Au Canada, l’Ontario, c’est un peu la province du nucléaire. On y trouve trois des quatre centrales du pays. Et bientôt, celui qui devrait devenir le tout premier petit réacteur modulaire (SMR) mis en fonctionnement en Amérique du Nord.

Il y a plus d’un an maintenant, le président Emmanuel Macron nous présentait le plan de relance France 2030. Le grand public découvrait un nouvel acronyme : SMR, comprenez « small modular reactors » ou « petits réacteurs modulaires » en français. Des réacteurs nucléaires miniaturisés dont la puissance serait, sur le papier, comprise entre 50 et 300 mégawatts électriques (MWe) — alors que celle des réacteurs que nous connaissons s’affiche entre 900 et 1 650 MWe. Avec, pour principaux intérêts, une baisse des coûts et des délais de construction raccourcis.

Plus de 70 projets étaient ainsi identifiés dans le monde. Parmi lesquels, le Nuward français — deux réacteurs d’une puissance de 340 MWe. Et ceux de près de 20 autres pays. Toutefois, à ce jour, seulement quelques-uns de ces petits réacteurs modulaires sont entrés en fonctionnement. Un SMR de 125 MWe en Chine et deux réacteurs de moins de 75 MWe en Russie. Quant à l’Argentine, elle achève actuellement la construction d’un SMR de 25 MWe seulement. Le premier SMR européen pourrait voir le jour du côté… de la Roumanie.

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De quoi alimenter 300 000 foyers

Mais aujourd’hui, c’est bien un contrat concernant la livraison du premier small modular reactor en Amérique du Nord qui vient d’être signé. Il est question ici du SMR BWRX-300 développé par General Electric Hitachi Nuclear Energy. D’une puissance de 330 MWe — assez pour alimenter plus de 300 000 foyers —, il sera mis en service sur le site de la centrale nucléaire en cours de rénovation de Darlington, dans l’Ontario (Canada) d’ici fin 2028.

Pour comparaison, il aura fallu 9 ans pour construire le réacteur n°2 — d’une puissance d’environ 900 MWe — de cette centrale et l’on s’attend à ce que ce premier SMR soit construit en seulement 2 ou 3 ans. Pour une durée de vie estimée à 25 ans pour le premier et à 60 ans pour le second. La Banque de l’infrastructure du Canada (CIB) a ainsi engagé 715 millions de dollars sur le projet. Un investissement environ deux fois supérieur à ce que nécessiterait une installation solaire photovoltaïque de capacité équivalente. Mais avec les avantages promis par ce moyen de production pilotable.

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La difficulté de trouver des sites

Il faut savoir que le site de Darlington demeure le seul, dans tout le Canada, ayant obtenu les autorisations pour installer de nouveaux réacteurs nucléaires. Les normes imposées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), en effet, sont contraignantes. Proches de celles appliquées aux réacteurs traditionnels, comme l’existence de connexions d’infrastructure sécurisées pour le transport des matières radioactives, par exemple. Ou l’accès à un approvisionnement en eau pour le refroidissement. Ce qui explique — en plus du côté pratique qui permet de minimiser encore un peu plus les coûts et le temps de construction — pourquoi les sites nucléaires existants sont pour l’heure encore privilégiés.

D’autres provinces du Canada ont toutefois manifesté leur intérêt pour le SMR de General Electric. La Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick — la seule autre province nucléaire du pays — ou encore l’Alberta. Aux États-Unis aussi, le Tennessee a entamé des démarches. Et en Europe, c’est la Pologne qui espère installer un premier de ces petits réacteurs modulaires avant la fin de cette décennie. Pour enfin sortir du charbon sans pour autant perdre ses emplois.

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Du côté de la concurrence, EDF et son projet Nuward ont reçu un financement public de l’ordre de 1,1 milliard d’euros pour la réalisation d’un prototype d’ici 2030. Au Royaume-Uni, c’est Rolls-Royce qui espère gagner la course. L’entreprise bénéficie également de financements publics pour le développement d’un SMR de 470 MWe. Des protocoles d’accord auraient déjà été signés avec l’Estonie, la Turquie et la République tchèque. Et Rolls-Royce espère construire son premier petit réacteur modulaire au début des années 2030.