Horizéo, c’est ce projet de grande centrale photovoltaïque (PV) sur la commune de Saucats, dans la forêt des Landes, qui a déjà fait l’objet d’un débat public. Tirant les premières leçons de ce débat, les promoteurs du projet, Engie et Neoen, ont présenté cette semaine un projet modifié.  Mais toutes les oppositions n’ont pas désarmé.

C’est un projet pionnier car il ne répond pas à un appel d’offres : son électricité serait vendue sur le marché. Lors de sa conception, il s’agissait de trouver des industriels désireux d’acheter cette électricité verte en s’engageant sur la durée. Les conditions de marché, avec l’envolée des prix de gros, rendent peut-être ces engagements superflus.

Tirant les premières leçons du débat, les promoteurs du projet, Engie et Neoen, ont présenté cette semaine un projet débarrassé de son volet le plus opportuniste – le data center. Le maire de Saucats n’en voulait pas, or l’accord de la commune est indispensable pour modifier le plan local d’urbanisme. Exit aussi l’électrolyseur de 40 mégawatts (MW), les promoteurs n’ayant pas identifié de clients pour l’hydrogène vert.

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Tous les écologistes ne sont pas opposés au projet

Restent les panneaux solaires, à hauteur de 1 gigawatt (GW), dont une petite partie en agrivoltaïsme, et la batterie de 40 MW. Toutes les oppositions n’ont pas désarmé, y compris celle d’écologistes incontestables comme la Sepanso, la grande organisation régionale de protection de la nature. Mais certainement pas tous les écologistes, contrairement à ce que laisse entendre, hélas, Libération (30/05 et 1/06). Beaucoup se sont prononcés en faveur d’Horizéo, ou en tout cas du principe d’installer du photovoltaïque dans la forêt des Landes : les élus écologistes de la métropole, Observ’ER, Hespul, Negawatt, Greenpeace, d’autres encore …

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La filière photovoltaïque jouera un rôle clé

Face à la menace du changement climatique, la filière photovoltaïque jouera un rôle clé, aux côtés de l’éolien, se substituant aux énergies fossiles dans la production d’électricité, puis dans l’économie toute entière via l’électrification des bâtiments, de l’industrie et des transports. La sobriété, pour utile qu’elle soit, ne ramènera pas les émissions de gaz à effet de serre au niveau zéro.

Dans le scénario « 100% renouvelables » de RTE, il faudra en 2050 plus de 200 gigawatts de PV (contre 14 GW aujourd’hui). Ou 90 GW dans un scénario où l’on réussirait à garder 16 GW de nucléaire « historique » et à mettre en service 23 GW de « nouveau nucléaire », soit 14 EPR. Mais ces perspectives sont bien incertaines, et il serait plus prudent de viser 200 GW de PV. Sans traîner, car on ne mettra pas un kW de nucléaire nouveau en service avant 2035. La nécessité de réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes ne fait qu’accentuer cette urgence. L’Europe entend doubler ses capacités PV d’ici à 2025, les quadrupler d’ici 2030.

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Remplacer la sylviculture par du photovoltaïque peut renforcer la biodiversité

200 gigawatts, c’est environ 1000 km2 de panneaux. En théorie, diverses études le confirment, on pourrait tous les mettre en toiture, mais c’est deux à trois fois plus cher, et ce serait extrêmement lent. Il y a aussi les parkings, les friches industrielles… C’est bien mais toujours pas suffisant, ni assez rapide. Impossible sans les grandes centrales au sol, qui produisent de l’électricité en France autour de 5 centimes d’euro le kilowattheure. Un prix imbattable !

Mais dans la forêt ? Même si cela peut surprendre au premier abord, installer du PV sur des terrains aujourd’hui consacrés à la sylviculture intensive peut contribuer au maintien, voire au renforcement de la biodiversité, en favorisant la création de prairies naturelles, authentiques « prairies photovoltaïques ». Déjà, les premières études sur l’impact des parcs photovoltaïques ne montrent pas un problème général sur la biodiversité.

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Bilan carbone extrêmement positif

Plus encore, une implantation extensive de panneaux, une technologie en trackers (suivi du soleil), des pieux battus (sans béton), un terrain ni modelé ni drainé, peuvent rendre le photovoltaïque parfaitement compatible avec la reconstitution de prairies humides d’herbes hautes. Dans une monoculture de pins qui s’étend sur environ un million d’hectares (après que les marais aillent été asséchés sous Napoléon III), quelques éclaircies sur une surface totale de dix à quinze milliers d’hectares – pour une douzaine de gigawatts – auraient un impact positif sur la biodiversité. La surface forestière française gagne 40 000 hectares par an, tandis que celle des prairie permanentes diminue de 50 000 hectares par an – c’est un écosystème particulièrement menacé.

Le bilan carbone serait extrêmement positif. Les arbres sont régulièrement coupés – il ne s’agit pas de l’Amazonie ni de la forêt de Fontainebleau. C’est durant leur croissance qu’ils captent du CO2, à raison d’environ 7,5 tonnes par hectare et par an. Les prairies naturelles fixent dans le sol entre 2,7 et 15,4 tCO2 par hectare et par an, en moyenne autant que la sylviculture. Des panneaux d’origine asiatique, transportés et installés à Saucats, ont une empreinte carbone d’environ 25 gCO2/kWh et permettent d’éviter 75 gCO2/kWh sur la base du « contenu CO2 » moyen de l’électricité française. Voire beaucoup plus, de 320 à 750 gCO2/kWh sur la base du contenu carbone du kWh « marginal », l’électricité PV remplaçant du gaz ou du charbon dans des centrales thermiques françaises ou européennes, ou des carburants pétroliers grâce aux véhicules électriques. En tout, un bilan positif entre 50 et 700 tonnes de CO2 par hectare.

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Lutte pour le climat et préservation de le biodiversité

La valeur économique de l’électricité produite à l’hectare est très supérieure à celle de la sylviculture – que les arbres soient utilisés pour produire de l’énergie, ou comme matériau, en l’occurrence pâte à papier et cagettes. Dans le cadre de la compensation forestière due au titre du code forestier, cette valeur supérieure pourrait fournir les moyens d’une évolution favorable des exploitations sylvicoles vers une plus grande diversité des espèces, une meilleure résistance aux évènements météorologiques extrêmes, et une diversification des produits forestiers.

En redessinant un peu le projet Horizéo, on n’aurait pas à choisir entre lutter contre les changements climatiques et préserver la biodiversité. C’est ce qu’avaient suggéré durant le débat la société Valorem, réalisatrice de plusieurs parcs solaires « extensifs » dans la région, et diverses associations. Engie et Neoen ne semblent pas avoir choisi cette voie – pour l’instant. Ils entendent « rassurer » le public et les oppositions par des études sur des craintes plus ou moins fondées, sur les risques d’inondation, d’incendie ou pour le micro-climat local. Et comptent sur l’urgence climatique et l’importance croissante de l’indépendance énergétique. L’avenir dira si ce choix est le bon.

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