Farouchement opposé à l’atome, le fournisseur d’électricité 100 % renouvelable Enercoop va assurer sa survie en achetant exceptionnellement de l’électricité nucléaire à EDF. Un évènement qui révèle la fragilité de certains fournisseurs d’électricité alternatifs.

Bulb, E.Leclerc, Oui, Hydroption, Barry : plusieurs fournisseurs d’électricité alternatifs ont récemment fait faillite ou suspendu leurs activités. Ces sociétés subissent de plein fouet les hausses spectaculaires des prix des énergies. Alors que le coût du MWh d’électricité sur le marché « Spot » dépassait rarement 100 € avant l’automne 2021, il s’affiche désormais autour de 200 €. Poussé par le conflit ukrainien et les défaillances du parc nucléaire français, il s’est même sporadiquement envolé à des niveaux supérieurs à 500 €.

L’atome au secours d’Enercoop

Enercoop n’y échappe pas. Le fournisseur alternatif se démarquait pourtant de la concurrence avec sa forme coopérative et ses contrats directs passés auprès de producteurs français d’électricité renouvelable. En grande difficulté, il va solliciter le mécanisme de l’ARENH (Accès régulé au nucléaire historique) pour éviter la faillite. Réunis le 18 juin en assemblée générale, ses sociétaires ont été 88 % à approuver la démarche. Une décision prise à contrecœur, Enercoop étant traditionnellement opposé à l’atome.

Diverses communications d’Enercoop revendiquant son opposition au nucléaire.

Contrairement à ses concurrents, le fournisseur mettait un point d’honneur à ne pas utiliser l’ARENH. « Enercoop dénonce et refuse ce mécanisme, qui ne fait pas avancer la transition énergétique » expliquait-il dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube. Il devrait finalement assurer sa survie en achetant de l’électricité nucléaire via ce système imposé par l’État à EDF.

La coopérative assure toutefois que les volumes d’énergie correspondant à l’ARENH « seront achetés pour être revendus ». Ils « ne seront pas consommés par les clients », dont la consommation « sera couverte par de l’énergie renouvelable en contrat direct », précise à l’AFP Olivier Soufflot, le directeur général délégué d’Enercoop.

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Qu’est-ce que l’ARENH ?

L’Accès régulé au nucléaire historique permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter de l’électricité à très bas coût (42 €/MWh) produite par les centrales nucléaires auprès d’EDF. Ils se partagent une enveloppe annuelle de 120 TWh, soit un tiers de la production nucléaire nationale.

La plupart des fournisseurs alternatifs ne produisent pas le moindre kilowattheure d’électricité. Certains, comme Enercoop ou TotalEnergies, en produisent très peu et de façon plus ou moins directe, sans jamais parvenir à couvrir les besoins de leurs clients. Leur activité consiste donc à trader de l’électricité sur les marchés et à acheter d’abstraites « garanties d’origine ». Ces dernières permettent d’accoler une étiquette « renouvelable » totalement virtuelle à un volume d’énergie acheté séparément.

Enercoop s’en distingue en partie en achetant de l’électricité et des garanties d’origine aux mêmes producteurs locaux d’énergie renouvelable. Un fonctionnement un peu plus vertueux nettement mis en avant par la coopérative, mais qui ne lui permet manifestement pas de sécuriser ses finances. « Nous sommes comme tout le monde confrontés à l’envolée des prix sur le marché de l’électricité, parce que, bien que nous achetions notre énergie en direct à nos producteurs partout sur le territoire, une partie des contrats est liée à l’évolution des marchés », a d’ailleurs admis à l’AFP Béatrice Delpech, la directrice générale adjointe d’Enercoop.

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