Depuis l’effondrement du réseau électrique en 2019, de plus en plus de Libanais se passent des services du fournisseur national, en faillite et incapable d’assurer un approvisionnement 24h/24, et se tournent vers les générateurs privés. Or, ceux-ci sont plus coûteux, parce que consommant près de la moitié du revenu mensuel des ménages. S’y ajoute la hausse du prix du gazole utilisé pour ces appareils, par ailleurs extrêmement polluants.

Pour les Libanais, la solution des groupes électrogènes doit être temporaire. En parallèle, ils essaient les panneaux solaires, tout en étant sceptiques sur leur capacité. Selon un rapport de Human Right Watch (HRW), paru le 9 mars 2023, près de 60 % de Libanais vivent, 15 heures par jour en moyenne, sans électricité. Incapable d’importer le fioul nécessaire pour alimenter ses centrales, l’entreprise publique d’électricité (EDL) ne fournit désormais que trois heures d’électricité par jour.

Quand on sait que sa capacité globale ne dépasse pas 1 800 mégawatts (MW) pour une demande de 3 200 MW, on saisit l’ampleur de la détresse. Cela va sans dire que cette situation menace gravement l’activité économique du pays, presque à l’arrêt depuis plusieurs années. Une crise qui a déclassé au moins trois quarts de la population, et porté l’inflation et la dette extérieure à leur paroxysme. Selon des sources libanaises, 40 % de cette dette est liée au domaine de l’énergie.

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La plupart des familles interrogées par HRW ont déclaré qu’elles puisaient dans leurs budgets alloués à la nourriture, l’éducation, les médicaments et à d’autres produits de première nécessité, pour payer l’électricité supplémentaire issue des générateurs qui coûte de plus en plus cher. À cause de l’inflation galopante, le prix de l’électricité a augmenté de 600 % en 2022. Selon un rapport de la Banque mondiale, le carburant utilisé pour ces appareils consomme, en moyenne, 44 % du revenu mensuel moyen des ménages libanais. Pour une douzaine d’heures de courant, il faut débourser 60 dollars par mois.

Une transition incertaine vers le renouvelable

Ne disposant pas de richesses fossiles, le Liban a toujours dépendu du pétrole importé à des milliards de dollars (près de 30 % des importations totales du pays en 2022). Face à l’exacerbation de la crise, le gouvernement a, dès septembre 2021, affiché sa volonté de passer au renouvelable, en se fixant comme objectif d’atteindre un taux de 30 % dans son mix électrique, d’ici 2030.

Selon les statistiques de 2019, la part des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité du Liban n’était que de 8 %, dont moins de 1 % provenait du solaire et 6 % de l’hydraulique. Le pays ambitionne d’installer 4 GW de puissance éolienne et photovoltaïque, via un partenariat public-privé, avec le concours de sociétés étrangères. Cependant, de nombreux obstacles freinent ce projet, dont notamment le manque de financement. En effet, il faudrait cinq milliards de dollars d’investissement pour produire 40 TWh de renouvelable (solaire, éolien, hydraulique), soit près de la moitié du besoin national.

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Le solaire à la rescousse ?

Un autre problème entrave cette volonté de transition énergétique : le pays ne dispose pas de cadre juridique autorisant les entreprises privées d’intervenir sur le réseau public, considéré comme relevant de la souveraineté. Chose qui dissuade les investisseurs. Devant l’impuissance de l’État, de nombreux Libanais ont, de guerre lasse, décidé d’essayer les panneaux solaires à petite échelle pour leurs ménages, bien qu’ils soient peu sûrs des résultats.

Avec un fort taux d’ensoleillement estimé à 300 jours par an (presque dix mois !), soit de quoi produire potentiellement 6 kWh/m², le Liban offre en effet tous les avantages pour une « révolution énergétique », mais la tâche demeure aléatoire. Non seulement la capacité globale de ces installations individuelles dites «Off-grid» (hors réseau), estimée à 200 MW, est loin de satisfaire la demande nationale, mais aussi ces systèmes sont hors de portée des petites bourses.

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