Les régions dotées d’une géographie montagneuse sont très favorables à l’installation de systèmes de récupération de l’énergie de freinage des trains. On vous emmène en Suisse, pays de montagne s’il en est, où vous produisez davantage d’électricité que vous n’en consommez sur certaines lignes ferroviaires. Voici l’explication scientifique.

Le freinage régénératif ne concerne plus seulement la Formule 1, mais est une technique aujourd’hui très répandue dans les voitures hybrides ou électriques pour les particuliers. Dans les véhicules classiques, le freinage est obtenu par frottement des plaquettes contre les disques des freins. L’énergie cinétique du véhicule est alors convertie en chaleur et dissipée dans l’atmosphère. Du pur gaspillage d’énergie et de matière.

Dans le cas du freinage régénératif, les roues entraînent le moteur électrique du véhicule, qui fonctionne alors comme un générateur et produit de l’électricité, ensuite stockée dans la batterie. L’énergie cinétique du véhicule est ainsi convertie en électricité. Cette électricité pourra être utilisée plus tard pour entraîner à nouveau le moteur. Le freinage régénératif est donc une manière de « recycler » l’énergie.

Le même système est bien sûr utilisable pour les camions, métros, tramways ou encore les trains, pour alimenter des batteries embarquées, voire pour alimenter le réseau électrique. L’idée n’est pas neuve, toutefois, le concept fait aujourd’hui l’objet d’une attention croissante du fait de la transition énergétique, et ce, notamment dans les pays montagneux qui ont complètement électrifié leur réseau ferroviaire, comme la Suisse.

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Ni mouvement perpétuel ni énergie libre

Ainsi, sur Twitter, l’utilisateur @SBBTrainDriver, conducteur de train professionnel, nous montre un exemple d’un trajet de 85 km entre Saint-Gall et Zurich.

Sur ce voyage, le train a consommé 1 049 kWh et généré… 1 484 kWh lors des phases de freinage, selon le conducteur. Le bilan net est donc positif et le train a généré plus d’électricité qu’il n’en aura consommé ! Il ne s’agit évidemment pas d’énergie libre ni de mouvement perpétuel (qui n’existent pas). En effet, ce trajet comporte plus de descentes que de montées : l’altitude de Saint-Gall est de 669 m et l’altitude de Zurich est de 408 m, soit un dénivelé de 261 m, et il va de soi que la même performance n’est pas possible sur le trajet retour. Néanmoins, cet exemple nous montre que les capacités du freinage régénératif sur des trajets de routine n’est en rien anecdotique.

Selon les données fournies par l’auteur du tweet, il s’agissait d’un train à deux étages Twindexx, de 400 mètres de long, pesant 1 054 tonnes et pouvant accueillir 1 321 places assises. Les données de consommation et de l’éventuelle production lors du trajet retour a dénivelé positif n’a hélas pas été dévoilée par le conducteur.

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Le plus long train de passagers au monde récupère aussi de l’énergie

En 2022, à l’occasion du 175ᵉ anniversaire des chemins de fer suisses, la société des Chemins de fer rhétiques (RhB) a battu le record du plus long train du monde. Le train, constitué d’une centaine de voitures, mesurait une longueur de 1 906 m, soit près de 2 km ! Il a réalisé un trajet de 25 km entre Preda et Alveneu, franchissant 48 ponts et 22 tunnels, à une vitesse comprise entre 30 et 35 km/h.

Le record du monde du plus long train battu par la Suisse / Image : Swiss-image.ch – Philipp Schmidli.

Preda est située à 1 789 m d’altitude et Alveneu a une altitude plus basse de 999 m, soit un dénivelé de 789 m. Cette pente a vraisemblablement aidé au déplacement de cet immense train, mais il a permis également de générer de l’énergie : ainsi 4 000 kWh ont été produits par le système de freinage régénératif du train.

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Un train à freinage régénératif en Suisse depuis 1898

La première voie de chemin de fer à crémaillère en Suisse relie Zermatt et un point de vue majestueux, une plateforme panoramique située à 3 089 m d’altitude sur un sommet appelé le Gornergrat. La forme particulière et très effilée du Mont Cervin est visible pendant l’essentiel des 9 km de trajet.

Le train à crémaillère à récupération d’énergie du Gornegrat, avec le Cervin en arrière-plan / Image : Gornergrat Bahn.

Il s’agit d’un train électrique depuis sa mise en service en 1898, et mieux encore, depuis lors, le train dispose d’un système de récupération de l’énergie. Ainsi, lors de la montée, le train utilise l’électricité fournie par une caténaire pour faire tourner son moteur électrique. Mais lors de la descente, le même moteur produit de l’électricité qui est utilisée par d’autres véhicules ou injectée dans le réseau. De ce fait, l’énergie produite par trois descentes permet d’alimenter entre un et deux nouvelles montées.

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