Depuis le 17 mars dernier, date du durcissement des mesures de confinement, la demande en énergie a baissé dans tous les secteurs. La chute est estimée globalement à 15% du niveau de consommation moyen. Si les effets à court terme de la crise sont directement visibles à travers les prix de marché de gros de l’électricité, ses effets à long terme sont moins perceptibles. Pourtant ils sont réels.

Le ralentissement voire la mise à l’arrêt de pans entiers de l’industrie, du commerce et des transports (aéroports, TGV, métro, tramways), de même que la fermeture des cinémas, bars, discothèques, restaurants, centres commerciaux, bibliothèques, musées, et l’annulation de tous les spectacles ainsi que des événements sportifs, ont un impact très sensible sur notre demande globale d’énergie.

Le 18 mars dernier, RTE, le gestionnaire du réseau français de transport d’électricité, annonçait une réduction de la consommation de 15%. Avec la prolongation du confinement décidée ce vendredi 27 mars, la tendance est vouée à se maintenir au moins jusqu’au 15 avril.

Une grande partie de la baisse est liée au secteur de l’industrie, qui représentait en 2019 autour de 16,5 % de la demande, ainsi qu’aux autres entreprises et secteurs professionnels, dont la part dans la consommation s’élève à 47,5 %.

Source : media.rte-france.com

En Belgique également, le gestionnaire du réseau de transport, Elia, a enregistré le lundi 23 mars un niveau de charge sur le réseau de 25% inférieur à la moyenne des 5 lundis précédents. La mise au ralenti de l’économie belge a des effets surtout sur les secteurs de l’industrie (46% de la consommation belge d’électricité) et le secteur tertiaire (26%).

La continuité de l’approvisionnement est assurée

Malgré la crise du coronavirus et le confinement de bon nombre de salariés, les opérateurs français (EDF, RTE et Enedis) assurent que le fonctionnement des centrales nucléaires et thermiques est garanti – même avec 40 % d’absentéisme en cas de pic d’épidémie – et que les réseaux sont en état de marche. A l’heure actuelle, aucune centrale nucléaire n’a été mise à l’arrêt pour cause d’épidémie. EDF confirme qu’à cette heure, il n’y a « aucun problème du côté de la production » et aucune interruption de l’approvisionnement n’est envisagée.

Une baisse en partie effacée par le numérique

Toutefois, la consommation d’électricité liée au secteur numérique, du fait du recours au télétravail, aurait augmenté de 40 à 50 % dans le contexte du confinement, ce qui effacerait en partie la baisse de la demande d’électricité dans les autres secteurs.

Par ailleurs, le ralentissement brutal de l’activité industrielle et commerciale dans une grande partie de l’Europe entraîne une contraction des sources de flexibilité, pourtant essentielles au bon fonctionnement de nos réseaux électriques. En effet, le principe du « priority dispatch » assure une priorité d’injection sur le réseau pour les énergies renouvelables (hydrauliques, solaire, éolien) et le nucléaire, tant que des solutions de stockage au niveau industriel ne sont pas développées. Ce qui, soit dit en passant, pourrait accélérer le déclin du charbon dans la production électrique, un phénomène déjà amorcé en Europe.

Des effets à long terme

Comme ailleurs en Europe, La France est actuellement en surcapacité électrique, ce qui pousse les prix de gros de l’électricité à la baisse, tout comme les revenus des producteurs d’électricité. Or une contraction du prix de l’électricité n’est pas de nature à inciter le développement des énergies renouvelables. Si la chute des prix se maintient sur le long terme, il faut craindre une baisse des investissements dans de nouveaux projets renouvelables.
De plus, la lutte contre le réchauffement climatique risque de passer au second plan des priorités de nombreux acteurs économiques et décideurs politiques.

Tous les prix de l’énergie sont en berne actuellement : celui du gaz, aligné sur le pétrole, est en chute libre. Le prix de la tonne de charbon, malgré une hausse en fin d’année 2019, s’effondre sur le marché européen, passant de 24 € à 15 € la tonne le 23 mars dernier, du fait d’une baisse de la production d’électricité thermique.

C’est pourquoi il est difficile d’anticiper sur le long terme l’évolution du prix de l’électricité, car il interagit avec toutes les autres composantes du secteur énergétique (gaz, pétrole, nucléaire),  l’électricité ne constituant que 25% de la consommation finale d’énergie en France.