Lorsque Jules Verne publie Robur-le-Conquérant en 1886, il imagine un engin tout à fait particulier. Une sorte d’improbable voilier des airs, dont les mâts ne sont pas équipés d’ailes, mais d’une multitude d’hélices. L’Albatros, c’est le nom de l’engin, est un appareil plus lourd que l’air et électrique. Un concept pour le moins spéculatif pour l’époque ; mais dont la ressemblance est frappante avec les drones d’aujourd’hui. Et qui nous montre tous les enjeux de leur source d’énergie.
À la fin du XIXᵉ siècle, la technologie aérienne se cantonne aux plus légers que l’air, ces aéronefs conçus autour d’une gigantesque enveloppe emplie d’air chaud, d’hydrogène ou, plus tard, d’hélium. Les développements d’alors enchaînent des records en la matière, une créativité qui préfigure l’ère du ballon et du dirigeable du début du XXᵉ.
Les plus lourds que l’air ne décolleront qu’un peu plus tard, au travers des exploits de Clément Ader (1897), des frères Wright (1903) ou de Louis Blériot (1909). Mais il s’agit encore d’appareils dotés d’une voilure fixe, c’est-à-dire d’ailes. Il faudra attendre 1935 pour que Louis Charles Breguet et René Dorand mettent au point le premier hélicoptère – donc à voilure tournante – opérationnel. C’est dire à quel point la vision de Jules Verne était saisissante : elle avait près de cinquante ans d’avance !
À lire aussiVoici le premier réacteur d’avion 100% électrique (vidéo)Cette vision est d’autant plus impressionnante lorsqu’on la met en perspective avec les développements très récents des taxis aériens électriques. Prenons un exemple, celui de Volocopter, une start-up allemande. Elle a développé Volocity, un petit taxi aérien électrique prévu pour un passager. Celui-ci est soutenu par pas moins de 18 hélices. C’est très proche de la vision de Jules Verne dont l’Albatros était doté de 74 hélices de sustentation. Jules Verne aurait-il donc anticipé non seulement l’avion, l’hélicoptère, mais aussi les hélicoptères électriques dotés d’un grand nombre de rotors ?
Car les point communs ne s’arrêtent pas là. Pour fournir de l’énergie à son appareil, Verne imagine une source d’alimentation électrique ; citons son texte : « Ce n’est ni à la vapeur d’eau ou autres liquides, ni à l’air comprimé ou autres gaz élastiques, ni aux mélanges explosifs susceptibles de produire une action mécanique, que Robur a demandé la puissance nécessaire à soutenir et à mouvoir son appareil. C’est à l’électricité, à cet agent qui sera, un jour, l’âme du monde industriel. D’ailleurs, nulle machine électromotrice pour le produire. Rien que des piles et des accumulateurs. Seulement, quels sont les éléments qui entrent dans la composition de ces piles, quels acides les mettent en activité ? C’est le secret de Robur. »
La comparaison entre le roman de Jules Verne et les drones taxis s’arrête là, toutefois. Car l’Albatros était capable d’une autonomie incroyable. Les protagonistes réalisent en effet un tour du monde, au-dessus de l’Amérique, de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, emportés par une tempête, ils longent l’Antarctique, et ce avant le dramatique accident final. Et ceci sans faire de pause, sans se poser, pendant plusieurs mois. Et donc sans faire de plein d’énergie, lequel était prévu à l’issue du voyage jusqu’à l’île X, la base secrète de Robur.
À lire aussiZephyr S, le drone 100% solaire d’Airbus pourrait-il bientôt remplacer des satellites ?Nous sommes donc bien loin de l’autonomie des drones ou des taxis volants actuels. Le Volocity, par exemple, alimenté par une batterie li-ion, devait avoir une portée de 30 km. Jules Verne aurait-il surestimé la capacité réelle des batteries électriques ? C’est tout à fait probable.
Dans Vingt Mille Lieues sous les mers, il imagine le Nautilus, un sous-marin géant conçu par le capitaine Nemo, capable de parcourir sans s’arrêter toutes les mers du globe. Et, comme pour l’Albatros, c’est la fée électricité qui est mise à l’ouvrage : « Il est un agent puissant, obéissant, rapide, facile, qui se plie à tous les usages et qui règne en maître à mon bord. Tout se fait par lui. Il m’éclaire, il m’échauffe, il est l’âme de mes appareils mécaniques. Cet agent, c’est l’électricité.
– L’électricité ! m’écriai-je assez surpris.
– Oui, monsieur.
– Cependant, capitaine, vous possédez une extrême rapidité de mouvement qui s’accorde mal avec le pouvoir de l’électricité. Jusqu’ici, sa puissance dynamique est restée très restreinte et n’a pu produire que de petites forces !
– Monsieur le professeur, répondit le capitaine Nemo, mon électricité n’est pas celle de tout le monde. »
Jules Verne anticipait donc bien que l’électricité montrerait ses limites pour des voyages de plusieurs mois. Aujourd’hui, on aurait bien de la peine à imaginer une autre source d’énergie qu’un réacteur nucléaire pour assurer une telle autonomie, tout comme cela se fait dans les sous-marins nucléaires. Et tout comme cela a aussi été envisagé par les États-Unis pour des bombardiers. En effet, au cours du programme Aircraft Nuclear Propulsion, les premiers prototypes de turboréacteurs alimentés en énergie par des réacteurs nucléaires ont été conçus.
L’énergie nucléaire n’était bien sûr pas encore connue à l’époque de Jules Verne. Mais sa vision n’en reste pas moins saisissante. Dans le contexte contemporain d’une transition énergétique qui fait la part belle à l’électrification, ce texte, écrit il y a cent quarante ans, laisse tout à fait songeur.
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Nucléaire6 septembre 2025
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