Il aura fallu 49 jours pour connaître la cause de la panne massive d’électricité qui a touché, le 28 avril 2025, l’Espagne et le Portugal. Le gouvernement espagnol a publié un rapport pointant une série d’erreurs ayant mené au blackout. Entre surtensions non maîtrisées, mauvaises décisions industrielles et défauts de programmation, l’évènement révèle de sérieuses failles dans la gestion du réseau électrique ibérique.
Selon le rapport présenté mardi 17 juin par la ministre espagnole de la Transition écologique, Sara Aagesen, la panne a été causée par « un phénomène de surtensions » ayant déclenché « une réaction en chaîne ». Plusieurs centrales électriques se sont automatiquement déconnectées du réseau, engendrant à leur tour de nouvelles coupures. La production a chuté brutalement de près de 15 gigawatts (GW) en l’espace de quelques minutes. Cette série de déconnexions en cascade a plongé la péninsule dans l’obscurité pendant une vingtaine d’heures, selon les régions.
La ministre a insisté sur l’origine « multifactorielle » de l’incident, mettant en cause une combinaison de facteurs techniques et humains. Notamment, le système de contrôle de la tension n’était pas opérationnel ce jour-là, à cause d’un défaut de programmation et de défaillances. « […] plusieurs des centrales capables de réguler la tension […] n’ont pas répondu de manière adéquate aux instructions de l’opérateur du système visant à la réduire ; certaines ont même produit de la puissance réactive, à l’opposé de ce qui était requis, contribuant au problème » indique le rapport.
Pourtant, le réseau électrique espagnol serait théoriquement dimensionné pour absorber ce genre de perturbation en temps normal, d’après la ministre.
À lire aussiLe compensateur synchrone, cette étrange machine qui stabilise les réseaux électriques isolésParmi les responsabilités identifiées, certaines entreprises énergétiques, dont le type de production n’est étonnamment pas cité, sont accusées d’avoir « déconnecté leurs installations de manière inappropriée » pour préserver leurs équipements. Une décision jugée incompatible avec les bonnes pratiques du secteur en période de crise. Le gestionnaire du réseau national, Red Eléctrica de España (REE), est également mis en cause pour ne pas avoir pris en amont les mesures nécessaires à la stabilisation du système. Sara Aagesen souligne qu’avec une meilleure anticipation, notamment des mécanismes pour absorber les surtensions, « le point de non-retour » aurait pu être évité. Ce diagnostic sévère pousse le gouvernement à envisager rapidement des réformes pour sécuriser l’infrastructure électrique.
À lire aussiArrêt imprévu de la centrale nucléaire de Golfech : le blackout en Espagne en était bien la causeSelon la chronologie publiée sur le site du ministère, la tension aurait fluctué « au cours des jours précédant l’incident ». « […] le 28 au matin, les fluctuations étaient plus intenses que la normale » est-il expliqué. Puis, « À 12 h 03, une oscillation atypique de 0,6 Hz a été enregistrée, provoquant d’importantes fluctuations de tension pendant 4,42 minutes. Cette oscillation a contraint le gestionnaire du réseau à mettre en œuvre des mesures d’atténuation conformes au protocole telles que l’augmentation du maillage du réseau (limité par une faible demande) et la réduction du flux d’interconnexion avec la France. Toutes ces actions ont atténué l’oscillation, mais ont eu pour effet secondaire d’augmenter les tensions ».
Trente minutes plus tard, à 12 heures 33 minutes et 18 secondes exactement, « l’augmentation progressive de la tension a provoqué une réaction en chaîne de coupures de courant dues à des surtensions incontrôlables, chaque déconnexion contribuant à de nouvelles hausses de tension. Une baisse de fréquence a également été enregistrée, entraînant la perte de synchronisation avec la France, l’interruption de l’interconnexion avec le reste du continent et l’effondrement du réseau électrique péninsulaire » détaille le ministère.
À lire aussiBlackout en Espagne : des barrages français ont été utilisés pour stabiliser le réseauDès le lendemain de la panne, des spéculations ont émergé, particulièrement sur l’hypothèse d’une cyberattaque ou d’un excès de production d’énergie solaire. Ces pistes ont été officiellement écartées, le rapport ne retenant aucun indice dans ce sens. Néanmoins, le document révèle l’existence de « vulnérabilités » et de « carences » dans les dispositifs de sécurité du réseau.
Il demeure de nombreuses zones d’ombre autour de cette panne inédite, comme l’origine exacte des oscillations de fréquence, un phénomène qui survient lorsque la production d’électricité excède la consommation ou inversement. Par ailleurs, la ou les filières de production électriques s’étant déconnectées en cascade de façon inappropriée n’ont pas été dévoilées.
Face à l’ampleur de la panne et aux dysfonctionnements révélés, des mesures correctives sont attendues dans les semaines à venir. Le gouvernement espagnol entend renforcer la résilience du réseau et impose un audit technique complet aux acteurs de l’énergie. À plus long terme, le rapport propose « d’accroître la demande et la flexibilité du système électrique », passant notamment par le soutien à « la consommation industrielle », à l’« augmentation des capacités de stockage » et à « des interconnexions avec les pays voisins ».
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