Face aux vagues de chaleur et canicules toujours plus nombreuses, installer un climatiseur apparaît parfois comme la solution miracle. Pourtant, il est possible de s’en passer grâce à des solutions techniques passives qui permettent de conserver une température confortable dans sa maison, même en plein été.

Contrairement à certains pays comme les États-Unis ou la Corée du Sud, la climatisation n’a jamais fait l’unanimité en France… Jusqu’à aujourd’hui. Face à des étés de plus en plus chauds, les compresseurs fleurissent désormais sur les façades des maisons et immeubles. Alors que 14 % des foyers étaient équipés d’un groupe de climatisation en 2016, ce chiffre est passé à 25 % en 2020. Une hausse spectaculaire qui peut s’avérer problématique à long terme pour la stabilité du réseau électrique.

À lire aussi Vague de chaleur en France : comment survivre sans climatiseur ?

En effet, les climatiseurs participent, eux aussi, au réchauffement climatique à travers plusieurs aspects. D’abord, ils sont énergivores : ils représentent 10 % de la consommation électrique mondiale. De plus, la plupart des fluides frigorigènes qu’ils contiennent exercent un puissant effet de serre s’ils sont libérés dans l’atmosphère (le gaz R410A, par exemple, est 2 087 fois plus isolant que le CO₂). Enfin, chaque climatiseur a un effet immédiat sur le réchauffement de l’air ambiant. Car un climatiseur récupère les calories (la chaleur) présentes à l’intérieur d’un bâtiment pour les rejeter à l’extérieur.  À l’échelle d’un seul logement, ce réchauffement est négligeable. Mais au niveau d’une ville entière, il peut avoir un réel impact en créant des « îlots de chaleur urbains ».

Dans le monde, on estime le nombre de climatiseurs à environ 1,6 milliard. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, ce chiffre pourrait atteindre les 5,6 milliards en 2050. Pourtant, de nombreuses solutions existent pour obtenir des températures intérieures supportables sans utiliser de climatisation, en particulier pour les logements individuels. Dans cet article, nous allons voir ensemble les principes fondamentaux nécessaires à la réalisation d’une maison confortable en été qui ne nécessite pas de climatisation.

À lire aussi Fortes chaleurs : pourquoi préférer le ventilateur à la climatisation ?

1 – Bien orienter les pièces à vivre

Pour être confortable été comme hiver, une maison doit être parfaitement intégrée à son environnement. Sa bonne orientation est primordiale et doit être adaptée aux habitudes de vie de ses futurs occupants. De manière générale, une maison est divisée en deux zones aux usages différents : la partie « jour » et la partie « nuit ».

La partie jour se compose de la cuisine, de la salle à manger et du salon. C’est dans ces pièces que la température doit être la plus élevée, et que les besoins de luminosité sont les plus importants. Elle dispose donc d’une orientation sud/ouest pour bénéficier d’apports solaires maximums tant pour la luminosité que pour la chaleur en hiver.

La partie nuit se compose principalement des chambres et des salles de bain. Ces pièces sont plutôt orientées au nord et à l’est, car elles bénéficient ainsi d’une plus grande fraîcheur en été, et sont moins chauffées en hiver.

Outre ces principes généraux, la conception d’une maison agréable été comme hiver devra considérer les conditions climatiques locales, ainsi que les spécificités du terrain. Dans le sud de la France, par exemple, le climat est plutôt doux en hiver et chaud en été. La protection solaire estivale primera donc sur les apports solaires thermiques en hiver. Dans le nord de la France, on cherchera un équilibre entre apports solaires l’hiver et protection l’été.

À lire aussi Cet immeuble moderne n’a ni chauffage, ni climatisation, ni ventilation mécanique

2 – Végétaliser ou blanchir le toit et les façades

Certains principes de conception peuvent parfois être mis en place pour améliorer le confort estival d’une habitation. En voici quelques-uns.

Les toitures végétalisées, pour améliorer l’inertie d’un bâtiment. La toiture végétale comporte de nombreux avantages. Elle participe à améliorer l’isolation d’une maison (principalement en été), et en augmente l’inertie, ce qui permet de limiter les variations thermiques et accroît la sensation de confort. Si elle peut être adaptée à un toit traditionnel à double pentes, c’est sur les toitures terrasses (toitures à très faible pente) qu’elle a le plus d’intérêt.

