Alors qu’elle devait définitivement fermer sa dernière tranche au charbon, la centrale thermique de Saint-Avold (Moselle) sera finalement relancée. Face au risque de pénurie d’électricité l’hiver prochain, le gouvernement souhaite conserver temporairement ce moyen de production ultra carboné.

De tous les modes de production d’électricité, le charbon est celui qui génère le plus de dioxyde de carbone, entre autres polluants. Pourtant, la ressource pourrait être mise à contribution dès cet hiver afin de soulager le réseau électrique national. Une conjonction d’évènements menace en effet l’approvisionnement en électricité.

À lire aussi Vers un blackout électrique en France l’hiver prochain ?

Nucléaire en maintenance et gaz peu disponible

Près de la moitié des réacteurs nucléaires français sont à l’arrêt pour maintenance, notamment en raison du phénomène de corrosion sous contrainte des circuits primaires décelé fin 2021. Certains ne seront redémarrés qu’à la mi-janvier 2023. Les centrales à gaz, qui auraient dû compenser une partie de la production nucléaire manquante, ne pourront pas fonctionner à plein régime en raison de l’embargo sur le gaz russe. Touchées par la sécheresse, les centrales hydroélectriques devraient également réduire leur production si les précipitations demeurent insuffisantes.

Enfin, la France risque ne pas pouvoir compter sur ses voisins pour importer de l’électricité. L’Allemagne est elle-aussi confrontée à l’arrêt des livraisons de gaz russe et poursuit en parallèle la fermeture de ses dernières centrales nucléaires. Le pays, également engagé dans une sortie du charbon à l’horizon 2030, a ainsi annoncé augmenter temporairement la production de ses centrales au charbon. Une solution qui inspire l’hexagone, puisque la tranche charbon de la centrale thermique de Saint-Avold (Moselle) va de nouveau produire de l’électricité.

La centrale thermique de Saint Avold / Image : Flickr Étienne Baudon

De l’abandon du charbon à sa relance temporaire

Le site, qui comporte 2 tranches de cycle combiné gaz (CCG) de 430 MW chacune et 1 tranche au charbon de 618 MW, devait définitivement abandonner le minerai. L’unité au charbon était à l’arrêt depuis le 31 mars 2022 en vue de sa fermeture définitive. Le gouvernement, qui promettait une sortie totale du charbon en 2022, va finalement relancer temporairement son exploitation pour passer l’hiver. Le rappel d’une partie de ses 87 employés est en cours, certains étant à la retraite et d’autres en congés de reclassement. Le redémarrage nécessitera 2 mois.

Une seule centrale au charbon était encore en service en France, il s’agit du site de Cordemais (Loire-Atlantique). Ses 2 tranches de 600 MW ont été prolongées, le temps de la mise en service de l’EPR de Flamanville.

À lire aussi Les centrales à charbon peuvent-elles encore servir ?

Sous-investissement dans les moyens de production

Avec une puissance installée cumulée de seulement 1 818 MW en incluant Saint-Avold, le charbon à lui seul ne sauvera pas le pays d’une pénurie d’électricité. Lors d’une intense vague de froid, la demande nationale peut en effet atteindre 100 GW. Il parviendra à compenser à peu-près l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire de palier P4 (1 495 MW).

La France devra surtout compter sur la sobriété de l’ensemble des consommateurs, comme exhorté récemment par les dirigeants d’EDF, TotalEnergies et Engie. Il faudra également espérer des conditions météo favorables pour faire tourner à haut régime les 18 765 MW d’éolien et à moindre mesure les 12 915 MW de solaire installés. Cette instabilité résulte d’un sous-investissement dans les moyens de production décarbonés et les systèmes de stockage de grande ampleur tels que les STEP et batteries.

À lire aussi « Grande Abondance », le projet de STEP monumentale d’un étudiant ingénieur

Car, si les énergies renouvelables ont progressé, leur rythme de déploiement reste insuffisant pour bannir totalement gaz et charbon du mix électrique national. Aucune nouvelle installation de stockage permettant de compenser leur variabilité n’est prévu, la dernière a entrer en service étant la STEP de Grand-Maison en 1988. Pour ne rien arranger, le pays a définitivement fermé en 2020 la centrale nucléaire de Fessenheim, se privant de 1 760 MW de capacité de production bas-carbone. Outre l’unique EPR de Flamanville, aucun projet de nouveau nucléaire ne s’est concrétisé ces 40 dernières années. En parallèle, la France a investi dans 3 818 MW de nouvelles tranches au gaz depuis 2010.