Environ 2 millions d’oiseaux périssent chaque année dans le monde suite à une collision avec une pale d’éolienne. En peignant simplement les turbines en noir et blanc, plus de 70 % des volatiles pourraient être sauvés, selon une étude réalisée par des chercheurs norvégiens. Voici à quoi elles pourraient ressembler.

Destruction des zones naturelles, pesticides, changement climatique, prédation des animaux domestiques ou invasifs, chasse, collisions contre les immeubles et lignes électriques : de toutes les causes de mortalité aviaire, les éoliennes sont de loin d’une des plus faibles. Selon une étude de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) publiée en 2017, un aérogénérateur tuerait entre 0,3 et 18,3 oiseaux chaque année, avec une moyenne à 7 pour les parcs éoliens français.

En se basant sur une puissance éolienne mondiale de 837 GW et une moyenne de 3 MW par turbine, les 279 000 éoliennes installées sur Terre tueraient chaque année 1,93 million d’oiseaux. Le chiffre parait énorme, mais c’est une goutte d’eau face au massacre perpétré, par exemple, par les chats domestiques. Ils en chasseraient 75 millions par an rien qu’en France selon la LPO et entre 1,3 et 4 milliards aux États-Unis.

Cela n’empêche pas de poursuivre la recherche pour réduire les collisions entre éoliennes et oiseaux. Un vrai problème, notamment sur les parcs implantés proches des zones d’habitats d’espèces menacées. De nombreux projets éoliens subissent également des retards liés à la présence d’oiseaux protégés. Certains peuvent même être contraints d’interrompre la production, voire être démolis sur décision de justice.

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Créer un effet stroboscopique pour alerter les oiseaux

Alors, en 2020, des chercheurs norvégiens ont peint en noir une partie d’une pale d’éolienne. L’étude, réalisée sur le parc éolien de Smola en Norvège, a conclu sur une réduction spectaculaire de la mortalité aviaire. L’éolienne à la pale obscure a tué 71,9 % d’oiseaux en moins que ses voisines.

À partir de ces travaux, les ornithologues britanniques Graham Martin et Alex Banks ont étudié l’habillage idéal d’une éolienne à la fois « bird-friendly » et compatible avec les normes de signalisation humaines en mer comme sur terre. Selon leur rapport dévoilé fin janvier 2023, « diviser une pale par trois dans le sens de la longueur et la rendre alternativement noire et blanche, permettrait d’augmenter la probabilité qu’un motif de contraste scintillant apparaisse entre les sections des pales en rotation, et entre les pales et le pylône ».

Cet effet stroboscopique devrait « permettre aux oiseaux ayant des vitesses de vol et des acuités visuelles différentes de détecter les éoliennes suffisamment tôt pour qu’ils modifient leur direction de vol et évitent les collisions », expliquent les scientifiques. Ils appellent globalement à augmenter « le contraste visuel des éoliennes […] en utilisant des motifs achromatiques sur les pales et pylônes ».

À gauche : le visuel d’éolienne bird-friendly proposé par les ornithologues britanniques. À droite : l’éolienne du parc de Smola, objet de l’étude des chercheurs norvégiens.

L’utilisation de bandes blanches et noires serait le meilleur compromis d’après les deux ornithologues, car ces couleurs « n’interfèrent pas avec les exigences réglementaires déjà requises pour le marquage des turbines au profit de la navigation et des aéronefs. » Les chercheurs précisent par ailleurs que la peinture jaune à la base de l’éolienne n’est pas impliquée dans l’effarouchement des oiseaux. Il s’agit simplement d’un marquage obligatoire sur les parcs éoliens en mer, qui peut donc être retiré sur les turbines terrestres.

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Des éoliennes bicolores moins acceptées par les humains ?

Si plusieurs centaines de milliers d’oiseaux pourraient être sauvés grâce aux éoliennes bicolores, les auteurs de l’étude appellent à rester vigilants. Ces turbines bariolées pourraient avoir d’autres effets indésirables, sur la faune comme sur… les humains. « Il existe un risque que les oiseaux marins sensibilisés aux obstacles dans leur environnement évitent ensuite les zones des parcs éoliens en mer qui pourraient autrement fournir des habitats importants ou des voies de passage » s’inquiètent-ils.

Les chercheurs évoquent également « les problèmes liés à l’impact visuel humain », logiquement augmentés par la présence des bandeaux noirs. Si la vision humaine et aviaire sont très différentes, ces éoliennes resteraient nettement très visibles pour les deux. Enfin, ils proposent de réaliser « des essais soigneusement conçus » pour évaluer précisément l’impact des éoliennes bicolores sur « les utilisateurs humains de la mer » et mesurer leur efficacité sur la réduction des collisions avec les oiseaux.

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