Ce type de toit est habituellement recouvert d’une membrane d’étanchéité de couleur sombre qui chauffe énormément (jusqu’à 65° C) et s’abîme au soleil à cause du rayonnement UV, en particulier lorsqu’elle est noire. Recouvrir cette membrane d’un substrat végétal permet de la protéger de ces rayonnements, et donc d’en prolonger la durée de vie tout en évitant la surchauffe de la toiture. Enfin, les toitures végétales ont de nombreux effets positifs sur la biodiversité, en particulier en ville ou elles participent à la reconstitution d’un maillage écologique.

Les murs végétalisés. Certaines entreprises proposent de végétaliser les murs sur un principe similaire. Cette solution nécessite néanmoins une installation plus complexe pour assurer la tenue des plantes, mais aussi leur irrigation. De manière plus conventionnelle, faire pousser par exemple une vigne vierge peut contribuer à limiter le réchauffement de la façade en été.

Les façades claires pour renvoyer la lumière. Et oui, tout comme on conseille de porter un t-shirt blanc pour ne pas avoir trop chaud au soleil, choisir des couleurs claires pour les façades de sa maison participe à en éviter la surchauffe estivale. Cette différence entre couleurs foncées et couleurs claires s’explique par le fait que les couleurs claires ont tendance à réfléchir les rayonnements du soleil, tandis que les couleurs foncées tendent à les absorber, provoquant ainsi ainsi leur réchauffement.

C’est pour cette raison qu’en Grèce, par exemple, les maisons traditionnelles sont peintes en blanc. Dans la même optique, l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, avait lancé en 2010 l’initiative Cool Roofs qui consistait à repeindre en blanc les toits des immeubles de Big Apple pour limiter la consommation des groupes de climatisation. En France, la couleur et l’aspect d’une façade ou d’une toiture sont encadrés par le Plan Local d’Urbanisme. Avant de repeindre votre maison, veillez donc à déposer une déclaration préalable de travaux (ou un permis de construire dans le cas d’une construction neuve).

À lire aussi Toiture végétalisée ou panneaux solaires : quelle est la meilleure solution ?

3 – Aménager un patio

Le patio, havre de fraîcheur en été. Les premiers patios sont apparus pendant l’Antiquité autour de la Méditerranée, là où le climat est chaud et sec. Et pour cause, cette cour intérieure protégée par des bâtiments qui l’encerclent conserve la fraîcheur grâce à un effet de cuvette, ce qui en fait un lieu de vie agréable, même en plein été. Protégé du vent, le patio peut prendre la forme d’une terrasse en bois, en pierre, ou d’un jardin. Pour renforcer la sensation de fraîcheur en été, il est possible d’y installer une petite fontaine ou un point d’eau qui contribuera à humidifier l’air. On privilégiera néanmoins la récupération d’eau de pluie pour l’alimenter. Le patio permet en outre de créer facilement des courants d’air, le soir venu, et ainsi de rafraîchir la maison. Il apporte aussi une luminosité bienvenue.

À lire aussi Sa facture d’électricité et de chauffage est dérisoire grâce à sa maison bioclimatique

4 – Bien isoler

Pour éviter qu’une maison ne surchauffe, il est indispensable d’avoir une excellente isolation thermique. Celle-ci ne se résume pas qu’à sa résistance thermique : il faut également considérer son déphasage.

• Les isolants à fort déphasage. La notion de déphasage fait référence à l’inertie d’un matériau, caractérise le temps dont a besoin la chaleur pour traverser le matériau en question. Il se mesure en heures. En général, on estime qu’un bon déphasage doit se situer aux alentours de 10 à 12 heures. En effet, un déphasage de 10 heures signifie que la chaleur emmagasinée à midi par un matériau sera restituée à 22 heures, lorsque la température extérieure est redevenue supportable. À l’inverse, si le déphasage n’est que de 4 heures, la chaleur emmagasinée par l’isolant à midi sera restituée à 16 heures et provoquera une surchauffe de la maison. L’isolant doit être correctement dimensionné et posé pour protéger efficacement l’habitation. Pensez aux vieilles maisons en moellons : elles restent fraîches car leurs murs sont très épais.

