L’exploitation de charbon dans la mine Prosper-Haniel à Bottrop dans le bassin de la Ruhr s’arrêtera en décembre de cette année. Cette fermeture signifiera aussi la fin d’une histoire commencée il y a 150 ans : celle de l’exploitation du charbon en Allemagne. Mais le site ne sera pas abandonné. Un projet vise à le reconvertir en installation de stockage d’électricité renouvelable.

Le sous-sol de la région contient pourtant encore beaucoup de charbon : plus de 50 millions de tonnes selon les estimations. Au rythme actuel de 2,5 millions de tonnes extraites annuellement, l’activité pourrait encore être exploitée pendant une vingtaine d‘années. Mais  les mines de charbon allemandes ne sont plus compétitives depuis longtemps. En 2007, le gouvernement fédéral a donc décidé de mettre progressivement fin aux subventions qui les maintenaient artificiellement en vie. Les derniers mineurs remonteront du fond pour la dernière fois le 21 décembre 2018. A leur apogée, les mines allemandes en employaient plus d’un demi-million. Résolument engagée dans son Energiewende, sa transition énergétique, l’Allemagne tourne ainsi une page de l’histoire du bassin de la Ruhr, bastion de son industrie.

Cette fermeture ne sonne toutefois pas la fin de la production d’énergie dans la région. L’Etat de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans lequel se trouve la Ruhr, produit le tiers de l’énergie consommée dans le pays. En partie par des mines à ciel ouvert de lignite, ce combustible fossile solide utilisé principalement dans des centrales électriques thermiques. Mais aussi et de plus en plus grâce aux énergies renouvelables. Les parcs éoliens dans ce paysage de plaine y pullulent, les installations photovoltaïques fleurissent sur les toits mais aussi dans les champs et de très nombreux agriculteurs  produisent du biogaz qu’ils transforment en électricité injectée dans le réseau. Comme on le sait, le souci avec ces énergies c’est la variabilité de leur production qui ne correspond pas toujours à la demande. Leur proportion dans le mix-énergétique allemand étant de plus en plus importante, il faudrait, pour assurer l’équilibre du réseau, augmenter les capacités de stockage d’électricité. Pour ce faire, la technologie la plus utilisée dans le monde et la plus éprouvée est celle des STEP, les stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage. Mais elles nécessitent une grande différence de niveau entre 2 réservoirs d’eau et sont donc habituellement situées dans les régions montagneuses. A priori la plaine de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ne s’y prête donc pas du tout.

Reconversion de la mine

Andre Niemann est professeur à la faculté d’ingénierie hydraulique de l’université de Duisburg-Essen (au cœur de la Ruhr). Issu d’une famille de mineurs la reconversion des mines lui tient à cœur. Il s’est dit qu’à défaut de montagne, les 1200 mètres de profondeur de la mine Prosper-Haniel permettraient d’y installer une STEP. Avec son équipe universitaire Niemann a étudié ce projet et modélisé l’installation. Un million de mètres cube d’eau pourraient être pompés et turbinés au travers des 26 km de galeries et de puits de la mine. Selon ses calculs, cette STEP pourrait avoir une puissance de 250 MW pendant 4 heures et stocker une quantité d’énergie de 1 GWh.

Schéma du projet de STEP dans la mine Prosper-Haniel

Des travaux d’excavation devront être entrepris dans le fond pour y aménager le bassin inférieur et installer les turbines. En surface, il faudra construire le réservoir supérieur. Au sein de la mine, les galeries dans lesquelles l’eau circulera devront être consolidées.  L’avantage est que le site est toujours en activité : les puits ne sont pas encore inondés comme dans beaucoup d’anciennes mines abandonnées. Il est donc possible d’évaluer l’état des infrastructures. Et les travaux d’aménagement seront en grandes partie facilités . Après l’arrêt de l’exploitation, fin de cette année, le démantèlement des installations existantes devrait encore durer trois ans. Ce temps pourra être mis à profit pour finaliser les études, élaborer le projet, trouver les financements, sélectionner les entrepreneurs et passer les commandes. Niemann estime que le chantier pourrait durer 6 ans et il nécessiterait un investissement de 500 millions d’euros.

Ce plan de reconversion d’une mine n’est pas le premier en Allemagne :  à Bochum, l’eau chaude qui circule dans une ancienne mine chauffe deux écoles et une caserne de pompiers. Mais l’installation d’une STEP dans une mine serait une première mondiale. Le projet bénéficie du soutien des autorités régionales et fédérales et suscite l’intérêt au-delà des frontières. Avec la montée en puissance des énergies renouvelables les besoins de stockage d’électricité sont en effet de plus en plus à l’ordre du jour. Aujourd’hui le financement du projet n’est pourtant pas encore assuré. Niemann espère que des investisseurs se décideront dans le courant de cette année. « Ce serait un formidable symbole si les anciennes régions charbonnières pouvaient participer à la transition énergétique » nous confie-t-il. « Je rêve d’un paysage post-minier tourné vers le développement durable qui redonnerait vie à la nature et aux habitants … ».

Une galerie s’enfonce dans le cœur de la mine de charbon Prosper-Haniel