Un consortium suédois vient de dévoiler Oceanbird, un cargo transatlantique capable de transporter 7.000 véhicules de l’autre côté de l’Atlantique en douze jours seulement, uniquement grâce à l’énergie du vent.

On estime que la navigation maritime est responsable de 2 à 3% des émissions de CO2 liées aux activités humaines, et de 18 à 30% des oxydes d’azote libérés dans l’atmosphère. La compagnie maritime suédoise Wallenius Marine propose une solution innovante pour réduire la pollution générée par les cargos transatlantiques : le transporteur Oceanbird, propulsé uniquement par le vent.

En réalité, le principe n’est pas nouveau. En 1983 déjà, le commandant Cousteau avait conçu la turbovoile, sorte de voilure épaisse inspirée de l’effet Magnus[1], ayant une portance très supérieure à une voile classique. Elle présentait une forme ovoïde et était prolongée par un volet mobile permettant de former un intrados et un extrados[2]. Cette voile doit être orientée en fonction de la direction du vent, tout comme une voile classique.

Alors que le développement des bateaux à vapeur, a relégué les voilures à la seule navigation de plaisance pendant plus de deux siècles, l’Oceanbird veut redonner à la navigation marchande à voile ses lettres de noblesse.  

Le navire confie l’orientation des ailes rigides à des algorithmes qui permettent d’optimiser le captage du vent en les orientant instantanément dans la bonne direction. « Les voiles et la coque fonctionneront ensemble comme une seule unité pour maîtriser le vent de la manière la plus efficace », explique Mikael Razola, project leader chez Wallenius Marine.

L’Oceanbird peut-il faire concurrence aux cargos classiques ?

Face à plusieurs tentatives de cargos à voile qui n’ont pas vraiment connu le succès espéré, l’Oceanbird affiche des atouts non négligeables : ses cinq grandes ailes télescopiques pourront culminer à 80 mètres de haut, augmentant ainsi leur efficacité. Toutefois elles pourront aussi être réduites à une hauteur quatre fois moindre en leur permettant ainsi de s’adapter à des régimes de vents violents, ou à passer en-dessous des ponts.


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En considérant qu’un cargo géant consommera environ 2.500 tonnes de fioul lourd pour traverser l’océan, on imagine aisément l’énorme économie qu’un navire comme l’Oceanbird permet de réaliser.

Précisons quand même que les plus gros navires-cargo du monde transportent plus de 47.510 voitures , alors que l’Oceanbird ne pourra emporter « que » 7.000 véhicules. Il mesure 200 mètres de long, mais la longueur des plus gros cargos atteint 400 mètres. Il est conçu pour pouvoir charger 32.000 tonnes de fret, alors que le MSC Gülsün, plus gros cargo du monde, peut transporter plus de 20.000 conteneurs. On est dans une autre dimension…

L’Oceanbird ne sera pas équipé de fonctions robotiques, comme sur les navires de conception récente, mais sera « moderne et manuel ».

Quel avantage écologique ?

Si la capacité de transport est moindre que celle d’un porte-conteneur classique, et qu’il naviguera à une vitesse inférieure à la moyenne pour effectuer la traversée de l’océan, la réduction des émissions de CO2 s’élèvera à plus de 90%. Il doit malgré tout être équipé de moteurs auxiliaires pour permettre les manœuvres portuaires, ou se dépanner en cas d’absence totale de zéphir.

Avec Oceanbird, c’est tout le secteur maritime qui pourrait prendre la voie de la durabilité, et démontrer que la navigation maritime zéro-émission est possible.


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A quand la première mise à flot ?

L’essai en mer d’un modèle réduit a livré des premiers résultats encourageants. Des tests ont été effectués sur l’inclinaison du navire, ainsi que les performances du moteur et les gouvernails du bateau.
Wallenius Marine enregistrera les premières commandes dès la fin 2021.
Il faudra ensuite attendre 2024 pour apercevoir les premiers exemplaires de l’Oceanbird croiser sur nos mers.

De nombreux acteurs observeront avec attention le développement du projet Oceanbird. Il est amusant de constater qu’après un détour de deux siècles par une technologie polluante, l’homme s’intéresse à nouveau au mode de déplacement le plus simple : la propulsion par le vent. Bien sûr, celle-ci bénéficie aujourd’hui des dernières avancées de la navigation à voile 2.0, et ne pourra pas immédiatement concurrencer les cargos géants qui sillonnent nos mers.


[1] Du nom du physicien allemand Heinrich Gustav Magnus, qui a donné son nom à la déviation d’un projectile en rotation se déplaçant dans l’air.

[2] L’extrados est la surface avant d’une pale d’hélice, celle qui est dirigée du côté de la traction. L’intrados est la surface intérieure, concave d’un arc.