Les travaux de forage de Geomarne viennent de démarrer. Ce réseau de chaleur de Champs-sur-Marne, porté au départ par la communauté d’agglomération Paris–Vallée de la Marne, est un projet de centrale géothermique qui alimentera dès 2021 près de 10.000 équivalents logements[1] en chaleur et en eau chaude sanitaire.

Les premiers forages à 40 mètres de profondeur, constituant les avant-puits, viennent d’être réalisés, et vont permettre aux travaux de forage de géothermie profonde de commencer dans les jours qui viennent. Ce n’est qu’au printemps 2020 que sera construite la centrale, pour aboutir par la mise en service du réseau de chaleur fin 2021.

Le réseau Geomarne fonctionnera grâce à la technique du doublet : un premier puits de « production » est foré à 1.900 mètres de profondeur pour puiser une eau à 70°C dans la nappe aquifère. Après avoir traversé un échangeur de calories, l’eau chaude sera distribuée dans les foyers grâce à un réseau de 19 km sur les communes de Noisiel et Champs-sur-Marne. L’eau utilisée est réinjectée dans la nappe à plus d’un kilomètre de la zone de captage, afin d’éviter de refroidir l’eau puisée.

La centrale Geomarne, sera équipée d’une pompe de 6 MW pour optimiser la puissance géothermique. Elle puisera son eau dans le Dogger, une nappe aquifère calcaire datant du Jurassique Moyen (-175 à -154 millions d’années), située entre 1.500 m et 2.000 m de profondeur avec une eau dont la température varie entre 57°C et 85°C. Le Dogger s’étend à l’est de Paris jusqu’à Melun, où les puits géothermiques ont contribué au développement économique de la ville. Un nouveau projet de géothermie verra d’ailleurs le jour à 45 km de là, en 2021, à Vélizy-Villacoublay (78).

Source : geothermie-perspectives.fr

Quel bilan carbone ?

La géothermie ne représente encore que 5% de l’énergie injectée dans les réseaux de chaleur en France. L’essentiel de ceux-ci recourent au gaz naturel et à la biomasse. Pourtant les réseaux de chaleur géothermiques constituent une solution durable, renouvelable et locale pour la fourniture de chauffage et d’eau chaude sanitaire.

Le réseau Géomarne sera alimenté à 82% par la géothermie. L’appoint sera fourni par deux chaudières de 29 MW fonctionnant au gaz naturel. Il permettra d’éviter l’émission de 25.000 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles de 11.000 véhicules à essence.

Le contenu en CO2 de la chaleur injectée dans les réseaux de chauffage urbain est en moyenne de 0,116 kg CO2/kWh, soit 36% de moins que le mix électrique, 50% de moins que le gaz naturel, et 61% de moins que le fioul.

Un chiffre étonnant considérant que le mix électrique français est déjà décarboné à plus de 90%. Mais l’explication tient aux périodes auxquelles se font les demandes de chaleur : essentiellement pendant les pointes hivernales, lorsque la consommation d’électricité est plus importante, ce qui nécessite l’appoint des centrales fossiles du parc français ou des importations.

Quel avenir pour les réseaux de chaleur ?

Les réseaux de chaleur présentent un potentiel important en France, car ils sont dimensionnés pour répondre aux besoins d’un territoire limité. Leurs équipements de plus en plus « intelligents » leur permettent à la fois de mieux ajuster la production à la demande, d’anticiper les pics de demande de chauffage, et de réduire au maximum les pertes d’énergie.

A fin 2018, la France disposait de 781 réseaux de chaleur, totalisant 5.780 km, et alimentant plus de 40.000 bâtiments, résidentiels et tertiaires. Les énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) constituent la première source des réseaux de chaleur (57,1% du mix total, dont 25% pour la valorisation énergétique des déchets, et 22% pour la biomasse). Le gaz naturel constitue la deuxième source d’énergie (37%).

Ces chiffres mettent en évidence le rôle primordial des réseaux de chaleur comme vecteur de la décarbonation.    Sur le plan économique, les réseaux de chaleurs sont également plus compétitifs que les modes de chauffage traditionnels, puisque le coût global moyen par ménage, qui comprend la fourniture d’énergie, la maintenance et l’amortissement du matériel, est inférieur à celui du gaz collectif ou de l’électricité.

Malgré ces avantages, la France affiche un retard sensible sur ses objectifs fixés par le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et par la loi de transition énergétique pour la croissance verte, car elle doit multiplier par cinq les quantités de chaleur verte produites à ce jour à l’horizon 2030.

En effet, la quantité de chaleur verte livrée en 2018 sur les réseaux de chaleur français n’a augmenté que de 0,4 TWh, alors que, pour atteindre ces objectifs, il faudrait 2 TWh supplémentaires par an.
Un défi dont le gouvernement semble avoir pris la mesure, selon le SNCU (Syndicat National du Chauffage Urbain et de la climatisation urbaine), puisqu’une série de 25 mesures ont été présentées afin de verdir davantage les 781 réseaux de chaleur existants, et de développer l’aménagement de nouveaux réseaux dans les villes de plus de 10.000 habitants.


[1] Unité de mesure correspondant à la consommation énergétique d’un logement de 80 m² occupé par 4 personnes.