Ce n’est plus de la science-fiction : l’armée américaine a testé avec succès dans l’espace un module photovoltaïque destiné à convertir l’électricité produite en ondes radios et à transmettre cette énergie vers la terre. Le Pentagone projette maintenant de lancer d’ici 2024 un satellite qui pourrait alimenter en énergie ses installations stratégiques ou ses troupes en opération.

Nous savions déjà que plusieurs pays comme la Chine, le Japon, la Russie et l’Inde envisagent de construire une centrale photovoltaïque dans l’espace. L’idée est évidemment séduisante : là-haut, le rayonnement solaire n’est pas réfléchi ou absorbé par l’atmosphère et les nuages : il est environ deux fois plus intense que celui qui, en moyenne, arrive à la surface terrestre. En outre si la centrale est positionnée sur une orbite suffisamment haute elle ne passera jamais dans l’ombre de la planète. Dès lors, l’énergie captée ne sera pas intermittente. A superficie égale, une telle installation spatiale pourrait, au final, capter huit fois plus d’énergie qu’une ferme photovoltaïque sur terre.

Mais les défis techniques sont immenses. Si la Chine annonce une première réalisation pour 2035, il n’est pas du tout certain que le gain d’énergie envisagé, même sur une longue période, puisse être plus important que la dépense énergétique qu’il faudra consentir pour déployer cette centrale extra-terrestre. Sans compter les coûts exorbitants que l’on imagine.

Fournir aux troupes en opération une alimentation sécurisée en énergie

Pourtant, ces freins ne semblent pas rebuter l’armée américaine dont les objectifs, d’ordre stratégique, sont tout autres, et qui dispose, comme on s’en doute de fonds importants. Lorsque ses troupes sont en opération aux quatre coins du monde, leur alimentation sécurisée en énergie pose souvent d’épineux problèmes logistiques. Sur le terrain des opérations, les convois ou les avions qui acheminent combustibles et groupes électrogènes, représentent des cibles privilégiées. « La vulnérabilité de nos approvisionnements en énergie constitue un risque potentiel pour notre nation et notre ministère de la Défense » déclare le colonel Eric Felt qui dirige le département des véhicules spatiaux du Laboratoire de Recherche de l’US Air Force (AFRL). « Pour assurer le succès de nos missions, nous devons disposer de l’énergie dont nous avons besoin au bon endroit et au bon moment » ajoute-t-il.

Depuis tout un temps, le Pentagone envisageait donc sérieusement d’alimenter certaines bases stratégiques en énergie depuis l’espace. Et en 2019 un projet de démonstration et de recherche a été lancé : le Space Solar Power Incremental Demonstrations and Research Project (SSPIDR).

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Transmettre l’énergie solaire vers la Terre

Le déploiement de panneaux photovoltaïques en orbite n’est plus un challenge puisqu’ils fournissent déjà couramment l’électricité utilisée par des satellites de tous types. Le véritable défi consiste à transmettre cette énergie vers le « plancher des vaches ».

L’annonce n’a pas fait grand bruit et pourtant ce qu’ont réussi il y a quelques mois les scientifiques de l’armée américaine constitue un véritable exploit technologique. Un petit panneau de 30 x 30 cm (la « taille d’un carton à pizza » expliquent-ils), baptisé Photovoltaic Radiofrequency Antenna Module (PRAM), a été lancé en orbite à bord du drone d’essai X-37B de l’US Space Force. Le module a converti la lumière solaire en micro-ondes lesquelles peuvent être dirigées vers la Terre et captées par des antennes pour les reconvertir en électricité. Ce prototype n’a produit que 10 watts d’énergie, soit à peine de quoi recharger un smartphone, mais voilà donc qu’un jalon important a été franchi vers l’objectif fixé par le Pentagone.

Le drone d'essai X-37B
Le Photovoltaic Radiofrequency Antenna Module (PRAM), a été lancé en orbite à bord du drone d’essai X-37B de l’US Space Force

Arachne sera lancé en 2024

L’étape suivante consistera à envoyer en orbite un satellite qui déploiera une grande surface de PRAM et dirigera l’énergie vers une antenne située probablement dans une base de l’US Army. Le nom de ce prototype est déjà connu : Arachne et son lancement est annoncé pour 2024. Les militaires ont mis les moyens sur la table pour atteindre leur objectif : le groupe aérospacial Northrop Grumman s’est vu attribuer par l’AFRL un contrat d’une valeur de 100 millions de dollars pour développer et fournir des composants d’Arachne. L’entreprise est notamment chargée de développer les modules capables de convertir les rayons solaire en radiofréquences. Outre le laboratoire de recherche de l’US Air Force, celui de l’US Navy participe également au projet.

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