En France, le nucléaire représente environ 63 % de la production électrique annuelle (2022). Face à l’urgence climatique et compte tenu de la récente crise de l’énergie, l’avenir du mix électrique français interroge. Les pouvoirs publics ont fait le choix de redynamiser la filière du nucléaire tout en y associant le développement des énergies renouvelables. Ensemble, elles permettent de produire une énergie stable et bas-carbone. L’énergie nucléaire a d’indéniables avantages et a souffert d’importantes campagnes de désinformation à des fins politiques. Comme tout sujet de société, elle a ses défenseurs comme ses détracteurs, mais objectivement, quels sont ses défauts ?

1 – La dépendance à l’uranium

Une centrale à fission nucléaire conventionnelle a besoin d’uranium pour fonctionner. La fission d’atomes d’uranium provoque de la chaleur qui change l’eau en vapeur. Cette vapeur va permettre à une turbine reliée à un alternateur de fonctionner. Et c’est ainsi que l’électricité est produite.

Le recours à l’uranium représente des inconvénients. D’abord, l’uranium est extrait à l’étranger, ce qui peut poser problème, notamment en cas de conflit géopolitique. C’est le cas actuellement avec la crise au Niger qui sème le doute sur la possibilité de s’approvisionner en uranium à l’avenir dans le pays. Heureusement, la France diversifie ses sources d’approvisionnement. Au-delà du Niger, elle peut compter également sur le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Namibie, ou encore l’Australie.

En outre, les risques d’une défaillance au niveau de l’importation sont à nuancer puisque l’uranium est relativement facile à stocker. Il est donc possible de sécuriser l’approvisionnement en constituant des réserves pour plusieurs années (entre 5 et 10 ans en France actuellement).

À lire aussi Comment la Turquie s’est rendue dépendante du nucléaire russe

Par ailleurs, un autre point à évoquer réside dans la question de l’épuisabilité de la ressource. En effet, même si l’uranium se trouve dans le monde entier, au sein des milieux rocheux, cela ne signifie pas pour autant que la ressource est inépuisable. D’ailleurs, ce n’est pas n’importe quel type d’uranium qui est nécessaire pour faire fonctionner une centrale nucléaire. Il faut généralement de l’uranium 235 qui ne représente même pas 1 % de la ressource mondiale, selon l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’épuisabilité de la ressource pourrait toutefois être contournée à l’avenir avec la possible utilisation du thorium et de l’uranium extrait de l’eau de mer.

Enfin, le recours à l’uranium pose la question de la pollution liée à son extraction : poussières radioactives, toxines présentes dans l’eau, radon. La sécurité des travailleurs et la préservation de l’environnement peuvent naturellement inquiéter.

Mais une réglementation stricte encadre cette extraction, ce qui permet de limiter le risque sur l’environnement et les personnes. Selon un rapport publié en 2014 par l’agence pour l’énergie nucléaire, il ne faut pas confondre les conditions d’extraction qui avaient lieu autrefois avec celles qui ont cours de nos jours : « aujourd’hui, l’extraction d’uranium est réalisée dans des circonstances notablement différentes et s’avère la forme d’extraction minière la plus réglementée, et l’une des plus sûres au monde ».

2 – La difficulté de traitement des déchets radioactifs

Une des plus grandes critiques adressées à l’énergie nucléaire est bien entendu les déchets radioactifs qu’elle génère. Ces déchets sont traités différemment en fonction de leur teneur en radioactivité. Les déchets à faible ou moyenne activité à vie courte sont entreposés au sein des centrales avant d’être incinérés ou recyclés. Seuls les déchets à forte radioactivité posent réellement problème. Sur son site internet, EDF explique que ces déchets sont « conditionnés dans des conteneurs en acier inoxydable et entreposés dans l’usine Orano de La Hague. Compte tenu de leur durée de vie, la loi prévoit leur transfert dans le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) ».

Ils seront donc enfouis à 500 mètres de profondeur. Cela représente un inconvénient majeur de l’énergie nucléaire puisque ces déchets resteront sous terre pour l’éternité. Se pose alors la question de la transmission des connaissances sur ces déchets radioactifs aux générations futures. Comment être certains que l’information sur la présence de déchets sera correctement transmise dans un siècle, un millénaire, voire davantage ? La solution pourrait venir des réacteurs de quatrième génération qui fonctionneraient en cycle quasi fermé en réutilisant les déchets en interne après traitement.

À lire aussi Pourquoi le stockage profond des déchets nucléaires est la moins pire des solutions ?

3 – Les rejets d’eau chaude dans l’environnement

On entend souvent parler des conséquences de l’activité des centrales nucléaires sur le milieu aquatique. L’utilisation de l’eau est critiquée notamment en cas de canicule et certains y voient une fragilité du nucléaire, qui ne pourrait pas fonctionner en cas de forte chaleur.

