Par crainte d’une pénurie d’électricité, les ministres des Transports et de la Transition énergétique ont demandé aux opérateurs de transport de réduire leur consommation d’énergie. Plus gros client industriel d’électricité en France, la SNCF en fait évidemment partie. Mais quelle quantité d’énergie consomme réellement le secteur ferroviaire ? Comment les trains peuvent-ils économiser de l’électricité sans réduire le trafic ?

Chaque année, le secteur ferroviaire absorbe 1,6 % de la consommation totale d’électricité en France. Cela représente 7,6 TWh selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE). SNCF Mobilités est le principal consommateur, avec 6,5 TWh/an.

Dans le détail, les pertes électriques dues à la transformation et au transport du courant pèsent 0,7 TWh/an, la consommation des autres opérateurs ferroviaires s’élève à 0,25 TWh/an et les infrastructures (gares, ateliers de maintenance) engloutissent 0,15 TWh/an.

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La conduite au profil, une technique redoutablement efficace

Si 78 % du trafic ferroviaire est électrifié en France d’après SNCF Réseau, les convois propulsés par des motrices thermiques ont brûlé 10,9 millions de litres de gazole en 2019. Qu’ils fonctionnent au diesel ou à l’électricité, les trains disposent de mesures efficaces pour réduire leur consommation. Il ne s’agit pas ici de « couper le wifi », de décaler la recharge de smartphones ou d’éteindre des loupiotes.

Pour économiser plusieurs mégawattheures d’électricité à chaque trajet, les conducteurs pratiquent la « conduite au profil » aussi appelée « marche sur l’erre ». La technique consiste à anticiper le dénivelé de la voie pour profiter au mieux des descentes. Déjà employée à l’époque des locomotives à vapeur, la conduite au profil est perfectionnée de nos jours grâce à l’informatique.

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Un logiciel pour économiser jusqu’à 10 % d’énergie

Sur l’écran de leur tablette, les cheminots disposent d’un programme appelé « Opticonduite », qui leur indique où et quand couper l’alimentation des moteurs et accélérer de nouveau, en fonction du profil de la voie. Le logiciel peut également leur suggérer de rouler à une vitesse inférieure à la limite de la ligne à certains moments, sans impacter l’horaire d’arrivée.

Selon la SNCF, l’outil Opticonduite permettrait d’économiser 8 à 10 % d’énergie chaque année sur les TGV Inoui et Ouigo. « Cela représente 2 millions [d’euros] d’économies par mois sur la facture énergétique » précise l’opérateur sur son site.

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Combien de kilowattheures consomme un TGV Marseille – Lille ?

L’outil indique aux cheminots la consommation d’électricité réalisée à chaque trajet. Certains d’entre eux dévoilent ces données via le réseau social Twitter. « Christophe M. », un conducteur de Ouigo, révèle ainsi avoir très précisément consommé 31 193,77 kWh à bord de sa rame double entre Marseille et Lille.

« Chris », un de ses collègues, explique être parvenu à réduire de plus de 3 000 kWh sa consommation sur la ligne Paris – Lyon. De 16 026 kWh, son TGV en UM est passé à 12 936 kWh. « Le travail au profil a toujours existé, ça fait partie du métier de conducteur » nous explique-t-il. « On connaît nos lignes et le relief, on peut avoir des roadbook pour les points de passages vitesse à des endroits, pour viser la vitesse limite dans une cuvette sans avoir à accélérer » détaille le cheminot.

Le freinage régénératif, version ferroviaire

D’importants volumes d’électricité pourraient également être économisés grâce au « freinage électrique par récupération, si l’équipement est présent », explique Chris. Comment cela fonctionne ?

Lorsqu’un train freine ou décélère, il génère de l’électricité, qui est injectée sur la caténaire et peut être réutilisée par d’autres convois. Le système est finalement comparable au freinage régénératif d’une voiture électrique.

La SNCF affirme d’ailleurs travailler à mieux exploiter cette ressource, notamment via le stockage. Car, lorsqu’il n’y a pas de train à proximité pour la consommer, l’électricité produite au freinage est dissipée dans des résistances.

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Chauffage, climatisation et écrans publicitaires

Au-delà de la traction, de plus petites quantités d’énergie pourraient être grappillées sur les équipements. Des « temporisations » pour fermer automatiquement les portes de TGV en stationnement permettraient d’économiser 7 % de la consommation d’électricité du système de chauffage et climatisation, explique la SNCF.

En gare, une mesure simple et symbolique pourrait déjà être appliquée : l’extinction des innombrables écrans publicitaires. Un totem numérique d’une puissance de 300 W consomme 2 628 kWh chaque année (en fonctionnement ininterrompu à pleine puissance).

L’arrêt des 1 200 écrans implantés dans les gares françaises permettrait d’économiser quelque 3 GWh d’électricité annuellement. C’est l’équivalent de la consommation de 96 rames de TGV Ouigo sur le trajet Marseille – Lille.

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