L’Estonie est l’un des pays qui produit l’électricité la plus carbonée d’Europe. Mais il s’active pour toujours des solutions. Il envisage ainsi… d’entrer dans le nucléaire. Par la porte de plus en plus grande ouverte des fameux SMR, les petits réacteurs modulaires dont tout le monde parle.

Les SMR, comprenez, les « small modular reactors » ou petits réacteurs modulaires : depuis quelques mois, ils font beaucoup parler d’eux. Les prototypes se multiplient. Les projets aussi. Mais ils sont encore très peu à avoir été mis en service. Du côté de la Russie et de la Chine seulement. Un premier contrat a aussi été signé en Amérique du Nord. Et en Europe ? C’est l’Estonie qui fait aujourd’hui parler d’elle à ce sujet. Suivant la voie ouverte par le Canada, elle vient de sélectionner le petit réacteur modulaire BWRX-300 de General Electric Hitachi Nuclear Energy (GEH). Un réacteur d’une puissance de 300 mégawatts (MW).

En 2019, l’entreprise estonienne Fermi Energia avait été créée pour mener une analyse complète des possibilités offertes par les SMR pour approvisionner le pays en électricité dans le respect de ses objectifs climatiques. Avec à l’idée que « l’avantage exceptionnel de la nouvelle génération de petits réacteurs modulaires pourrait se manifester clairement dans le cas de l’Estonie. Ils s’intègrent mieux au réseau électrique, leur exploitation est plus flexible et économique, et ils satisfont à des exigences de sécurité plus strictes que les centrales nucléaires existantes ». L’analyse souhaitée par Fermi Energia visait ainsi à « déterminer lequel des petits réacteurs bientôt commercialisables répond le mieux aux besoins du pays de produire une énergie sans CO₂, toute l’année, par tous les temps et à un tarif abordable. »

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Une entrée dans le nucléaire « sans trop d’audace »

Le choix de Fermi Energia s’est donc finalement porté sur le SMR de GEH. Parce qu’il repose sur la technologie à eau bouillante bien connue et exploitée dans plusieurs pays d’Europe — en Finlande et en Suède, notamment. « En plus petit et donc avec une plus grande sécurité, un temps de construction plus court et un coût moindre. » Sans parler du fait que « pour sa première centrale nucléaire, l’Estonie ne peut pas se permettre trop d’audace ».

Si Fermi Energia a opté pour le modulaire BWRX-300, c’est aussi parce que, « sur la base de l’expérience de conception et de construction au Canada, la planification, la conception et la construction de la centrale nucléaire estonienne peuvent être progressivement lancées dès à présent. » Et parce qu’enfin d’autres s’orientent dans la même direction en Europe. De quoi « donner l’assurance que la compétence et la chaîne d’approvisionnement de la technologie sélectionnée seront suffisantes » sur notre vieux continent.

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Du schiste bitumineux au nucléaire ?

Fermi Energia rappelle tout de même qu’avant de construire un SMR en Estonie, le parlement devra approuver l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le pays. Il faudra aussi trouver un emplacement approprié pour ce petit réacteur. Et élaborer une législation sur l’énergie nucléaire. Un cabinet de conseil écossais a été mandaté pour guider le gouvernement dans sa volonté de développer et d’exploiter de manière sûre, les technologies nucléaires avancées. Malgré toutes les étapes qui restent à franchir et alors que l’opinion publique semble de plus en plus favorable au projet, Fermi Energia considère aujourd’hui qu’il est réaliste de produire une électricité d’origine nucléaire en Estonie d’ici Noël 2031.

Rappelons que la principale source d’électricité et de chaleur de l’Estonie reste aujourd’hui… le schiste bitumeux ! Une source produite sur son territoire et qui lui a surtout permis de garder son indépendance vis-à-vis de la Russie. Mais une source difficilement acceptable dans le processus de transition durable entamé par l’Europe entière. Le pays est parmi ceux qui produisent aujourd’hui l’électricité la plus carbonée d’Europe. Il a cependant annoncé sa volonté d’arrêter d’utiliser du schiste bitumineux dans ses centrales électriques d’ici 2030.

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