Pour comprendre le rôle de l’eau dans les centrales nucléaires, il faut se rappeler que ces dernières fonctionnent grâce à plusieurs circuits. Dans les réacteurs à eau pressurisée, la technologie exploitée en France, le circuit primaire sert à réchauffer l’eau pour la transmettre ensuite au circuit secondaire qui va produire la vapeur. C’est de cette façon que la turbine va se mettre en mouvement, puis entraîner l’alternateur qui produit de l’électricité. L’eau est ensuite dirigée vers le circuit tertiaire qui assure son refroidissement.

Ce refroidissement peut se faire de deux manières différentes. En circuit ouvert pour les centrales situées à proximité d’un point d’eau à débit suffisant comme la mer. Une fois l’eau pompée dans la mer, elle y est restituée en fin de parcours. En circuit fermé, l’eau du circuit tertiaire est refroidie dans une tour aéroréfrigérante avant d’être rejetée en partie dans l’atmosphère et pour le reste dans le cours d’eau. Les quantités d’eau pompées dans le cours d’eau sont plus faibles, ce qui permet d’installer une centrale à proximité d’un cours d’eau comme une rivière.

À lire aussi Les centrales nucléaires consomment elles vraiment de grandes quantités d’eau ?

Selon les informations données par la société française de l’énergie nucléaire (SFEN), le parc nucléaire français utilise 26 milliards de m3/an. Cela représente la moitié des prélèvements pour toutes les activités confondues en France. Mais l’institution ajoute que 98 % de l’eau prélevée par les centrales est ensuite restituée à l’environnement.

Lors d’une canicule, le risque n’est pas de manquer d’eau, puisque la mer ou les fleuves ne sont jamais à sec. L’inconvénient réside plutôt dans les conséquences des rejets d’eau chaude par les centrales sur le biotope aquatique. L’eau rejetée est bien plus chaude pour les centrales fonctionnant en circuit ouvert, lesquelles sont situées près de la mer. Il y a forcément un impact sur la faune et la flore situées à proximité.

Pour limiter ces effets néfastes pour l’environnement, une réglementation stricte s’applique aux centrales nucléaires, mais également thermiques (gaz, fioul, charbon) en matière de température de l’eau rejetée dans l’environnement. Des seuils de température sont donc prévus pour chaque centrale. Généralement, en été, l’eau rejetée ne doit pas dépasser les 28 °C. Toutefois, en cas d’épisode caniculaire, il est déjà arrivé que des dérogations soient accordées, afin de ne pas pénaliser l’activité des sites nucléaires.

Enfin, on a vu apparaître des centrales dans des territoires désertiques comme le site de Palo Verde aux États-Unis. Est-ce que cela signifie que les centrales peuvent se passer d’eau pour fonctionner ? En réalité, la centrale de Palo Verde s’approvisionne grâce aux eaux usées et traitées de la ville de Phoenix située à proximité de l’installation, qu’elle stocke et refroidit grâce à de gigantesques lacs artificiels.

À lire aussi Les 3 centrales nucléaires les plus puissantes du monde

4 – Le risque d’accident nucléaire

Évidemment, quand on parle des inconvénients de l’énergie nucléaire, on pense aux risques d’accident. La catastrophe de Tchernobyl en avril 1986 et celle de Fukushima en 2011 ont fortement marqué les esprits. En France, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) fait le point sur son site à propos des risques effectifs du nucléaire sur le territoire. Il rappelle d’abord que toutes les précautions sont prises pour éviter un accident et qu’aucune catastrophe ayant conduit à « des conséquences radiologiques sur les populations environnantes » n’a eu lieu dans notre pays.

Notre reportage vidéo sur la FARN, les super-pompiers du nucléaire français

📹 Voir sur YouTube

L’IRSN énumère les risques possibles : rupture du circuit d’eau du réacteur avec fuite dans l’atmosphère ou dans les rivières d’une eau « légèrement chargée en éléments radioactifs », dans les cas les plus graves, fonte du combustible avec des produits très radioactifs répandus dans l’environnemen, panne électrique qui pourrait entraîner la paralysie du réacteur (mais présence de circuits électriques multiples et indépendants pour éviter ce risque).

Quant aux risques de séismes ou d’attentats, l’IRSN rappelle qu’ils sont peu probables et pris en compte lors de la conception des sites nucléaires. Toutes les mesures sont prises pour se prémunir contre un éventuel accident dès la phase de construction des centrales nucléaires. Et pour l’avenir, les recherches autour des nouvelles générations de réacteur (la quatrième génération) prennent en compte ce point et promettent davantage de sécurité.