Le double ou triple vitrage. Les menuiseries sont également un point sensible pour le confort thermique estival. Les fenêtres à simple vitrage laissent énormément entrer la chaleur dans la maison en été. Le double vitrage, lui, est isolant, en particulier grâce au gaz inerte qui se trouve entre les deux vitres.
Il existe même du triple vitrage. Ce dernier a cependant plusieurs défauts qui le rendent peu avantageux :
– Il laisse moins entrer la chaleur en hiver.
– Il est très lourd, ce qui peut être problématique pour la structure, en particulier en rénovation.
– Il est très cher.

• Le film solaire. Pour limiter les apports solaires, il est également possible d’apposer un film solaire sur le vitrage des menuiseries. Cette pellicule permet notamment de bloquer les UV, mais aura tendance à limiter les apports solaires en hiver. C’est pourquoi, il est généralement plus intéressant de travailler sur les protections solaires que sur le vitrage en lui-même.

À lire aussi Isolants biosourcés : quel intérêt?

5 – Occulter le soleil

Si les principes liés à l’isolation sont relativement similaires en été et en hiver, la différence principale entre ces deux cas de figure concerne la gestion des apports solaires. En été, on cherche en effet à se protéger des rayons du soleil alors qu’en hiver, on essaie de les maximiser. Si ces deux problématiques peuvent paraître contradictoires, il existe des solutions qui permettent de les combiner. En voici quelques-unes.

Les brises-soleil. C’est l’une des solutions les plus efficaces. Il s’agit de casquettes positionnées au-dessus des menuiseries. Construites en bois, en métal ou en béton, elles ont pour fonction de laisser passer la lumière du soleil en hiver, mais de la bloquer en été. Pour cela, cet élément est dimensionné de manière à profiter de la différence d’inclinaison du soleil au zénith entre l’été et l’hiver. Le brise-soleil laisse ainsi passer les rayons du soleil quand celui-ci est bas dans le ciel, en hiver, et les bloque lorsque celui-ci est au plus haut, en été.

Les persiennes. Reposant sur un principe similaire, les persiennes sont des volets ajourés qui permettent de laisser la fenêtre à l’ombre tout en conservant une certaine forme de transparence. Elles sont équipées de lames dont l’angle pourra être optimisé pour laisser passer la lumière du soleil en hiver, mais pas en été.

Les auvents en tissu ne sont pas l’apanage des cafés et autres bars de stations balnéaires. Ils permettent d’avoir une terrasse ombragée tout en limitant les apports solaires directs dans la maison. Plus esthétiques, mais moins pratiques, les voiles d’ombrage sont également très efficaces.

La pergola bioclimatique. Encore plus polyvalente, la pergola bioclimatique fait de plus en plus d’adeptes. Elle combine les avantages du brise-soleil et du auvent grâce à des lames réglables en fonction de la position du soleil. Mieux encore, une fois refermées, ces lames sont étanches et permettent de profiter de la terrasse, même quand il pleut.

Les arbres. Enfin, quelle manière plus écologique de se protéger du soleil que d’utiliser les plantes ? Les arbustes au feuillage caduc à proximité des ouvertures permettent de laisser passer le soleil en hiver, mais également de protéger la maison en été en diffusant une ombre fraîche. En plus d’apporter un réel confort thermique, les arbres et arbustes ont l’avantage d’égayer un jardin.

À lire aussi Faut-il vraiment peindre les toits en blanc pour lutter contre la canicule ?

6 – Bien penser la ventilation

En été comme en hiver, la ventilation est un élément indispensable à toute habitation. Mais elle peut contribuer à des déperditions thermiques en hiver, et à un réchauffement de la maison en été.

La VMC double-flux est une solution idéale pour éviter cela. Une VMC (ventilation mécanique contrôlée) est un équipement qui sert à extraire l’air vicié d’une habitation à partir de bouches d’aération situées dans les pièces humides comme la cuisine ou la salle de bain. L’entrée de l’air neuf se fait par des ouvertures situées au-dessus des menuiseries dans les pièces de vie ou les chambres.

