Le développement rapide de l’énergie photovoltaïque en Belgique conduit à des difficultés d’intégration dans le réseau électrique. En particulier, le décrochage d’onduleur, qui se met en sécurité et compromet la production d’électricité. Et occasionne donc des pertes pour les producteurs, qui sont indemnisés. Un débat chaud au sein de la politique énergétique belge.

En Belgique, le nombre d’occurrences de décrochage d’onduleurs est en forte hausse. Cette situation se produit en particulier au cours des périodes caractérisées par une forte production solaire (notamment entre 11 et 15 heures lors des journées ensoleillés) conjuguée à une faible consommation électrique. Cette situation est à l’origine d’une surcharge du réseau électrique, qui provoque à son tour la déconnexion des onduleurs pour des raisons de sécurité.

La surcharge du réseau peut se traduire par des surtensions potentielles, lesquelles peuvent endommager non seulement les appareils électroménagers à l’intérieur de la maison productrice d’électricité photovoltaïque, mais également ceux qui se trouvent chez leur voisin. Le décrochage d’onduleur est la mesure prévue pour éviter ces dommages. Par exemple, Synergrid (porte-parole des gestionnaires de réseau en Belgique) indique que l’onduleur peut décrocher si la tension dépasse la limitée maximale autorisée de 253 V en moyenne sur une période de 10 min.

L’énergie photovoltaïque occupe une part de plus en plus grande en Belgique. En 2022, ce sont 7,1 TWh qui ont été produits par des installations solaires, soit 7,4 % de la production nationale. En 2021, c’était 5,6 TWh, soit une progression de 25 % environ sur un an. En 2022, ce sont, en effet, 478 MWc qui ont été ajoutés au parc belge.

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Des pertes qui inquiètent les producteurs

Or l’énergie photovoltaïque est intermittente et non pilotable, et son intégration en masse dans le réseau électrique est plus complexe. Et cela se traduit par une augmentation en flèche du nombre de décrochages d’onduleurs. Cela n’est pas sans conséquence, car le décrochage dure jusqu’à ce que les paramètres du réseau retrouvent des valeurs qui se situent dans les limites acceptables. Ainsi, pendant la durée du décrochage, l’installation ne produit plus d’électricité, entraînant des pertes de revenu liés à ce manque de production. Et parfois, du fait de problèmes techniques, le décrochage peut durer plus longtemps encore.

Le sujet a pris de l’ampleur. Par exemple, BeProsumer, l’association de défense des propriétaires de panneaux photovoltaïque, a édité un cadastre des décrochages, qu’elle actualise deux fois par jour. Fluvius, le gestionnaire du réseau électrique en Belgique, a déclaré avoir reçu en 2023 un total de 5 042 plaintes de la part de producteurs d’électricité photovoltaïques. L’entreprise relativise toutefois ce nombre, en indiquant que ces plaintes ne concernaient que 0,55 % des installations.

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Les plaignants demandent une indemnisation pour compenser leurs pertes. Une grande part du débat se concentre sur le montant de cette indemnisation. En septembre 2023, une information avait circulé selon laquelle il était envisagé une somme forfaitaire de 55 € par an. Selon BeProsumer, cette somme est nettement insuffisante, car elle correspond environ à 5 jours de décrochage, tandis que certaines installations décrocheraient jusqu’à 150 fois par an. L’information avait été ensuite démentie par la Cwape, la Commission wallonne pour l’Énergie.

En ce début d’année 2024, le problème a été pris en main par les autorités. Le gouvernement de la Wallonie a ainsi approuvé en première lecture un projet d’arrêté qui augmente sensiblement les montants prévus. Ainsi, si le problème n’est pas résolu dans les 4 mois, l’indemnisation annuelle pourrait atteindre 48,4 € par an et par kVA installés. Une installation de 5,5 kVA pourrait ainsi percevoir 266 € par an. La mesure devrait être entérinée prochainement. Dans l’attente, Fluvius a commencé à indemniser les plaignants, à hauteur de 10,60 € par kVA, si le problème n’a pas été résolu sous 30 jours.

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Une réponse nécessairement de court terme

Le coût de la mesure pourrait devenir important pour les collectivités. Entre 2024 et 2025, il pourrait atteindre 4,75 millions d’euros par an. Le gouvernement est bien conscient que cette mesure ne peut être vue que comme une mesure de court terme. Philippe Henry, le ministre wallon de l’Énergie, a ainsi déclaré que la région avait initié des investissements massifs, de l’ordre de 214 millions, pour la modernisation des réseaux électriques.

De son côté, Fluvius a déclaré investir dans de nouveaux régulateurs de tension avancés, permettant de réduire la fréquence des décrochages d’onduleurs. Quant à l’association BeProsumer, elle se montre critique du dispositif d’indemnisation : en effet, le montant n’est pas proportionnel au préjudice subi. Elle développe par ailleurs un appareil, appelé « BeProsumerBox », qui permettrait de surveiller la tension du réseau en temps réel.

L’exemple de la Belgique est ainsi un révélateur des difficultés de l’intégration de l’énergie dans le réseau, et de toute la complexité de sa gestion technique, administrative et réglementaire.