L’Union européenne planchait depuis plusieurs mois sur une nouvelle classification dite « taxonomie verte », permettant d’encourager les investissements privés vers certaines activités économiques supposément durables. Un vif débat oppose les eurodéputés sur ce texte : le gaz et le nucléaire doivent-ils être considérés comme des secteurs durables ? Les opposants à cette inclusion viennent de perdre une bataille.

Le 6 juillet 2022, la résolution visant à exclure le gaz et le nucléaire de la taxonomie verte a été rejetée par 328 voix (contre 278 voix). Ces deux filières intégreront donc la classification européenne et leurs investissements bénéficieront de soutiens. Pourquoi une telle décision, alors que le gaz et dans une moindre mesure le nucléaire ne sont en rien comparables aux énergies renouvelables en matière d’enjeux climatiques et environnementaux ?

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Gaz et nucléaire, des énergies de transition selon l’UE

Selon Mairead McGuinness, la commissaire chargée des services financiers, de la stabilité financière et de l’union des marchés des capitaux, ce texte est « une proposition pragmatique pour s’assurer que les investissements privés dans le gaz et le nucléaire, nécessaires à notre transition énergétique, répondent à des critères stricts. L’investissement dans les énergies renouvelables est déjà une priorité dans notre taxonomie — c’est notre avenir ».

Ainsi, il faut comprendre que le développement des énergies renouvelables n’est pas remis en question par ce texte. Déjà parce qu’il bénéficie du soutien de l’Union européenne. Et ensuite parce que les énergies renouvelables ne suffiront pas à elles seules à répondre au défi de la transition énergétique. C’est la raison pour laquelle l’UE s’appuie également sur le nucléaire, source de production électrique bas-carbone et, de façon plus surprenante, sur le gaz dont l’approvisionnement est menacé depuis l’invasion russe en Ukraine.

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Un cadre strict pour les deux filières

Pour autant, selon l’Union européenne, il ne s’agit pas de donner un blanc-seing aux industries du gaz et du nucléaire. Pour bénéficier de l’incitation européenne à l’investissement privé, elles devront répondre à certaines exigences strictes. Pour le nucléaire, il sera ainsi obligatoire de recourir aux dernières technologies. En outre, aucun permis de construire ne pourra être délivré après 2045 pour la construction de nouveaux EPR.

Pour le gaz, les exigences portent sur les émissions de CO2 des centrales. Celles-ci ne devront pas dépasser 100 g eqCO2/kWh (sur l’ensemble du cycle de vie) ou 270 g eqCO2/kWh (directes) si le permis de construire de la centrale est antérieur au 31 décembre 2030. Elles devront également être conçues de façon à pouvoir utiliser des combustibles renouvelables. Un véritable défi, les émissions directes d’une centrale à cycle combiné (CCG) étant actuellement de 352 g eqCO2/kWh et même 486 g eqCO2/kWh pour une turbine à gaz classique, selon RTE.

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Cette règlementation européenne va profiter à l’Allemagne, traditionnellement très dépendante du gaz. Mais également à la France pour le nucléaire puisqu’il représente près de 70 % de notre mix électrique. En réalité, il faut comprendre que l’UE entend favoriser gaz et nucléaire comme sources d’énergie de transition, permettant d’atteindre un objectif : celui de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le texte entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Certaines ONG de défense de l’environnement envisagent déjà un recours auprès de la Cour européenne de justice.