À lire aussi Pourquoi cette centrale nucléaire fantôme n’est-elle jamais entrée en service ?

 5 – La durée et le coût de construction des réacteurs

Un autre point faible du nucléaire réside dans son coût financier et la durée nécessaire à la construction de certains réacteurs. Dans une publication de la Cour des comptes sur « l’analyse des coûts du système de production électrique en France », l’institution fait état de la difficulté à trouver une méthode permettant de chiffrer correctement le coût du nucléaire. Au-delà du coût de la construction proprement dite, il faut chiffrer également les frais liés à la maintenance et au démantèlement du site en fin de vie.

D’ailleurs, le montant des investissements peut être revu à la hausse au cours du chantier. Cela a été le cas pour la construction des EPR de Flamanville, véritable fiasco du nucléaire en France : chantier retardé, explosion du budget par rapport à l’enveloppe initiale. Les détracteurs du nucléaire ne manquent pas de mettre en avant cet épisode pour critiquer la volonté des pouvoirs publics d’investir dans à nouveau dans le nucléaire. Toutefois, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA), la durée médiane de construction d’un réacteur nucléaire récent dans le monde s’élève à 5 ans et 11 mois (du premier béton à la connexion au réseau).

Le président de la République a annoncé lors de son discours de Belfort en 2022 son choix de redynamiser le nucléaire avec la construction de 3 paires d’EPR2. Ce chantier est estimé à 51,7 milliards d’euros. Concernant la durée des chantiers des nouveaux sites nucléaires, elle peut également être très longue. Il faut compter entre 5 et 14 ans pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, selon la technologie choisie et divers facteurs (maturité de la filière, aléas humains, politiques, économiques et techniques).

À lire aussi Abandonner immédiatement l’énergie nucléaire : inconscience ou clairvoyance ?

6 – La lourde maintenance

Les centrales nucléaires nécessitent une maintenance lourde et régulière, indispensable pour garantir son fonctionnement et la sécurité du site. Les maintenances peuvent toutefois être programmées à l’avance, et elles le sont généralement en période estivale, lorsque les besoins en électricité sont moins importants sur le territoire.

Néanmoins, malgré cet entretien régulier, il arrive que les centrales rencontrent des difficultés qui nécessitent d’arrêter les réacteurs concernés de façon inopinée. Cela a été le cas récemment avec le phénomène de corrosion sous contrainte rencontré sur plusieurs sites nucléaires français, obligeant l’arrêt d’une partie de la production alors même que le calendrier des opérations de maintenance était particulièrement chargé lors de la période post-Covid.

Le parc nucléaire s’est alors trouvé en difficulté. Le niveau de sa production s’est retrouvé au plus bas en 2022, nécessitant un recours à l’importation plus fréquent que d’habitude. Dans son bilan électrique 2022, RTE a parlé de « crise française de production nucléaire » avec une production au plus bas depuis 1988.

En outre, le parc nucléaire français étant vieillissant, il est probable que des opérations d’entretien ou de réparation imprévues doivent être réalisées plus régulièrement à l’avenir. D’ailleurs, EDF a mis en place depuis 2014 un programme appelé Grand Carénage. Son but est d’améliorer la sûreté des installations tout en permettant de poursuivre l’utilisation des centrales au-delà de 40 ans. Le coût de ce programme est de 49,4 milliards d’euros et il doit se dérouler jusqu’en 2025.

À lire aussi Le parc nucléaire sera-t-il au rendez-vous cet hiver ?

7 – Le risque de détournement militaire

Pour terminer, le nucléaire fait également penser aux utilisations militaires qui peuvent en être faites avec les dangers qui l’entourent. Sur ce point, il faut savoir qu’en effet, le nucléaire peut représenter un risque en fonction de l’utilisation qui en est faite. Toutefois, la production de nucléaire militaire nécessite d’avoir recours à des réacteurs spécifiques. En clair, il serait difficile de produire du nucléaire à des fins militaires dans nos réacteurs commerciaux.

Pas impossible mais difficile. En effet, plus le combustible reste longtemps dans le réacteur, plus le plutonium est dégradé, ce qui rend compliqué l’alimentation des armes à plutonium. Et pour les armes à uranium hautement enrichi, il est envisageable de détourner les installations civiles d’enrichissement, mais cela serait compliqué à réaliser.

Enfin, le détournement des installations civiles implique des opérations difficiles à rendre discrètes, ce qui permet en principe un contrôle par des institutions internationales comme l’AIEA ou la mise en place de sanctions. L’Etat qui serait à l’initiative d’un tel détournement d’installations nucléaires civiles serait mis sous pression par la communauté internationale. En bref, il serait plus simple de se lancer directement dans un programme militaire.

À lire aussi Comment la Turquie s’est rendue dépendante du nucléaire russe