S’il y a bien quelques efforts pour accélérer en urgence la mise en service de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable, la stratégie nationale pourrait être encore plus favorable aux filières éoliennes et solaires.

À la demande du gouvernement, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié le 30 août une version modifiée de l’ensemble des cahiers des charges des appels d’offres dits « CRE 4 » et « PPE 2 ». Cette mesure exceptionnelle facilitera la mise en service rapide de 6 GW éolien et solaire, mis en difficulté par l’augmentation des coûts des matières premières et des crédits, intervenus depuis que les développeurs ont répondu aux appels d’offre. Cela, essentiellement en repoussant l’entrée en vigueur des contrats de « complément de rémunération ».

À condition d’en faire la demande au ministère, dès le 1er septembre, les producteurs pourront en effet mettre leur électricité sur le marché, et ne faire intervenir le « complément de rémunération » que plus tard. En effet, depuis le troisième trimestre 2021, le « complément de rémunération » marche à l’envers, les prix de marché étant devenus supérieurs, dans la plupart des cas, aux tarifs convenus. C’est-à-dire que ce sont les producteurs qui versent la différence à l’État, au lieu que ce soit l’État qui leur verse la différence.

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Les règles du jeu ont changé

Pour des projets pas encore achevés, donc n’ayant pas bénéficié de subventions via le complément de rémunération, ce n’était pas nécessaire, car les contrats prévoyaient à l’origine que le versement des producteurs à l’État s’arrêtait quand un projet avait remboursé les subventions dont il avait pu bénéficier précédemment. Mais l’État a changé les règles du jeu, d’abord par une note de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) à EDF et aux entreprises de distribution locales (comme les régies de Grenoble ou Strasbourg) à la fin avril, puis en faisant voter la loi de finances rectificatives.

Un article de cette dernière « déplafonne » ces versements : même après avoir remboursé les subventions perçues, les producteurs devront verser à l’État toute différence positive entre le prix de marché, et le prix convenu lors des appels d’offre. Comme l’a expliqué à l’assemblée Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, il s’agit d’éviter un « effet d’aubaine » qui aurait permis aux producteurs d’électricité renouvelables de percevoir plus que la « rémunération raisonnable » à laquelle doit correspondre le tarif fixé par les contrats.

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La taxation des superprofits rejetée

Aucun parlementaire ne s’est opposé frontalement à ce principe, qui a paru raisonnable à toutes les formations politiques. Ce qui est moins compréhensible, c’est que le même ministre, et une (courte) majorité de députés, se sont en revanche opposés à la taxation des superprofits des compagnies pétrolières et gazières, de transport maritime et des concessions autoroutières. Les taux proposés à l’Assemblée et au Sénat, 25% puis 20%, étaient pourtant plus modestes que ce qui a été voté pour les énergies renouvelables, qui équivaut en fait à une taxation à 100%.

C’est cette modification législative qui a rendu nécessaire l’autorisation donnée hier par la CRE de repousser l’entrée en vigueur du contrat de « complément de rémunération » pour les projets acceptés, mais pas encore construits ou terminés. Deux autres modifications des contrats sont à signaler : l’autorisation donnée d’augmenter jusqu’à 40% la puissance des projets et l’allongement des délais de réalisation, au-delà desquels les contrats sont annulés.

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Délais de raccordement trop longs

L’augmentation de puissance n’a de véritable intérêt, pour le solaire, que si l’on peut augmenter le nombre de panneaux, et pour l’éolien, que si l’on peut augmenter la hauteur des mats et la longueur des pales. Dans certains départements, les autorisations de construire sont assez souples pour le permettre dans des proportions variables, dans d’autres, c’est tout à fait impossible.

L’allongement des délais de réalisation, lui, vise à éviter de voir des projets recommencer à zéro la procédure d’appels d’offre, en raison essentiellement des délais de raccordement électrique, qui sont devenus extrêmement longs. RTE et Enedis n’ont pas suffisamment d’équipes, et procèdent donc le plus souvent avec des sous-traitants. Mais pour passer un marché à un sous-traitant, il faut d’abord un appel d’offres, et cela prend des mois

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