est prévu à Paris, sur la Seine, où il est question de convertir à l’hydrogène des barges de la société de gestion des déchets ménagers Syctom.

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