Le fonctionnement d’un panneau photovoltaïque peut paraître bien mystérieux : comment en effet de la lumière peut-elle produire de l’électricité ? Rien de sorcier, pourtant, dans cette technologie issue des travaux d’Edmond Becquerel en 1839, mais pour l’expliquer, nous allons devoir plonger au plus profond de la matière.

Commençons par décortiquer un panneau photovoltaïque. Le cadre métallique a pour fonction d’apporter de la rigidité au panneau, de façon à permettre en particulier sa manipulation. Il est généralement constitué d’aluminium.

Les composants d’un panneau photovoltaïques / Image : Solar Calculator modifié par : Révolution Énergétique

À l’intérieur de ce cadre, plusieurs couches sont destinées à protéger le panneau des agressions de son environnement. La face avant (côté soleil) du panneau est recouverte d’une couche supérieure généralement constituée de verre trempé, tandis que le dos du panneau (côté sol / toiture) est couvert par une membrane typiquement en polymère. Autour des cellules et coincées entre la face avant et le dos, l’enveloppe complète la protection, sous la forme d’une résine chimique très adhésive. L’objectif de toutes ces couches est de protéger le cœur du panneau d’agressions diverses : chocs, humidité, rayonnement ultraviolet, ou des amplitudes de température, voire des produits chimiques.

Les cellules photovoltaïques se trouvent au milieu de ces couches multiples. Il s’agit d’un composant très mince, de quelques dixièmes de millimètres d’épaisseur, constitué de matériaux appelés « semiconducteurs ». C’est dans ce composant que la lumière est transformée en électricité, et nous allons expliquer en détail son fonctionnement. Et pour ce faire, nous allons devoir plonger au cœur de la matière.

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La valse des électrons dans la matière

Les atomes qui constituent un matériau possèdent tous un certain nombre d’électrons, lesquels s’agencent autour du noyau atomique sous forme de couches. Les couches les plus profondes contiennent les électrons dits « de cœur », qui sont très solidement liés au noyau et auront peu d’interactions avec l’extérieur de l’atome. Les couches supérieures quant à elles regroupent deux types d’électrons : les électrons dits « de valence », qui permettent de former des liaisons entre des atomes, et les électrons dits « de conduction », qui permettent la circulation du courant électrique.

Seules ces deux dernières couches jouent un rôle dans les propriétés électriques des matériaux. Leur configuration permet d’expliquer notamment la différence de comportement entre les conducteurs électriques, les isolants, et les semiconducteurs, et ce par la théorie dite « des bandes ».

Les niveaux d’énergie des électrons selon la théorie des bandes / Image : Pieter Kuiper, modifié par Guillaume Paumier, sur Wikimedia

Lorsque la bande de valence et la bande de conduction se chevauchent, les électrons peuvent facilement passer de la bande de valence à la bande de conduction. En conséquence, ils peuvent facilement se déplacer dans le matériau et s’assembler pour former un courant électrique, sous l’effet d’un apport d’énergie faible, appelé « excitation », par exemple une tension électrique même extrêmement faible. On parle alors d’un matériau conducteur, et cela concerne typiquement les métaux, par exemple le cuivre utilisé dans les fils électriques.

Inversement, lorsque la bande de valence et la bande de conduction ne se chevauchent pas, elles sont séparées par un intervalle d’énergie appelé « bande interdite » (en anglais « gap ») dans lequel un électron ne peut pas se trouver. Il faut alors fournir une quantité minimale d’énergie pour que les électrons sautent de la bande de valence à la bande de conduction, et permette ainsi au courant électrique de circuler. On parle alors d’isolant électrique, puisqu’il est nécessaire d’appliquer aux électrons une excitation très intense pour qu’ils passent dans la bande de conduction et que le matériau devienne conducteur. Par exemple, pour le polystyrène, il faut un champ électrique de l’ordre de 20 millions de volts par mètre pour qu’il devienne conducteur ; mais alors le courant est si intense qu’il conduit généralement à détruire l’isolant.

Entre ces deux extrêmes, il existe une certaine catégorie de matériaux appelés les semiconducteurs. Il s’agit d’isolants électriques dont la bande interdite est faible, c’est-à-dire qu’il suffit d’une faible excitation des électrons pour que le matériau devienne conducteur. Cette énergie peut être apporté par un champ électrique, mais également par la chaleur, ou la lumière. D’une certaine façon, un semiconducteur est un isolant électrique qui devient conducteur lorsqu’on l’éclaire ; il s’agit de l’effet photoélectrique.

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L’effet photoélectrique dans un semiconducteur

La lumière peut être considérée comme un flux continu de particules sans masse appelées photons, lesquels transportent de l’énergie. Lorsqu’un matériau semiconducteur est placé sous ce flux de photons, les électrons des atomes qui le composent peuvent capter ces photons si cette énergie dépasse le seuil de la bande interdite. L’électron passe alors de la bande de valence à la bande de conduction, lui permettant de circuler dans le volume du matériau. Ce phénomène, appelé l’effet photoélectrique, revient à dire que la lumière peut arracher l’électron de l’atome auquel il était lié, créant ce qu’on appelle un « trou » dans le matériau, c’est-à-dire un atome auquel il manque un électron.

