Les barrages hydroélectriques sont précieux, car ils produisent de l’électricité renouvelable. Mais les États-Unis semblent de moins en moins enclins à en accepter les coûts. Aussi bien financiers qu’environnementaux. Conséquence : ils en démolissent des centaines.

Dans les esprits, énergie renouvelable rime surtout avec solaire et éolien. La réalité, c’est que l’hydroélectricité reste la première source d’énergie renouvelable dans le monde. Même s’il a été démontré que certains réservoirs émettent plus de gaz à effet de serre que des centrales fossiles. La faute à la décomposition des matières organiques inondées. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production hydroélectrique a encore connu une croissance supérieure à toutes les autres sources — sauf l’éolien — sur la décennie 2010. Et pour atteindre le zéro émission nette d’ici 2050, elle devra afficher une hausse de près de 4 % par an jusqu’en 2030.

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Des barrages hydroélectriques devenus obsolètes

Aux États-Unis, pourtant, une vaste opération de démolition de barrages hydroélectriques est en cours. Il faut dire que selon l’inventaire de l’U.S. Army Corps of Engineers, le pays compte plus de 90 000 de ces retenues artificielles. Alors qu’il y aurait à peine plus de 2 000 centrales hydroélectriques actives sur le territoire. Beaucoup de barrages, donc, qui ne servent plus.

Mais les démolitions sont désormais guidées par le fait que les coûts estimés commencent à dépasser les bénéfices. Par coût, il est question bien sûr de coûts financiers, au premier plan. Car 85 % des barrages hydroélectriques aux États-Unis ont plus de 50 ans. Leurs besoins en travaux de maintenance deviennent importants.

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La question de l’impact des barrages hydroélectriques

Les coûts socioculturels ou environnementaux sont également pris en compte. Les barrages, en effet, rendent difficile la migration des poissons et autres espèces aquatiques. Or aujourd’hui, aux États-Unis, seulement une faible fraction des 5 millions de kilomètres de rivières restent « libres » de couler. En 2022, les 65 barrages supprimés ont permis de regagner quelque 700 km de ces rivières dans 20 États. Et en fin d’année, la décision a été prise de supprimer quatre barrages à la frontière entre la Californie et l’Oregon, sur la rivière Klamath, pour restaurer l’habitat d’espèces de saumons en danger. 90 % de la population a été perdue depuis la construction de ces barrages. La destruction du plus petit d’entre eux vient de commencer. Celle des trois autres devrait être lancée début 2024.

Au cours de la dernière décennie, plusieurs ruptures ou quasi-ruptures de barrages ont aussi entraîné l’évacuation de milliers de personnes. Et causé des millions de dollars de dégâts. Un coût de plus pour faire pencher la balance. Pour de nombreux barrages aux États-Unis, il est désormais devenu difficile d’offrir des avantages dépassant ces impacts. Même en considérant, en plus de la production renouvelable d’hydroélectricité, le contrôle des inondations et l’irrigation — deux points qui peuvent désormais être améliorés par d’autres moyens — ou encore les loisirs associés à ces structures.

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Entre 1912 et 2021, près de 2 000 barrages hydroélectriques ont déjà été démolis aux États-Unis. Dont seulement 20 % recensés dans l’inventaire de l’U.S. Army. Même si le rythme n’a fait que s’accélérer — 45 barrages détruits entre 1976 et 1986 pour 637 entre 2005 et 2015 —, il reste donc encore à faire.

Démolir des barrages hydroélectriques coûte cher

Mais les démolitions coûtent cher, elles aussi. Selon des chercheurs, la facture pour 668 des barrages hydroélectriques supprimés entre 1965 et 2020 s’élève à 1,52 milliard de dollars ! Et parmi eux, plus de 80 % mesuraient moins de 5 mètres de haut. Une catégorie pour laquelle le coût de démolition reste raisonnable. De l’ordre de 150 000 dollars. Mais pour les barrages de plus de 10 mètres, la facture peut s’envoler jusqu’à plus de 6 millions de dollars. Avec un montant total qui peut augmenter encore, suivant les moyens à déployer pour atténuer les effets de la destruction sur l’environnement — risque de libération de toxines accumulées dans les sédiments, risque d’augmentation de la turbidité de l’eau ou de changements de température, etc. — et pour restaurer ensuite les écosystèmes. L’analyse devrait aider les parties prenantes à estimer le coût de la suppression prévue d’ici 2050 de 4 000 à 32 000 barrages hydroélectriques dans le pays.

Pour revenir à l’exemple des quatre barrages hydroélectriques de la rivière Klamath, les plus gros barrages en destruction aux États-Unis, il devrait en coûter quelque 450 millions de dollars. Mais l’opérateur estime que cela restera moins cher que d’avoir à aménager des passages pour les saumons. Même la production électrique — l’équivalent de la consommation de 70 000 foyers à pleine puissance — devrait pouvoir être plus économiquement remplacée.

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