Après 14 ans de travaux, la station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (STEP) du Nant-de-Drance en Suisse vient d’être branchée au réseau. Un système de stockage d’électricité redoutablement efficace pour optimiser la production des énergies renouvelables.

Connaissez-vous l’étonnant secret caché par quelques rares barrages hydroélectriques ? Au-delà de leur muraille et lac de retenue d’apparence habituelle, certains abritent un discret mais ingénieux système de stockage d’électricité. Appelé « STEP » pour « Station de transfert d’énergie par pompage-turbinage », ce système est une sorte de batterie fonctionnant exclusivement avec de l’eau.

Le principe est simple : lorsque l’électricité est excédentaire sur le réseau, des pompes remplissent un lac supérieur. C’est la phase de recharge, comme sur une batterie. Puis, selon les besoins, l’eau est envoyée vers un lac inférieur. Dans sa chute, elle entraîne des alternateurs qui produisent de l’électricité. C’est la phase de décharge.

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Schéma de principe d’une STEP / Document EDF publié par xaintrie-passions.com

Stocker de grandes quantités d’électricité renouvelable

Selon ses dimensions, une STEP peut ainsi accumuler des quantités faramineuses d’électricité. Une caractéristique particulièrement utile dans le cadre du développement des énergies renouvelables non-pilotables. Alors que l’éolien et le solaire n’obéissent qu’à la météo, une STEP peut stocker et redistribuer leur production en fonction des besoins des consommateurs.

Le vent souffle, le ciel est clair, éoliennes et panneaux solaires produisent plus que nécessaire ? La STEP active ses pompes pour « recharger » le lac supérieur. La nuit tombe et le vent se calme ? La STEP se décharge dans le lac inférieur en produisant de l’électricité.

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Nant-de-Drance ajoute 20 GWh de stockage et 900 MW de puissance

Malgré cet avantage considérable, rarissimes sont les pays européens qui investissent dans de nouvelles STEP. La mise en service de la STEP du Nant-de-Drance en Suisse est donc un petit évènement. Située à la frontière franco-helvétique, cette unité ajoute 20 GWh de capacité de stockage et 900 MW de puissance installée au réseau suisse mais aussi européen. Pour se faire une idée, 20 GWh équivalent à environ 250 000 batteries de Tesla Model 3 Long Range et 900 MW est la puissance d’un réacteur nucléaire français de première génération.

Démarrée le 1er juillet, elle a nécessité 14 années de travaux pour réaménager un complexe hydroélectrique existant. À 2 225 m d’altitude, le barrage du Vieux-Emosson qui fait office de lac supérieur, a du être surélevé. Un puits de chute de 425 mètres de profondeur et 17 km de galeries ont été percés dans la montagne. Véritable cathédrale souterraine, la centrale électrique abrite six turbines-pompes de 150 MW chacune.

Une STEP moins coûteuse qu’une giga-batterie

Elle débouche sur le lac inférieur constitué par le barrage d’Emosson, dans lequel l’eau peut être turbinée jusqu’à un débit de 360 m3/s (l’équivalent du flux estival du Rhône à hauteur de Genève). L’installation peut passer « en moins de cinq minutes du pompages à pleine puissance au turbinage à pleine puissance, soit de -900 à +900 MW » assure l’exploitant, la société Nant-de-Drance. Une réactivité très appréciée par les gestionnaires de réseaux électriques, dont la mission est de synchroniser avec une extrême précision production et consommation. D’autant que la centrale dispose d’un rendement de 80%, « l’un des plus élevés à l’heure actuelle pour stocker de l’électricité » explique la société.

Cette dernière rassemble les fournisseurs et producteurs d’électricité Alpiq, IWB et FMV ainsi que les chemins de fer suisses CFF. La STEP a nécessité un investissement de près de 2 milliards de francs suisses (soit autant d’euros). Une somme finalement pas si élevée au regard de la quantité d’électricité accumulée. À 111 €/kWh, dans le cas de la STEP de Nant-de-Drance, le prix du stockage par STEP reste inférieur à celui d’une giga-batterie.

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