Cette VMC a un fonctionnement un peu différent qui permet de minimiser les échanges de chaleur entre l’intérieur et l’extérieur. Elle est équipée d’un échangeur qui permet le transfert de calories (de chaleur) entre l’air extrait et l’air neuf. Ce dernier est ensuite insufflé dans la maison à travers des bouches situées dans les pièces de vie et les chambres. Ainsi, en hiver, la chaleur de l’air vicié est utilisée pour préchauffer l’air neuf avant d’être extrait. À l’inverse, en été, l’air neuf se refroidit au contact de l’air vicié, plus frais, avant d’être insufflé dans la maison.

Le puits climatique. Parfois appelé puits canadien ou puits provençal, le puits climatique est une solution technique qui permet de profiter de la stabilité thermique du sol : le sous-sol français est en effet à une température relativement constante de 12 °C été comme hiver. Le puits thermique consiste à faire circuler l’air neuf dans une canalisation de plusieurs dizaines de mètres de long à environ 2 mètres sous terre avant son entrée dans la maison. De cette manière, en été, l’air d’une température de 30 °C sera progressivement rafraîchi au contact du sol avant d’entrer dans la maison à une température plus agréable. En hiver, c’est l’inverse. L’air est préchauffé au contact du sol avant de rentrer dans la maison.

Ce système est compatible avec une VMC double-flux et nécessite tout de même la mise en place d’un by-pass. Celui-ci permet à l’air de ne pas passer dans le tuyau en cas de température intermédiaire (quand il fait 18 °C dehors, inutile de rafraîchir l’air au contact du sol). Enfin, il faudra prévoir un système de siphon qui permettra d’évacuer les condensats qui pourraient se former dans le tuyau, en particulier en été.

À lire aussi Le puits provençal : une alternative au climatiseur pour combattre la canicule

Peut-on se passer de climatisation en rénovation ?

Oui, les vieilles habitations sont d’ailleurs parfois plus confortables en été que des maisons relativement récentes. En effet, les matériaux comme la pierre, la bauge ou le torchis bénéficient d’une inertie importante qui permet d’améliorer le confort thermique en été. Dans le cadre d’une rénovation d’envergure, le confort thermique peut être amélioré grâce à l’amélioration de l’isolation, au remplacement des menuiseries et à la mise en place de protections solaires.

Même lors de travaux ponctuels de rénovation, il est possible d’améliorer le confort du logement en mettant en place des éléments comme des persiennes, auvents et autres voiles d’ombrage. Ces éléments permettront de limiter les effets du soleil sur la maison. Enfin, adapter son jardin en plantant par exemple des arbres et arbustes caducs devant la façade sud de la maison peut permettre d’améliorer le confort intérieur du logement.

À lire aussi Ce centre commercial économise 390 000 € d’électricité grâce à sa centrale solaire

Les bonnes habitudes pour survivre aux canicules chez soi

Concevoir une maison neuve, ou entamer une rénovation est bien souvent le meilleur moyen de se passer de climatisation en été, mais cela représente un coût financier important. Même sans réaliser de travaux, il existe des solutions et bonnes pratiques qui permettent d’éviter qu’il fasse trop chaud chez soi. En voici quelques-unes :

Fermer les volets en journée. Un conseil qui paraît peut-être évident, mais qui est véritablement le moyen le plus efficace de limiter les trop fortes chaleurs à l’intérieur aux heures les plus chaudes de la journée.

Fermer les portes pendant la journée. Cela permet d’éviter les courants d’air chaud à l’intérieur. Une fois le soir venu, ouvrez en grand les portes et fenêtres pour créer des courants d’air frais et profiter de la fraîcheur du couchant.

En cas de très fortes chaleurs, il existe des solutions encore plus radicales, à savoir :
Étendre un linge humide devant une fenêtre entrouverte. En séchant, le drap va absorber de la chaleur et rendre la pièce plus agréable.

Utiliser un ventilateur. Un réseau de ventilateurs est nettement moins consommateur qu’un climatiseur. Il est possible de bricoler un système de rafraichissement artisanal en suspendant des poches de glace devant le ventilateur. C’est peu élégant, mais efficace pendant quelques dizaines de minutes.