Outre l’éolien et le solaire, la transition énergétique passera également par le nucléaire en Pologne. Pour se défaire du charbon et du gaz, le pays lancera le chantier de ses premiers réacteurs en 2026. La Pologne est le premier État européen à renouer avec le nucléaire civil.

Le parc de production électrique polonais est une véritable catastrophe climatique et sanitaire. En 2022, le pays a produit 66,7 % de son électricité à partir de centrales à lignite, le plus polluant des charbons. Gaz et fioul ont représenté 6,5 % de la production, quand l’éolien et le solaire ont respectivement pesé pour 10,5 % et 5,2 %. Faute de ressources et reliefs favorables, l’hydroélectricité n’a contribué qu’à 0,9 % du mix.

Si la percée fulgurante des aérogénérateurs et panneaux photovoltaïques a permis de réduire les émissions de CO₂ (de 916 g eCO2/kWh en 2018 à 820 g eCO2/kWh en 2022 selon Electricitymaps), ces moyens de production très variables ne peuvent assurer seuls la souveraineté électrique de la Pologne. Ainsi, comment compte-t-elle se passer de ses 33,3 GW de centrales au charbon, dont la fin d’exploitation est fixée pour 2049 ?

Le mix électrique polonais en 2021 et l’emplacement des futures centrales nucléaires./ Infographies : RE.

Trois centrales nucléaires, dont une privée

En parallèle au solaire et à l’éolien, la Pologne va renouer avec l’énergie nucléaire. Le pays, qui n’a jamais déployé de réacteur nucléaire électrogène civil sur son sol, envisage de construire 2 à 3 centrales pour une puissance cumulée de 6,6 à 9,9 GW d’ici 2043.

La première est déjà actée, elle se situera sur le littoral de la mer Baltique, à Lubiatowo-Kopalino. Un emplacement pratique, mais aussi symbolique : à quelques kilomètres de là se trouvent les vestiges de la centrale nucléaire inachevée de Zarnowiec. Un projet avorté en 1990, la population étant farouchement opposée au nucléaire un an après la catastrophe de Tchernobyl.

La centrale de Lubiatowo-Kopalino sera équipée de trois réacteurs américains Westinghouse AP-1000 d’une puissance de 1 100 MWe. Les travaux débuteront en 2026 et la mise en service de la première tranche est prévue pour 2033. L’emplacement et les caractéristiques des autres centrales ne sont pas encore déterminées.

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Les géants du nucléaire civil poursuivent les négociations pour obtenir les juteux contrats, comme EDF qui est toujours en lice pour fournir 4 à 6 réacteurs EPR de 1650 MWe. Outre Westinghouse et son AP-1000, le sud-coréen KHNP souhaite également déployer ses réacteurs APR-1400 de 1355 MWe.

Ce dernier a d’ailleurs signé une lettre d’intention avec les énergéticiens polonais ZE PAK et PGE pour la construction d’une 3ᵉ centrale nucléaire à Patnow, sur le site actuel d’une centrale à charbon. Le projet entièrement financé par des fonds privés exploitera donc des réacteurs APR-1400, dont le nombre reste inconnu.

Le nucléaire ne décarbonera pas tout seul

La Pologne inaugurera ses premiers réacteurs nucléaires d’ici 20 ans au mieux. Il faudrait toutefois atteindre au moins une trentaine d’années avant que le pays achève son programme. Avec 9,9 GW de puissance nucléaire installée, il devrait produire environ 87 TWh d’électricité bas-carbone et pilotable chaque année (en considérant un facteur de charge de 90 %). Cela demeure bien inférieur aux 129,7 TWh d’électricité générés à partir de centrales au charbon en 2021.

Pour sortir rapidement du charbon, mais également du gaz fossile et du fioul, la Pologne ne devra pas négliger le déploiement massif des énergies renouvelables et solutions de stockage. Le nucléaire, opérationnel dans plusieurs décennies seulement, sera un grand atout pour la décarbonation du pays, mais il n’y parviendra pas seul.

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