RTE, l’opérateur du réseau français à haute tension, révèle dans un communiqué récent que 17 réacteurs nucléaires sont actuellement à l’arrêt. « La disponibilité d’ensemble du parc se situe, depuis plusieurs semaines, en deçà des minima historiques et notamment de l’année passée, ce qui contribue à l’augmentation des prix de l’électricité sur le marché », précise le communiqué. RTE ajoute qu’il « renforce son diagnostic de vigilance pour le mois de janvier » et se prépare à exploiter le système électrique français « en situation dégradée ». En cas de conditions météo difficiles, des « coupures ciblées de consommateurs » pourraient être décidées.

La France qui dépend à 70% du nucléaire pour son approvisionnement électrique, fait actuellement face à une une faible disponibilité de son parc de centrales : 17 réacteurs sont actuellement à l’arrêt. En cause, un calendrier de maintenance chargé qui a notamment été perturbé par les confinements de 2020.

A la mi-décembre, EDF a aussi dû arrêter deux réacteurs à Chooz dans les Ardennes et prolonger l’arrêt des deux réacteurs de Civaux – la centrale la plus récente du parc – après la détection d’anomalies à proximité des soudures d’un circuit de secours.
A peu près au même moment, dans la soirée du 16 décembre, le réacteur n° 1 de la centrale nucléaire de Gravelines s’est arrêté en urgence. Sur le coup EDF n’a pas identifié le problème, qui était en fait électrique : une « anomalie » sur la ligne à très haute tension du site. Mais une semaine après son arrêt automatique, le réacteur n’a pas redémarré car un autre problème a été détecté, cette fois sur un capteur de niveau d’eau d’un générateur de vapeur.
Ces incidents à répétition privent le système électrique de l’Hexagone d’une puissance pilotable de 4,5 GW par rapport à la capacité attendue au cours du mois de janvier.

La disponibilité prévisionnelle du parc nucléaire français est désormais évaluée par RTE dans une fourchette comprise entre 43 et 51 GW pour la majeure partie de janvier : « il s’agit du niveau le plus bas jamais atteint pour le parc nucléaire à cette période de l’année », précise l’opérateur.
Dans ces conditions, la France se trouve fréquemment en situation d’import d’électricité depuis le mois de novembre, alors qu’elle est traditionnellement exportatrice. Des niveaux très importants d’imports, proches des capacités techniques maximales, ont par exemple été enregistrés les 20, 21 et 22 décembre 2021. Cette situation « contribue à l’augmentation des prix de marché », précise RTE en ajoutant que son réseau est « fortement interconnecté avec ses voisins ».

À lire aussi Union de l’énergie : l’Europe avance mais la France est à la traîne

Diagnostic réactualisé

Ces éléments conduisent RTE à renforcer son diagnostic de vigilance pour le mois de janvier et à « se préparer à exploiter le système en situation dégradée ». A ce jour, le diagnostic met en évidence que le recours à des moyens « post-marchés », tels que l’interruption de grands consommateurs industriels où la baisse de la tension sur les réseaux de distribution, serait probable en cas de vague de froid « de l’ordre de 4°C en dessous des normales » ou de situation de très faible production éolienne en Europe. Et quasi-certain si ces deux facteurs se combinent.

En dernier ressort, des coupures ciblées de consommateurs demeurent une solution à laquelle RTE devra potentiellement recourir en cas de conditions météorologiques difficiles. L’opérateur cite l’exemple d’une « vague de froid durant plusieurs jours, couplée avec une absence de vent en France et dans les pays voisins ». Cette solution extrême pourrait aussi être nécessaire si de « nouvelles dégradations des capacités de production, notamment nucléaires » devaient être déplorées.

Le gestionnaire du réseau précise néanmoins qu’il ne s’agirait en rien de situations de blackout impliquant une perte généralisée de l’alimentation électrique sur le territoire, mais d’une opération contrôlée par RTE et mise en œuvre par les distributeurs en lien avec l’administration territoriale de l’Etat. Les coupures envisagées auraient « un impact localisé et limité dans le temps – 2 heures consécutives au maximum – épargnant les consommateurs sensibles, en particulier le secteur de la santé ».

À lire aussi Comment survient un blackout du réseau électrique ?

Risque de délestage peu probable

Sur la base des dernières prévisions météo pour janvier, la survenue de tels épisodes, notamment de vagues de froid sévères,  apparaît pour RTE « très peu probable pour le début du mois, et peu probable pour la suite, avec toutefois un degré d’incertitude plus élevé ». Le risque de délestage serait donc pour l’essentiel écarté à court terme. « Il pourra être levé progressivement au fur et à mesure que des analyses météorologiques plus précises (typiquement d’une semaine pour l’autre) confirmeront cette perspective mensuelle », indique le communiqué.

Dans son analyse, RTE n’évoque pas la mise à l’arrêt définitif en Allemagne, pendant la nuit du réveillon, de 3 réacteurs nucléaires et de 3 unités au charbon. Ces décisions prises dans le cadre de la sortie simultanée du nucléaire et du charbon décrétée par le gouvernement d’outre-Rhin auront certainement aussi un impact sur les approvisionnements électriques en Europe.

À lire aussi Après la sortie du nucléaire, l’Allemagne programme la sortie du charbon À lire aussi Le nucléaire est moins efficace que les renouvelables pour réduire les émissions de carbone