Illustration de l’effet photoélectrique sur un semiconducteur constitué d’un cristal de silicium : Image : Révolution Énergétique

En pratique, le flux de photons qui frappe le matériau est continu et constitué d’un nombre gigantesque de photons, ce qui conduit à arracher un nombre très important d’électrons, et à générer un nombre tout aussi important de « trous » dans le matériau. Pour un semiconducteur placé seul à la lumière, les électrons libérés vont se déplacer de manière désordonnée dans toutes les directions, rapidement trouver un trou, se lier à nouveau à un atome, et l’énergie apportée par le photon sera ainsi dissipée. L’effet photoélectrique dans un semiconducteur simple n’est alors pas exploitable en tant que tel pour produire de l’électricité.

Le principe de fonctionnement d’une cellule photovoltaïque est d’empêcher les recombinaisons des paires d’électrons-trous, en forçant les électrons à se diriger vers une face du semiconducteur et en forçant symétriquement les trous à se diriger vers la face opposée. Pour obtenir ces mouvements opposés des paires d’électrons-trous, la technique utilisée en général est d’accoler deux plaques de deux semiconducteurs dopés avec un élément chimique différent.

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Qu’est-ce que le dopage ?

Le dopage est une technique dont l’objectif est de modifier la largeur de la bande interdite d’un matériau. Il consiste à substituer dans les cristaux d’un substrat semiconducteur, typiquement du silicium, de petites quantités d’atomes destinés à le rendre soit un peu plus conducteur, soit un peu moins.

Schématisation du dopage N et du dopage P d’un cristal de silicium / Image : Guillaum sur Wikimedia

Nous allons prendre le cas d’une cellule photovoltaïque au silicium, cas le plus courant. L’atome de silicium est un élément de la colonne 14 du tableau périodique et possède 4 électrons de valence. Dans un cristal de silicium, chaque atome forme quatre liaisons avec les atomes voisins. Si l’on insère dans le cristal un atome avec 5 électrons de valence, par exemple un élément de la colonne 15 comme le phosphore, ce dernier prendra la place d’un atome de silicium. Il formera toujours 4 liaisons avec les atomes de silicium environnants, mais il possédera un électron supplémentaire. Cet électron supplémentaire fera que la bande de conduction aura alors globalement une charge négative, car l’électron porte une charge négative : on parle alors de dopage N, pour négatif.

Inversement, si l’on insère dans le cristal un atome avec 3 électrons de valence, par exemple un élément de la colonne 13 comme le bore, ce dernier se substituera aussi à un atome de silicium et formera toujours 4 liaisons avec les atomes de silicium environnants. Il manquera toutefois un électron à une des liaisons. Ce manque d’électron donnera une charge globalement positive à la bande de conduction. On parle alors de dopage P, pour positif.

Lorsque l’on réunit une plaque N et une plaque P, il se forme ce qu’on appelle une « jonction P-N ». Et c’est là le principe de base d’une cellule photovoltaïque.

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La jonction P-N est au cœur de l’énergie photovoltaïque

Lors de la construction de la jonction, et à proximité immédiate de l’interface dans une zone appelée Zone de Charge d’Espace (ZCE), les électrons libres de la couche N vont être attirés par les trous de la couche P. Ils vont traverser la jonction, diffuser dans la couche P et s’y recombiner avec les trous. Il se crée un déficit d’électrons dans la couche N, qui aura ainsi une charge positive et inversement l’excès d’électrons dans la couche P à proximité de la jonction lui donnera une charge négative. Cette répartition génère un champ électrique permanent orienté de la couche N vers la couche P.

Fonctionnement d’une cellule photovoltaïque / Image : US Energy Information Administration, traduit par Révolution Énergétique

Plaçons cet assemblage au soleil, sous un flux de lumière. Du fait du champ électrique dans la jonction P-N, lorsqu’un électron capte un photon et produit une paire électron libre/trou, l’électron va se diriger préférentiellement vers la couche N et s’y accumuler, tandis que le trou va se diriger préférentiellement vers la couche P, et s’y accumuler lui aussi. Ces accumulations génèrent une tension électrique entre les deux faces de la jonction P-N.

Lorsque l’on connecte les deux faces de la jonction à un circuit électrique fermé, les électrons accumulés dans la couche N pourront circuler via ce circuit électrique pour se recombiner avec les trous accumulés de l’autre côté dans la couche P. Et une circulation d’électrons dans un circuit fermé n’est rien d’autre qu’un courant électrique. L’éclairement continu par le soleil conduit à générer en permanence des paires électrons-trous, et donc à générer de manière continue de l’énergie électrique utilisable par un appareil électrique.

Ce fut un long cheminement pour expliquer le fondement de l’énergie photovoltaïque : nous sommes passés de l’atome aux couches électroniques, à la théorie des bandes et aux notions de conducteur et d’isolant, des photons à l’effet photoélectrique puis au dopage et à la jonction P-N. Lorsque vous brancherez chez vous un appareil sur une source photovoltaïque, vous pourrez dorénavant songer à cette danse adroite et subtile de myriades d’atomes et d’électrons, dont l’action minuscule transforme la lumière du soleil en énergie que nous pouvons utiliser.