Si les centrales hydroélectriques permettent de produire de l’électricité bas-carbone, elles sont souvent pointées du doigt pour l’impact négatif qu’elles génèrent sur la biodiversité, et en particulier sur les poissons migrateurs. Dans ce contexte, la société Natel a mis au point une turbine censée permettre le passage des poissons en toute sécurité.

Selon une récente étude parue dans le North American Journal of Fisheries Management, la nouvelle turbine RHT, conçue par l’entreprise Natel, permettrait la survie de 98,2 % des poissons qui la traversent. Cette étude portait sur une population de gaspareaux, une espèce anadrome (qui grandit en rivière, part ensuite vivre en mer, puis remonte les fleuves et rivières pour la reproduction) de l’est des USA.

Ces résultats viennent corroborer ceux d’une précédente étude portant sur le même modèle de turbine, réalisée par le Pacific Northwest National Laboratory sur des anguilles américaines, une espèce catadrome (qui grandit en mer, remonte les fleuves à l’âge adulte, et repart en mer lors de la reproduction) qui annonçait plus de 99 % de survie. Ces nouvelles encourageantes tendent à montrer qu’il est possible d’allier hydroélectricité et biodiversité.

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Une turbine de basse chute destinée à protéger tous les poissons

Lors de la traversée d’une centrale hydroélectrique, c’est principalement le passage dans la turbine qui peut s’avérer dangereux pour les poissons. Cet élément qui convertit une partie de l’énergie de la rivière en énergie mécanique tourne à une vitesse importante, pouvant ainsi blesser ou tuer les poissons. Pour limiter les risques, la société Natel a travaillé spécifiquement la forme de la turbine en lui apportant notamment les modifications suivantes :

Le nombre de pales a été réduit pour limiter les risques de choc,
Le bord d’attaque des pales a été épaissi pour le rendre moins tranchant,
Ce dernier a également reçu une forme arrondie qui incite le poisson à aller vers l’axe de la turbine, là où les pales tournent moins vite.
L’espace entre la turbine et son carénage a été diminué afin d’éviter qu’un poisson reste coincé.

La turbine RHT et ses pales au profil moins tranchant / Images : Natel Energy.

Étonnamment, ces modifications ne se feraient pas au détriment des performances. Selon le fabricant, la turbine RHT, sorte de variante de la turbine Kaplan adaptée aux centrales basses chutes (hauteurs d’eau de 2 à 20 m), a un rendement de 90 %. À noter que, selon le syndicat national de la petite hydroélectricité, le rendement d’une centrale hydroélectrique varie généralement de 70 % à 90 %.

Outre la création de nouvelles centrales, la turbine RHT est adaptée au retrofit : elle peut remplacer des turbines existantes de type Francis ou Kaplan, modèles les plus répandus pour ce type de centrale. Le premier modèle européen a été implanté sur la centrale autrichienne de Sauerbrunn à l’automne 2022 et dispose d’une puissance très modeste de 15 kW.

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Les centrales hydroélectriques, un fléau pour les poissons migrateurs

Les centrales hydroélectriques permettent de produire de l’électricité décarbonée, mais ont un impact important sur l’écosystème des rivières. Elles constituent un véritable obstacle pour la faune, et en particulier pour les poissons migrateurs qui doivent, en particulier au moment de la reproduction, descendre ou remonter les rivières.

Dans les installations traditionnelles, des solutions sont mises en place pour empêcher les animaux de traverser les turbines en les redirigeant vers des « passes à poissons » dédiées, qui leur permettent de contourner les centrales. Mais malgré ces solutions, la mortalité à leurs abords peut rester élevée. Rien qu’en Bretagne, on estime que les centrales hydroélectriques sont responsables de la mort de 3 % des anguilles argentées, selon une étude réalisée par l’observatoire des poissons migrateurs de Bretagne. Toujours selon cette étude, 46 % des anguilles tentant de franchir une turbine Kaplan meurent sur le coup ou à la suite de blessures. Pire encore, le taux de mortalité au niveau des turbines Francis serait de 89 %.

Face à de tels chiffres, les 98 % de taux de survie de la turbine RHT apparaissent impressionnants. Elle pourrait constituer une véritable solution pour le développement de la biodiversité dans ces zones.

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