Les centrales hydroélectriques, un poison pour l’environnement ? 100 ONG ont cosigné une lettre ouverte destinée à la Commission Européenne, dans laquelle elles demandent l’arrêt des financements de nouveaux projets hydroélectriques, du fait de leur impact environnemental.

Depuis le début de l’année, une centaine d’ONG, dont WWF, unissent leurs efforts pour demander l’arrêt des financements de tout nouveau projet hydroélectrique en Europe. Cette bataille par lettres ouvertes interposées avec la Commission Européenne a débuté en février et pourrait ne faire que commencer.

Selon ces ONG, l’impact environnemental de ces édifices sur les rivières et leur environnement direct serait très élevé, en particulier sur les poissons migrateurs qui sont généralement victimes des turbines. Dans le courrier du 20 octobre 2023, WWF indique ainsi que 22 % des poissons qui franchissent une centrale hydroélectrique se blessent. En outre, la multiplication des barrages sur une même rivière rendrait quasiment impossible la remontée des cours d’eau par les poissons.

Enfin, dans le courrier, les ONG mettent en avant le fait que 93 % des centrales hydroélectriques européennes ont une puissance inférieure à 10 MW. Selon elles, ce type de centrale ne pourrait pas compenser l’intermittence des autres modes de production d’énergies renouvelables, contrairement à ce qu’affirme la Commission Européenne.

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Peut-on réellement se passer de l’hydroélectricité pour réussir la transition énergétique ?

Si les chiffres et les revendications avancées par ces organisations interpellent, elles doivent être mises en perspective dans un contexte plus global. En effet, la réussite de la transition énergétique sera nécessairement le fruit de compromis. Et si l’hydroélectricité a un impact certain sur l’environnement, il s’agit du mode de production décarboné le moins cher derrière le nucléaire, notamment grâce à des infrastructures d’une très grande longévité. De plus, l’hydroélectricité est globalement pilotable, surtout en comparaison à l’éolien ou au solaire. Enfin, le développement des STEP reste, à ce jour, l’un des moyens les plus efficaces pour stocker de l’énergie, or le stockage de l’énergie est l’un des enjeux majeurs de la transition énergétique.

Quant à l’impact environnemental, de nombreux projets montrent qu’il est possible de limiter considérablement les effets néfastes de ces installations, en particulier sur les populations de poissons, grâce à des systèmes de passes à poissons sans cesse améliorés, mais aussi des turbines conçues spécifiquement pour protéger les poissons. C’est le cas de la turbine RHT du fabricant Natel qui garantirait un taux de survie de 98 %.

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Rationaliser les infrastructures existantes

S’il est difficile de concevoir un avenir sans hydroélectricité, force est de constater que les ouvrages barrant les fleuves et rivières européens sont extrêmement nombreux, et un grand nombre d’entre eux n’ont pas, ou plus, de réelle utilité. Ainsi, une rationalisation des infrastructures existantes qui ne sont plus utilisées permettrait de ramener de grandes portions de rivières dans leur état écologique d’origine. Le collectif « Dam Removal Europe » œuvre, justement, à la suppression de tous les édifices qui sont trop vieux ou qui ne sont pas, ou plus, rentables. Selon eux, l’Europe compterait au moins 150 000 barrages qui n’ont plus d’utilité. En 2021, 219 d’entre eux ont été déposés dont 39 en France.

Mais il y a un hic : le démantèlement d’un barrage coûte généralement très cher, du fait de la taille des infrastructures, mais aussi de la gestion des sédiments qui peuvent parfois renfermer des polluants d’origine humaine ou non. Selon des chercheurs, la suppression, aux USA, de 668 barrages entre 1965 et 2020 aurait coûté la bagatelle de 1,52 milliard de dollars. Ainsi, pour que la démolition des édifices devenus inutiles s’accélère en Europe, il faudra vraisemblablement compter sur des aides publiques, qu’elles viennent de l’État ou de l’Europe.

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