Pour décarboner son mix énergétique sans charbon, gaz fossile ni nucléaire, l’Allemagne doit faire exploser ses capacités de production renouvelables. Elle prévoit ainsi de tripler sa puissance éolienne installée d’ici 2040. Pourtant, le nombre d’éoliennes installées sur son sol va diminuer. Comment est-ce possible ?

Ce samedi 15 avril 2023, l’Allemagne a déconnecté du réseau ses trois derniers réacteurs nucléaires. Trois unités qui en 2022 avaient produit 6 % de l’électricité du pays. Une production ultra-bas-carbone. D’ici 2030, le pays ambitionne aussi de sortir du charbon. Alors qu’en 2022 encore, près d’un tiers de l’électricité du pays était ainsi produite. Alors, même si une partie des centrales à charbon doit être transformée en centrales à gaz, pour continuer d’assurer son alimentation en électricité, l’Allemagne va devoir miser sur un développement massif des énergies renouvelables et notamment de l’éolien. Un développement « trois à quatre fois plus rapide » que ce que le pays a opéré jusqu’ici.

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L’Allemagne, un pays toujours dans le vent ?

Est-ce réellement envisageable ? La question se pose. D’abord, parce que la cadence d’installation des nouvelles éoliennes terrestres ralentit. En 2017, presque 2 000 éoliennes étaient érigées dans le pays. Mais en 2022, l’Allemagne n’a pas installé plus de 500 éoliennes. En cause, surtout, les prévisions sur les prix du solaire et de l’éolien. Selon l’Institut Fraunhofer, le coût de production du photovoltaïque doit en effet diminuer plus rapidement d’ici 2030 que le coût de l’éolien. Allant jusqu’à rendre la production solaire aussi bon marché que l’éolienne, même dans le nord du pays.

D’autant qu’à ce jour, le pays ne compte déjà pas moins de 28 500 éoliennes terrestres. Un parc d’une puissance totale de quelque 58 GW — plus environ 8 GW offshore. La nouvelle loi sur les énergies renouvelables fixe un objectif 2030 à 115 GW. Mais d’ici 2040, l’Allemagne pourrait avoir besoin de faire grimper cette puissance à 160 GW. C’est tout de même presque trois fois plus qu’aujourd’hui. Faudra-t-il pour autant tripler le nombre d’éoliennes en fonctionnement ? Heureusement non, jugent notamment des experts de l’université de Leipzig et du centre Helmholtz pour la recherche environnementale.

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Un parc éolien vieillissant : une aubaine ?

Leur principal argument : l’âge du parc éolien allemand. Celui-ci arrive en fin de vie. Et finalement, les éoliennes en place produisent relativement peu d’énergie au regard de ce que promettent les modèles de dernière génération. Il devrait ainsi être possible de tripler la puissance éolienne installée sur le sol allemand tout en réduisant légèrement leur nombre à quelque 25 000 seulement. Des éoliennes toutefois plus grandes et de fait, visibles de plus loin. Ce qui pourrait causer quelques nouvelles difficultés d’acceptation sociale.

Pour mieux répartir l’effort, alors que le parc actuel est concentré sur le nord et l’est de l’Allemagne, le gouvernement demande à chaque région de prévoir de consacrer quelque 2 % de son territoire au développement des énergies renouvelables d’ici 2032. Même la Bavière qui a longtemps reculé des quatre fers devra s’y mettre. Et rattraper l’immense retard qu’elle a pris, en multipliant par presque 10 sa puissance éolienne installée. Dans la région, la fameuse règle « 10H » — aucune implantation d’éolienne à une distance des habitations inférieure à dix fois sa hauteur — a d’ailleurs déjà été assouplie.

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Les experts se veulent aussi rassurants. Leurs simulations évaluent aujourd’hui les distributions d’éoliennes les plus intéressantes sur le pays. En matière d’efficacité, de conservation de la nature ou encore de distance avec les habitations. De quoi espérer, en tout cas, trouver un compromis. En parallèle, le gouvernement allemand a décidé d’élever la barre des objectifs pour l’éolien offshore. Il s’est engagé à atteindre les 30 GW d’ici 2030 et les 40 GW d’ici 2035 — c’est l’objectif de la France pour 2050. Et même les 70 GW à l’horizon 2045 ! Le tout alors que la totalité de la zone économique exclusive de l’Allemagne en mer du Nord, par exemple, n’est pas bien plus grande que… la Belgique.